Le rendez-vous fut rondement mené. Rien de particulier, le médecin examina rapidement Chloé et se contenta de renouveler son ordonnance. Les médicaments habituels, qui m'étaient familiers. Ma colère contre moi-même alla crescendo.

─ Du soutien moral, Chloé ? Le médecin n'a pas l'air inquiet.

Chloé haussa les épaules.

─ Je n'aime pas y aller seule, tu le sais bien.

─ Tu aurais dû appeler Bérangère ou Dennis.

─ Pourquoi ? T'es venu, non ? Et toute façon, c'est toi que j'ai envie voir.

─ Allons à la pharmacie, marmonnai-je, découragé.

Une fois les médicaments bien rangés dans son sac, on reprit la moto pour aller chez Chloé. Durant tout le trajet, elle se blottit contre moi. Elle détestait la moto, mais je me doutais bien que ce petit câlin impromptu, lui, n'était pas pour lui déplaire.

« Je me suis trompé », pensai-je en ralentissant pour me garer dans sa rue, au pied de son immeuble. « Bien sûr qu'elle est jalouse ! J'aurais dû m'en rendre compte avant ! »

Je m'en voulais de ne pas avoir compris tout seul la véritable nature de sa souffrance.

Une fois en haut, Chloé se dirigea vers la cuisine.

─ Brr, quel froid ! J'allais me faire un chocolat chaud. T'en veux un ? On gèle.

─ Non, Chloé. Je dois aller chercher Dani.

Chloé ouvrit un placard et en sortit deux tasses, qu'elle posa sur le comptoir.

─ Dani ne te rendra pas heureux, Alessio. C'est moi qu'il te faut. Tu as fait une erreur, mais...

─ Arrête, sifflai-je, la moutarde me montant au nez.

─ Il n'est pas trop tard, Alex. Tu annules ton mariage avec elle, et on se remet ensemble, et...

J'en eus le souffle coupé.

─ Chloé, non. Je n'ai pas envie de ça.

─ T'as pas envie d'être avec moi ?

─ Non, Chloé ! Je veux être avec Dani. J'aime Dani. Tu le sais. Tu le sais mieux que personne...

Chloé éclata en sanglots, mais je ne m'arrêtai pas.

─ Je ne suis pas désolé de l'aimer, Chloé, c'est comme ça. Il faut que tu arrêtes de m'appeler. Je te l'ai déjà dit. Je suis marié, bon sang ! Je ne peux pas passer tout ce temps avec toi et tu le sais. On arrête de se voir.

Un éclat de colère passa dans son regard bleu.

─ Donc, elle, tu pouvais passer du temps avec elle dans mon dos, cet été à la terrasse, mais moi, non ?

─ C'est ma femme, rugis-je. Tu comprends, ça ?

─ J'étais ta fiancée ! hurla Chloé. On allait se marier.

─ Justement, Chloé, tu l'étais, on ne s'est jamais marié. On s'était pas mal éloigné avant même que je revoie Dani. Tu le sais. Si on s'était marié, ça n'aurait pas marché, voilà mon avis.

Sa lèvre se mit à trembler, ses yeux s'emplirent de larmes.

─ Chloé, toi et moi, c'est fini depuis cet été. Tu as tes médicaments. Prends-les et repose-toi, maintenant.

─ Tu ne restes pas dîner ?

─ Chloé !

J'avais haussé la voix. Elle me considéra d'un air furieux.

─ Arrête ça. Dani ne veut même plus me parler.

─ Tant mieux ! Peut-être qu'elle te quittera, alors ! Tu l'aurais bien mérité.

─ ... t'es sérieuse, là ?

─ Ben, oui. Je ne vais pas te plaindre ! Je t'ai pas forcé à passer ce temps avec moi. Si elle te jette, la porte est ouverte, sache-le.

─ Ca va, Chloé, rugis-je. Ca suffit. Je t'ai déjà dit que je ne ressentais rien pour toi. Je voulais t'aider, c'est tout.

─ Et qu'est-ce que tu vas faire ? cria Chloé, irritée. La supplier ?

─ S'il le faut.

─ Mais POURQUOI ?! hurla Chloé. Elle est compliquée, capricieuse, ta mère ne la supporte pas. POURQUOI tu t'entêtes comme ça ? C'est QUOI, à la fin ? Son visage ou son corps ?

─ Chloé, je perds patience.

Je me dirigeai vers la porte. Elle courut pour me rattraper et m'entoura de ses bras.

─ Embrasse-moi, s'il te plait, Alex. Embrasse-moi comme avant.

Elle gémit. Les larmes perlaient au coin de ses yeux.

Je la repoussai fermement.

─ Adieu, Chloé. Ne m'appelle plus. Je ne répondrai pas.

─ Alessio... non, attends, excuse-moi.

Son expression était horrible à regarder, un masque de douleur. Je partis avec l'impression désagréable d'avoir rompu avec elle pour la deuxième fois en trois mois.

Cette fois, c'était la bonne.

Je rappelai Dani, qui, bien sûr, ne répondit pas. Elle était blessée, mais ça me mit en colère. Ne voulait-elle pas arranger les choses ? Elle ne pouvait pas penser ce qu'elle m'avait balancé tout à l'heure !

Mon cœur cognait comme un sourd parce que je savais que Dani le pensait.

Je réfléchis. Je savais où elle était. Dani était chez Caroline, la sœur de Lisa ; Lisa était à Paris pour les fêtes, avec son mari Bruno et leurs gamins. J'avais le choix entre la laisser tranquille... et aller la voir.

Je la rappelai. Aurais-je répondu à sa place ? Pas forcément. Je rappelai quand même. Il était un peu tard pour parler, mais je voulais que les choses soient claires, qu'elle écoute mon point de vue.


La Lune de Miel (HB tome 4)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant