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— Un avantage à vivre sur un bateau : je n'ai pas à préparer ma valise. Je prends ma maison.

Il tente de me détendre à sa façon. Touchée, je lui offre un sourire.

Ayden s'en va ce soir. Il revient ce week-end, comme il me l'a promis. S'il vient pour l'anniversaire de Jacques, alors je crois pouvoir changer mon point de vue sur cette paranoïa de l'abandon.

Cette dernière semaine, nous avons passé du temps ensemble. Il a continué à venir au Passe-Temps. Chris a fini par comprendre qu'il partageait ma vie. Il ne s'est pas gêné pour m'embêter à ce propos d'ailleurs. Jusqu'à ce qu'Ayden le rencontre, par pur hasard au bistrot. Du moins, Chris a plutôt rencontré Le Glacier : sa facette froide et dure à appréhender.

Petit à petit, il s'ouvre à moi. Malgré tout, il reste insaisissable.

Je crois que le village a pris connaissance de la nouvelle, en dépit de notre volonté. Les habitants de Collioure ne semblent pas à la recherche de potins sur notre histoire et tant mieux.

— Du café ? me propose-t-il.

— J'en ai pris un avant de partir.

Sur le canapé, il s'assied à mes côtés et soulève mes jambes pour les poser sur les siennes.

— Rosie, je n'ai pas envie de partir avec pour dernier souvenir, toi, qui broie du noir.

— Désolée...

— Tu veux prendre l'air ? suggère-t-il, anxieux.

— Non, je veux rester avec toi, dis-je en me blottissant contre lui.

Je relève la tête tandis que lui la baisse vers moi. À la recherche de sa présence, je me redresse et l'embrasse doucement. Avec précaution, sa main se pose sur ma joue. Seules nos lèvres bougent l'une contre l'autre. Il reste chaste, me transmettant son calme rassurant.

— Montre-moi les plans que tu dois gérer, murmuré-je finalement.

Content que je m'y intéresse, il fouille dans une grande pochette verte avant de revenir avec des feuilles. Je l'ai déjà vu travailler et il semblait si passionné que je n'ai jamais osé le déranger pour lui demander de m'expliquer. Je m'assieds en tailleur quand il me rejoint. Il pose un des deux schémas au sol, non sans avoir vérifié que rien ne pouvait le tacher. Un rectangle avec beaucoup de chiffres et d'autres formes apparaissent devant moi. À dire vrai, je n'y comprends pas grand-chose. Il semble le remarquer, entreprenant d'expliciter son travail.

— Il s'agit de l'esquisse d'un garage. Il a fallu que je respecte un espace buanderie ainsi qu'une pièce supplémentaire, probablement une chambre d'ami, tout en conservant l'espace minimal pour une voiture.

Il me désigne chaque endroit sur son dessin et, au son de sa voix, il semble prendre vie sous mes yeux. Me redressant, j'admire chaque trait inscrit de sa main. L'architecte passe à la seconde ébauche, représentant le réaménagement d'une maison déjà existante.

— Tu as tout imaginé tout seul ? m'étonné-je.

— En partie. Les clients m'ont fait part de leurs souhaits et j'en suis arrivé à quelque chose qui ne leur convenait pas alors j'ai recommencé.

La pulpe de mes doigts trace le contour du carré. Ébahie, je me demande comment un homme aussi intelligent que lui peut bien vouloir de moi. Puis, lorsque je croise son regard, je crois que je comprends sans avoir à lui poser la question. Cela ne s'explique pas.

— Ça t'arrive souvent de devoir les refaire ?

— Quand je n'ai pas la même vision des choses qu'eux, oui.

Avec ou sans sucre ?Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon