L'initiation d'une reine

Chapitre 39 - Wisk -

 J'ai agi par instinct. Je n'ai strictement aucune idée de ce que j'ai bien pu entreprendre. Mon être a su quoi faire et j'ai bougé simplement. Après tout est extrêmement flou dans mon esprit.

Vénus a cessé de trembler dès l'instant où je l'ai touché, ce qui m'a soulagé. Je me voyais déjà la perdre. Non, pas que je tienne à elle, mais elle m'intrigue allons-nous dire. La froideur de Vénus après notre épisode au temple reste ancrée dans mon esprit, même lorsque nos vies reprennent leurs cours dans les couloirs du pouvoir et de l'intrigue. Elle est reine, et moi, désormais je suis roi à ses côtés. Notre mariage à scellé l'alliance entre nos nations en plus de l'amitié entre nos familles. Cependant tout cela dépasse de loin nos préférences personnelles, il est de notre devoir de concevoir un héritier. Effectivement, si au départ j'ai mis un frein à cette possibilité, il est temps que je m'acquitte de ma tâche. L'épisode dans notre chambre m'a montré à quel point nous sommes bien plus compatibles que je ne le soupçonnais. Nous partageons comme convenu la même chambre, chaque instant passé à ses côtés est chargé d'une tension inébranlable. Notre collaboration est celle du devoir pas de l'amour. C'est désormais elle qui résiste à ce que nous devons entreprendre.

Elle est belle d'une beauté époustouflante qui prend vie sous le regard bienveillant des dieux, mais derrière cette beauté, il y a une reine fière, forte et déterminée. Je suis fasciné par cette dualité, par la façon dont elle incarne à la fois la grâce et la force. Pourtant, elle me repousse comme si ma proximité la brûlait. Elle a érigé des barrières si grandes autour d'elles qu'aujourd'hui nos conversations restent formelles notre proximité calculée. Et pourtant, je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe de regrets, une part de moi-même aspirant à connaître la véritable Vénus, celle qui se cache derrière les masques de la royauté.

À mesure que les jours passent, le poids de notre tâche devient de plus en plus lourd. Certes, nos royaumes se sont rapprochés cependant nous sommes encore plus éloignés qu'au départ. Vénus semble repousser toute idée d'intimité entre nous. Les dieux que nous chérissons et qui nous favorisent sont les témoins de notre épreuve. Pourtant au milieu de cette tension palpable, je ressens un lien qui se tisse doucement. Malgré ses barrières, elle me laisse apercevoir des fragments de sa véritable personnalité. Ces rares moments où elle laisse tomber sa garde me laisse entrevoir une Vénus différente, une femme plus complexe et vulnérable que je ne le pensais.
De plus, la proposition d'Hadès est toujours dans l'air. J'ai du mal à accepter que cela se passe ainsi. Il est désormais urgent que je trouve une solution à notre problème. Peut-être serait-il tant que je la confronte enfin ?

Je ne suis pas certain que cela soit une bonne idée. Elle n'a jamais voulu me dire ce qu'elle pouvait me reprocher. Tout ce que je sais, c'est que je dois me faire pardonner. Qu'ai-je donc bien pu faire ?

Mes pensées se bousculent avec force dans mon esprit. Je n'ai aucune idée de ce que je dois faire. Et je ne peux pas compter sur les dieux pour m'indiquer la marche à suivre. Je suis sortie de mes pensées par une missive. Je casse le sceau rapidement afin de parcourir les lignes, c'est une lettre de mon ami Aimon, le prince des Elfes. Il est temps de sauter sur l'occasion de me rapprocher de ma reine.

Mes pas me portent jusqu'à mon épouse qui se trouve dans les jardins du Palais. Je m'accoude quelques secondes au pilier de la façade extérieure. Vénus est assise par terre, le vert de l'herbe fait ressortir le jaune de sa robe. Il n'y a pas à dire c'est l'une des femmes les plus extraordinaires que j'ai rencontré. Elle me fait penser à l'astre solaire en cet instant. Même d'où je suis, je peux ressentir son aura, sa puissance et surtout sa haine quand elle lève les yeux vers moi. Il n'y a pas à dire, il faut vraiment que je trouve une solution. En espérant, que l'invitation que je viens de recevoir ne va pas m'exploser à la figure.

— Wisk, grommelle-t-elle.

— Ma chère femme, réponds-je avec douceur.

— Que veux-tu ?

Je me rapproche d'elle et lui tend la missive. Elle la parcourt des yeux rapidement avant de reporter son attention sur moi.

— Une invitation pour le bal de l'Équinoxe ?

— Oui, Aimon est un ami.

— Je vois, souffle-t-elle.

Ses doigts glissent dans sa chevelure, je ne peux m'empêcher de me souvenir de leur contact. Il est vrai que depuis quelques jours, beaucoup de nos souvenirs communs tournent en boucle dans mon esprit. Et celui de la chambre est le pire d'entre eux. Il me torture jour et nuit, à tel point qu'il m'arrive de quitter la chambre au beau milieu de la nuit pour éviter tout incident avec elle. J'envoie tout ça le plus loin de moi en secouant la tête. Ce n'est pas avec ce genre de pensée que je vais parvenir à la récupérer. Surtout si elle les capte ! Elle me déteste déjà, cela ne ferait qu'ajouter de l'huile sur le feu.

— Nous nous y rendrons ensemble, annoncé-je sans préambule.

Elle se redresse vivement, c'est plus fort qu'elle. Il est hors de question qu'elle se laisse faire. C'est en la provoquant que je vais obtenir un tant soit peu de réaction. Elle ne semble pas du tout ébranlée par ce qu'il s'est déroulé entre nous. Vénus me donne l'impression que ça n'a aucune incidence sur elle. Par moments, j'aimerais vraiment savoir ce qu'il se déroule dans son esprit.

Je sens que je vais en prendre pour mon grade, mais au lieu de cela, elle ferme les yeux. Elle prend une profonde inspiration avant de reprendre la parole.

— D'accord. Je dois me préparer pour cette occasion, souffle-t-elle.

Vénus commence à prendre la direction de notre chambre, mais je l'arrête en m'emparant de son poignet.

— Oublie la couronne, laisse tes cheveux détachés et revêt ta robe blanche et rouge.

Son doux visage se tourne vers moi, le trouble est lisible dans son regard. Ma paume se lève afin de caresser sa joue, puis je la relâche et décampe sans un seul regard en arrière pour elle.