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Alessio


─ C'est très beau, par ici, dit Papa d'un ton forcé.

─ Oui, j'aime beaucoup ce cadre, et Dani aussi.

─ Vous comptez rester encore longtemps ?

─ Non, un jour ou deux. On continuera la lune de miel aux États-Unis.

─ Et quand revenez-vous à Paris ?

─ D'ici quinze jours. Peut-être avant si Dani veut rentrer. On aimerait profiter l'un de l'autre un maximum.

─ Je te comprends. Une envie tout à fait légitime pour des jeunes mariés.

On entrait dans la ville illuminée. Durant tout le trajet, on avait volontairement parlé des environs, de la gentillesse des autochtones, de la cuisine locale, ce genre de lieux communs, des sujets neutres, pendant que Maman se murait dans un silence hostile et méprisant. Mon père l'ignorait et moi aussi.

J'arrêtai la voiture juste devant le grand hôtel où ils étaient descendus, sur la grande place de la ville. Je l'avais déjà repéré au cours d'une visite précédente. C'était l'un des plus chers du coin. Si j'avais su.

─ Vous repartez demain, Papa, c'est ça ? demandai-je.

J'étais pressé de retrouver Dani. Elle devait se sentir mal à cause de Maman, ce qui me mettait dans une colère noire. Elle ne lui avait rien fait, que je sache !

Malgré l'altercation à la villa, j'étais content de voir mes parents. Dans un monde idéal, on aurait pu se faire une balade en bateau pour admirer les environs et même un restau tous ensemble. Au lieu de ça...

─ Oui, confirma Papa. On ne sera resté que quelques heures. On voulait juste te voir.

Tu parles, me ramener bon gré mal gré, plutôt, ouais. Sauf que je n'avais plus cinq ans. Je croisai le regard furibond de Maman dans le rétroviseur et poussai un soupir.

─ Ma Maman... Mamoune, plaidai-je, écoute... je suis heureux. Je suis très content de mon choix. C'est le bon choix. Chloé, c'était bien, mais... bon. Voilà. Ca n'allait plus. C'est fini, c'est tout. Respecte ça, s'il te plaît, Maman.

Maman frémit de rage.

─ Ce n'est pas si simple. Tu m'as humiliée, Alessio. D'abord, tu annules le mariage. Quasiment au dernier moment, en plus ! Je ne savais plus comment affronter le regard des Lurier. Tu imagines ? Qu'est-ce que j'ai eu honte ! Le pire moment de ma vie. Merci.

─ Je suis vraiment, vraiment désolé. Je sais que ça craint... mais...

─ ... et ensuite, tu disparais, poursuivit-elle, faisant fi de ma réponse. Tu refuses la discussion. Et je te retrouve au fin fond de je ne sais où, MARIE à cette fille ! Je ne peux pas supporter votre relation instable, elle n'est pas saine et tu le sais. A croire que tu le fais exprès. Oui, évidemment. Tu te rends compte de la catastrophe ? Comment as-tu pu !

─ Maman, l'interrompis-je du ton le plus ferme et poli que je pus trouver, je suis plus un gamin... laisse-moi vivre ma vie comme je l'entends.

Je commençais à m'énerver.

─ Tu es irresponsable ! riposta Maman, la voix suraiguë. Tu te fous du monde ! Chloé était un excellent choix. Une jeune fille très bien, comme on en trouve plus, bien éduquée et discrète, qui t'aime tellement. Une année de fiançailles, tout avait été fait correctement, et toi, sur un coup de tête, tu envoies tout promener ! Mais enfin, Alessio ! Elle est inconsolable depuis que tu l'as lamentablement laissée tomber...

─ Maman..., grognai-je, mécontent.

Je serrai le volant dans ma main. Je n'avais pas envie de connaître ces détails-là. Je m'en doutais, que Clochette n'allait pas bien. J'essayais de ne pas y penser. Ça ne me concernait plus.
Pourtant je me sentais très mal quand même.

─ Vous formiez un si beau couple, se lamentait Maman, éplorée. Je ne te comprends, pas Alessio. Qu'est-ce qui t'es passé par la tête ?!

─ Je t'ai expliqué, pour Chloé, fis-je, le ton sec. Ca pouvait pas continuer. C'était fini depuis un moment, seulement je ne m'en étais pas aperçu. Maman, je n'étais pas heureux sans Dani.

─ Evidemment ! Mon pauvre petit, c'est ce que tu penses. C'est cette mauvaise fille, cette petite dévergondée, elle t'a ensorcelé...

─ Mais pas du tout, je l'aime, c'est tout. Ca suffit, maintenant, tu arrêtes de dire du mal de Dani. Je t'ai déjà demandé ça. C'est ma femme tu la respectes. Merde à la fin, tu me casses les pieds.

Maman était rouge de colère, et moi aussi. Je savais que ce n'était pas intelligent de jurer mais elle parlait en mal de Dani et ça me tapait sur le système. Je n'avais pas l'intention de tolérer ça, ayant toujours détesté qu'elle la traite froidement, même à l'époque où Dani me faisait cours.

─ Ne me parle pas sur ce ton, espèce d'imbécile ! Ce n'est pas dans tes habitudes. Tu vois, Sylvain, il change déjà à cause d'elle.

Papa gonfla ses joues.

_ Sophie, veux-tu bien te calmer... On en a tous assez.

Maman nous fusilla tous deux du regard.

_ Je te préviens, Alessio, je n'accepterai jamais ce mariage ! Alors tu fais une annulation, tu divorces, peu m'importe ; tu rentres à Paris, et tu retournes à ton bon sens. C'est foutu avec les Lurier, évidemment, mais au moins... tu ne serais plus avec cette... cette séductrice. Elle t'a brisé le cœur Dieu sait combien de fois, quel idiot de penser que ça sera différent !

─ Arrête, dis-je froidement. Tu ne me reparles plus jamais d'annulation. Cette fille, comme tu dis, est la personne que j'aime le plus au monde. Ce n'est pas à toi de décider d'une chose pareille. Je tiens à Dani, tu n'as pas idée, j'ai toujours voulu être avec elle. Oui on a eu des problèmes, mais on est enfin ensemble, et on va le rester, prépare-toi. Bonne nuit, Maman. Bon voyage.

Maman ouvrit vivement la portière, descendit de voiture et la claqua. Lorsqu'elle se pencha à ma vitre, son parfum familier me parvint. Un parfum que j'avais toujours aimé. C'était ma mère. Elle aussi, je l'aimais plus que tout. Brusquement, j'eus envie qu'elle me prenne dans ses bras et me dise que tout irait bien.

─ Très bien, dit-elle d'un ton très calme, rajustant son sac à son épaule. Si tu veux rester avec la fille de Thomas, à ta guise. Tu es assez grand pour faire tes choix, après tout.

Bon. C'était un début, si elle acceptait le fait que j'étais bel et bien marié avec Dani... On pouvait partir de là. Je lui souris, me sentant un peu moins tendu. Mon père lui affectait un air surpris.

─ Maman, tu verras, avec le temps, tu comprendras mon choix. Dani est super, tu sais. Elle est tellement brillante et adorable, généreuse et spontanée, tu verras tout ça en apprenant à la connaître...

Maman me fixait, la mâchoire serrée.

─ Non, Alessio. Reste avec elle, si c'est ce que tu veux. Simplement, sache que tu n'es plus le bienvenu à la maison.

Je la considérai, abasourdi, les oreilles bourdonnant.

─ Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ?

Elle recula d'un pas, le regard brillant de larmes.

─ Je te dis que tu n'es plus mon fils. A partir d'aujourd'hui... je n'ai jamais eu d'enfant.

Mon cœur s'arrêta.





(fin de partie)




La Lune de Miel (HB tome 4)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant