12

231 38 12
                                    


Après une douche rapide, je retrouvai Dani dans le salon.

Elle lisait, adossée au canapé, l'air absorbé. Elle avait passé un jean blanc et un t-shirt gris, tout simple, qui dévoilait son nombril, glissé ses petits pieds dans des chaussures à talons argentées, sans bride. J'aimais bien ses bracelets de cheville - un à chaque cheville. Comme elle avait ramené ses cheveux noirs sur son épaule, je vis qu'elle portait les boucles d'oreilles pendantes que je lui avais offertes et mon cœur s'en réjouit. Sur son cou, on distinguait plusieurs marques à divers stades de guérison. Un sentiment de triomphe irrépressible monta dans ma poitrine. J'avais envie de rugir.

Elle était à moi.

─ Dis donc, tu es à croquer, lui dis-je en haussant les sourcils.

Grand sourire.

─ Croque-moi, alors.

Je l'attrapai d'un bras par la taille, et elle pouffa lorsque je lui mordillai l'oreille. Les yeux dans les yeux, souriants, on exécuta quelques pas de danse lascifs au son de la musique Kizomba qui se déversait des enceintes. Son corps épousait parfaitement le mien ; tous deux se connaissaient si bien, savaient se parler. Me tournant le dos, Dani se déhancha contre moi, frottant son petit cul contre mon bas-ventre. Je la fis tourner sur elle-même, la ramenai vivement vers moi, lui pris le menton et l'embrassai sur le nez.

─ Allons-y, sinon on ne partira jamais, et on va remettre ça, lui dis-je, lui faisant les gros yeux.

Elle gloussa de nouveau, avant de plaquer les deux mains sur sa bouche. Mon cœur fondit. Moi qui ne supporte pas les gloussements, quand c'est elle, tout à coup, c'est le son le plus mignon du monde.

Je lui donnai une petite fessée, pour jouer.

On prit la voiture pour aller déjeuner en ville, à une petite table de bistrot ensoleillée. Elle commanda une pizza et moi un croque-monsieur.

Alors qu'on attendait nos plats, Dani croisa les jambes et se cala dans sa chaise. Elle regardait les passants en battant la musique avec son pied, sa chaussure se balançant nonchalamment au bout de ses orteils.

─ J'aime bien sa tenue, dit-elle, regardant d'un air intéressé une jeune femme passer.

J'y jetai un œil. La nana portait un chemisier blanc très décolleté et un short rouge.

─ Joli, admis-je. Mais... si tu mets ça, c'est que pour mes yeux, hein ?

Je n'aimais pas du tout l'insécurité dans ma voix, et bus en vitesse une gorgée de Sprite.

Dani fit la moue.

─ Maintenant qu'on est marié, tu vas pas faire ton taliban et m'enfermer, hein, Querido...

L'ironie dans sa requête me vexa un peu.

─ Tu es magnifique et tu le sais, fis-je, boudeur. Les passants le savent aussi. Je ne veux pas que tout le monde mate ton corps. C'est pas une question de mariage, c'était comme ça avant déjà. Ce truc qu'elle portait, la nana, on voit tout, Dani. J'ai même aperçu son soutien-gorge. Dentelle violette. Sympa.

Dani se renfrogna à son tour.

─ Dis donc, Alessio. Il était pas pour toi.

─ Bien sûr que si. Voilà ce qui arrive quand on montre tout à tout le monde : tout le monde en profite.

Dani leva les yeux au ciel, avant de me rappeler :

─ J'imagine. Sauf que si je veux mettre la même chose, je le fais, Querido.

Je ne pouvais pas gagner cette bataille, alors je me tus, mais je sentis la jalousie me titiller. Je repoussai la bouffée de possessivité qui montait dans ma poitrine. La guerre n'était pas terminée.

─ Tu veux plaire aux autres mecs ? demandai-je à brûle-pourpoint.

Autant régler ça tout de suite.

Dani ouvrit tout grands ses beaux yeux bruns.

─ Tu sais que je m'en moque ! Toi, par contre, tu m'attires.

─ Alors ?!

─ Alors, pas d'inquiétude, je te réserve mes tenues les plus coquines, meu amor.

Je me sentis un peu rasséréné. Je craquais toujours lorsqu'elle m'appelait « meu amor », surtout de ce ton là. Elle n'avait qu'un seul amour, et c'était moi, comme le rappelait le tatouage en forme de « A » sur sa chute de reins.

─ Seulement, je m'habille d'abord pour moi... et aussi un peu pour toi.

Dani me fit un clin d'œil, et je lui souris. Elle passa la main dans ses cheveux, et le petit diamant carré à son annulaire étincela en accrochant la lumière de l'après-midi. Dani se mordillait la lèvre, l'air songeur, en scrollant sur son portable. A son insu, je l'observais, admiratif.
J'allumai une cigarette et en prit une bouffée.
Me lasserais-je un jour de sa beauté ? Allais-je me réveiller un matin, totalement habitué à ses charmes, indifférent, peut-être ? Ca me semblait inconcevable. Je l'aimais tellement.

─ Mmm, fit-elle, l'air étonné soudain.

─ Quoi ?

─ Tu te souviens de l'allemande qui voulait investir dans Guiomar, cet été ?

─ La dame que tu devais voir à Paris ? Oui, je m'en rappelle.

─ Eh bien, on s'est vue à Rio il y a quelques jours et elle m'a proposé un poste. Chef de projet pour une ONG à Paris. Elle vient de m'écrire pour me relancer.

─ Sérieux ? fis-je, enthousiaste. C'est génial, Dani.

─ Elle dit qu'elle a un autre candidat sur le feu mais qu'elle veut être sûre que je ne suis pas intéressée d'abord. Elle tient vraiment à me filer le poste. Alessio, fit Dani, l'air surexcité, il est à Paris, le job. Ce serait parfait pour nous.

─ Tu peux vraiment faire ça en plus de Guiomar ?

─ Je peux, oui. Pour le plus gros, l'asso tourne toute seule depuis l'an dernier, tu sais. Je peux travailler sans problème à distance. Par contre, je devrai faire des visites régulières, pour voir comment les choses se passent. Même si on vit à Paris, je ne peux pas abandonner l'ONG.

─ Bien sûr. Personne ne te demande ça, de toute façon. Ce serait tous les combien que tu doives voyager ?

─ Tous les trois quatre mois, je dirais. Tu pourrais m'accompagner, si tu veux.

─ Si j'ai le temps, Dani. Avec le travail, faudrait poser des jours, mais j'adore le Brésil, comme tu sais.

C'était bien pour ça qu'on y restait pour profiter de notre lune de miel.

─ Tu es contente ?

─ Oui ! C'est un projet qui a l'air super. Bien payé, aussi. En gros, une excellente opportunité.

─ Pour toutes les deux, disons. Elle aurait de la chance de t'avoir, cette Allemande. Elle le sait et c'est pour ça qu'elle insiste !

Dani me fixait, l'air songeur.

─ Querido, j'ai vraiment envie d'accepter, mais je suis un peu nerveuse, avoua-t-elle soudain. Paris, c'est pas Rio, j'ai pas le même carnet d'adresses, le même réseau... d'accord, j'ai monté Guiomar avec Fabio, mais on était sur notre terrain.

─ Toute cette expérience est avec toi et te servira, comme cette Allemande l'a bien compris. Je suis sûr que ça va bien se passer.

─ Tu es un éternel optimiste, Alessio...

J'haussai les épaules.

─ Je pense que tu peux faire tout ce que tu veux, Dani, tu es une femme brillante.

─ Tu le penses vraiment ? dit-elle, toute contente, me prenant ma cigarette.

─ Oh oui. Je suis très fier, tu sais. Tu m'impressionnes.

─ Ca fait plaisir à entendre. Je suis contente que tu m'encourages. Merci.

Et moi, j'étais sur mon petit nuage qu'elle arrive à me communiquer ses émotions de cette façon, qu'elle m'ouvre son cœur. Rien ne me rendait plus heureux. Je pris sa main et y déposai un baiser.

─ C'est normal, ma Dani, tu le mérites.

Alors que je la regardais tirer une taffe, mon esprit superposa un souvenir au moment présent ; une autre table de restaurant, presque identique à celle-ci, où j'avais diné avec Chloé, il n'y a pas si longtemps que ça, à Castelis-sur-Mer. A peine quelques mois auparavant. Trois, pour être exact. Exactement comme aujourd'hui, j'avais eu envie de fumer, et Chloé avait un peu râlé. Je n'avais pas voulu la contrarier, mais j'avais tellement envie de nicotine que j'avais quand même demandé une cigarette à un autre client du restaurant. C'était totalement différent avec Dani, beaucoup plus simple. Elle se moquait de ce genre de choses, ne me demandait rien, à part d'être moi-même. Mieux que ça : la plupart du temps, elle m'accompagnait. Je me sentais totalement à ma place.

Rétrospectivement, je n'arrivais pas à comprendre comment j'avais réussi à me passer d'elle aussi longtemps. La présence de Chloé m'y avait aidé, bien sûr, mais...

Je sentis mon humeur se fermer, comme à chaque fois que je pensais à Chloé, au hasard d'un souvenir ou autre. Pas parce qu'elle me manquait - très peu, en fait - mais parce que le souvenir de notre dernière conversation me cassait le moral. Les ruptures ne sont jamais simples, mais celle-ci... celle-ci me foutait sérieusement le cafard.





**************

Tu m'étonnes que ça te foute le cafard LOL c'était pas beau à voir tout ça j'étais là moi

La Lune de Miel (HB tome 4)Where stories live. Discover now