L'initiation d'une reine

Chapitre 47 - Vénus -

 Les bains près du temple près du quartier de Dryades, c'est le seul endroit où je vais pouvoir trouver du réconfort. Ma vision se répète dans mon esprit, elle se joue en boucle comme une mélodie que l'on ne peut pas extraire. Plus les images défilent, plus mon âme s'effondre. Je lutte pour ne plus y penser, sauf que je n'y parviens pas. Je m'agenouille devant l'autel de la déesse afin de trouver la force de continuer. Je me mets à prier, même si je sais que cela ne rime clairement à rien.

Une nouvelle fois, je suis torturée comme il y a quelques années de cela. Je ne suis pas certaine de le supporter. Les larmes coulent sur mes joues, je ne suis pas prête pour cela.

Chère Déesse, j'ai besoin de toi !

— Tu ne devrais pas appeler Vénus, déclare une voix rauque.

Je me redresse vivement, n'en croyant pas mes oreilles.

— Mais, soufflé-je la voix coupée.

— Eh bien alors ma princesse, tu ne viens pas m'enlacer ?

Je n'hésite pas, je me lance dans les bras qui me sont tendus. Je pleure, encore, encore et encore. Nous nous retrouvons à genoux, je devrai me sentir mal pour ça, mais je n'en ai cure. J'ai besoin de tout vider.

— Je sais que le rôle que tu as est lourd, ma princesse, murmure-t-il.

— Il va mourir, pleurniché-je.

— Vénus, déclare-t-il en posant ses mains sur mes joues.

Il m'oblige à relever la tête vers lui. Il est bel homme, le teint clair, les iris bleus, la chevelure longue et brune. Son parfum d'océan m'apaise légèrement et sa stature me rassure. Je me sens bien et en sécurité, ce qui est rare.

— Tu accomplis de grandes choses. Tu as déjà changé le cours du destin et tu peux encore le faire.

— Une vie sans lui, je ne peux pas.

— Tu as eu une vision. Elle est subjective, pas définitive, ne l'oublie pas.

Je ne suis pas sûre que ce qu'il avance soit vrai. Il n'est pas le dieu lié à l'avenir, mais celui des eaux, des océans et des mers : Poséidon.

La première fois que je l'ai rencontré, il est venu à ma rencontre et ma première vision s'est manifestée. Avtrix n'a pu m'aider, mais Poséidon a accepté de m'écouter. Il m'a offert une épaule pour pleurer, pour extérioriser ma douleur lors de cette terrible nuit. Je ne sais pas si j'en serais là sans lui et sans Vénus. La déesse nous a rejoint comme elle le fait souvent lorsqu'il vient me rendre visite. Je sais qu'ils ont un lien particulier avec moi. Il est le second dieu a m'avoir accordé ses faveurs.

— Je t'ai vu changer le destin tellement de fois. Peut-être est-ce le temps que tu sois enfin toi, ma princesse.

— Cela risque de le tuer...

— Et si au contraire, ça le sauvait ? souffle-t-il avec un doux sourire sur le visage.

Le doute est présent. Est-ce que je dois prendre un tel risque ? Je n'en suis pas certaine.

— Je comprends ton fardeau, voir l'avenir n'est pas chose facile. Cependant par le passé, nous avons pu vérifier que rien n'était écrit en permanence. Alors je t'en prie, ouvre-toi à lui.

Les larmes coulent doucement. Wisk pensera peut-être que je suis un monstre ? Peut-être me haïra-t-il ? J'ai peur, parce que j'ai l'impression que je vais le perdre...

— Essaie, m'enjoint Poséidon, ne ferme pas la porte.

Je hoche simplement la tête avant qu'il ne me prenne de nouveau dans ses bras. Je ne sais combien de temps s'écoule, mais je parviens à reprendre le dessus. Mon corps s'écarte de cette douceur, de cette quiétude. Il est temps que je remette un pied dans le monde réel.

D'autant diront que je suis chanceuse d'avoir été choisie par autant de dieux, cependant je ne le vois pas ainsi. Pour moi, tout cela est difficile parce que j'ai souvent l'impression d'être seule et incomprise. La plupart des autres prêtresses ou dieux ne peuvent qu'interpréter les présages ou les messages subliminaux, se servant de cela pour guider les autres. Pour ma part, il m'arrive de me retrouver en face d'un dieu et qu'il me dise clairement que je suis dans l'impasse et qu'il ne m'aidera pas.

Là, il ne s'agit pas d'un cul-de-sac au sens propre du terme. Il est question de la vie de mon époux, il est question de l'amour de ma vie. Parce que je lutte contre nous depuis près de douze ans ! J'ai tout sacrifié pour sauver son existence et je recommencerai encore s'il le faut. Néanmoins, Poséidon laisse planer le doute. Peut-être que mon approche n'est pas la bonne... peut-être est-il temps comme il vient de m'être conseillé de laisser la destinée prendre le chemin qu'elle souhaite.

— Écoute ton cœur, ma princesse.

Poséidon dépose un baiser sur mon front avant de disparaître emportant avec lui mon calme et ma sérénité.

Mon esprit recommence à s'agiter. Je le revois tomber, je sens sa main sur ma joue, j'entends son dernier souffle, je perçois son dernier battement de cœur. Mes doigts se portent là ou je sens ses doigts, mais ne rencontrent que le vide. Je suis seule dans cette pièce, je suis seule face à mon avenir et je dois décider si mon époux doit en faire partie ou non.

Je suis sortie de mes songes par le claquement d'une porte, mon corps se tourne afin de voir qui pénètre ainsi dans ce lieu de recueil. Je m'attends à voir une prêtresse agitée, ou quelqu'un qui aurait besoin d'un guérisseur. Il ne m'est pas venu à l'idée que cela puisse être Wisk.

Quand mon regard croise le sien, je sais quel chemin je vais emprunter. Il est possible que cela nous tue tous les deux, mais je ne peux plus faire semblant.

— Tu veux vraiment que notre mariage fonctionne ainsi ! s'énerve-t-il en me montrant du doigt.

Le silence lui répond.

— Où est-il ?

— Qui ça ? demandé-je en me retournant et en essuyant mes larmes.

— Hadès ! crache-t-il. J'ai compris que tu avais un faible pour lui. Merci pour le cadeau, envoyer Alea dans mon lit pour détourner mon attention !

Mon corps se redresse puis se tourne afin de lui faire face, il est furieux et il est jaloux !

Je suis à toi, comme je l'ai toujours été !