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Couchée à même le sol, je n'ai plus aucune notion du temps. D'ailleurs, il reste des bouts de tasse par terre, il faudra penser à les ramasser.

N'importe quoi. Quitte à penser à autre chose, je reste focalisée sur des morceaux de faïence. À chaque fois que je pose les yeux ailleurs, un souvenir me revient. La douleur a rarement été aussi forte. Cependant, je ne parviens pas à l'extérioriser. Je suis en colère, mais il m'est impossible de crier. Je suis terrassée par la tristesse, je ne parviens même pas à pleurer. Je suis fatiguée, lasse et je n'arrive pas à dormir.

Le carrelage est froid sous ma joue. Cette sensation désagréable reste le seul lien qui me permet de demeurer cohérente.

La porte s'ouvre brusquement. Quelqu'un s'allonge face à moi. Des yeux bleus. Il pose doucement sa main sur ma joue. Je ne la repousse pas, mais sentir un contact humain et vivant me fait froid dans le dos.

— Toutes mes condoléances, Rosalie.

— Merci, murmuré-je si bas que je ne suis même pas sûre qu'il m'ait entendue.

— Est-ce que ça va ?

— Sérieusement, Ayden ? rétorqué-je.

Il hausse les sourcils de surprise puis se rend compte de ce qu'il vient de me demander. D'un air grave, il observe mes traits, à la recherche d'informations sur mes états d'âme.

— Veux-tu rentrer chez toi ? me propose-t-il doucement.

— J'aimerais aller sur la mer, soufflé-je au bout de quelques instants.

Ces quelques paroles usent une grande partie de mon énergie. Presque à court de souffle, je me noie dans ses prunelles tumultueuses.

Il se lève et me tend sa main pour que je fasse de même. Je puise dans le peu de forces que j'ai et me redresse avec son aide. Seulement, à peine debout, je manque de m'écrouler. Il me rattrape au dernier moment.

— Doucement. Je vais te porter.

Un bras sous mes genoux et l'autre dans mon dos, il me soulève aisément. Avec délicatesse, il me pose sur une chaise pour chercher les clefs. Une fois le Passe-Temps fermé, il nous emmène jusqu'à chez lui. Je cache mon visage dans son cou et ferme les yeux, jouissant de la sécurité qu'il m'offre.

Arrivés au bateau, il me dépose sur le canapé. Accroupi devant moi, j'aperçois une ride entre ses sourcils. J'aimerais pouvoir l'effacer comme j'ai coutume de le faire. Seulement, je n'y arrive pas.

— Veux-tu partir maintenant ? s'enquiert-il, flattant ma chevelure.

— S'il te plaît.

— Très bien.

Il dépose un baiser sur mon front et laisse ses lèvres plus longtemps que nécessaire. Malgré moi, je me délecte de toutes ces sensations éprouvées. Si humaines.

— Tu vas venir avec moi dans la cabine.

De cette façon, je l'accompagne, retrouvant ma place sur le petit rebord. Par la suite, il démarre et nous éloigne de ce village, de tout. Bientôt, je ne vois que du bleu et aperçois juste un peu de terre au loin.

— Je vais prendre l'air, le préviens-je, commençant à étouffer dans cette pièce restreinte.

Concerné, il acquiesce. Ainsi, je sors sur le pont. M'appuyant sur la balustrade, le vent frais me fouette le visage, me faisant sentir vivante. Bientôt assise à terre, je ramène mes genoux contre moi.

Encore une personne qui est partie. Chaque départ me détruit un peu plus, même si je limite les arrivées. Personne ne devrait vivre comme ça.

Avec ou sans sucre ?Where stories live. Discover now