Chapitre 23

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Dans le néant, il n’y avait rien. Séréna n’avait pas de corps et n’éprouvait aucune émotion. Il lui semblait que le peu qui demeurait d’elle, flottait dans un brouillard grisâtre. Elle ne ressentait plus rien, ni douleur, ni peur. Ce répit dans le maelstrom de bouleversements qui l’avait assailli ces dernières heures lui semblait bienvenu. Le silence était serein et le brouillard engloutissait peu à peu tous ses sens. Les couleurs disparurent de sa mémoire, sa bouche se déssécha et elle perdit le goût de ses aliments préférés. Elle oublia la manière qu’elle avait de toucher ses patients pour entrer en contact avec eux et gagner leur confiance, elle laissa s’échapper l’odeur de l’herbe fraîche après la pluie. Enfin, au moment de cesser d’entendre les rires de ses amis, elle hésita. Cette voix, toujours la même, qui semblait jaillir en elle quand elle en avait besoin, continuait de lui parler, de l’encourager. …Bats-toi Séréna… Relève-toi… Le moment n’est pas encore venu… Je t’en prie reviens.

La jeune femme comprit que si elle allait encore plus avant, aucun retour en arrière ne serait possible. Alors elle s’éloigna de cet endroit si serein et si paisible, mais qui la couperait à jamais de ceux qu’elle aimait. Elle avait fait une promesse à Tamara et elle se devait de l’honorer. Comment pourrait-elle trouver la paix alors que Damien était toujours en danger ? Le chemin du retour fût laborieux, Séréna devait lutter pour exister à chaque étape, pour ne pas se retourner. Elle sut que si elle regardait une seule fois derrière elle, elle ne pourrait plus revenir. Alors elle se contraint à mettre un pas devant l’autre pour sortir du brouillard.

La première sensation qui lui revînt, fut d’être allongée dans un lit confortable et emmitouflée dans des draps chauds et doux. Le matelas était moins ferme que celui de sa chambre, elle ne se trouvait donc pas chez elle. Puis des odeurs inconnues assaillirent ses narines, un mélange d’épices et de senteurs florales qu’elle trouva agréable, mais qui ne lui donnèrent pas plus d’indication sur le lieu où elle se trouvait. Sur sa langue elle sentit un goût sucré, peut-être du miel ? Ensuite les sons revinrent, d’abord par bribe, des bruits de pas, des conversations à voix basses, puis de plus en plus précises, les voix qu’elle percevaient lui était à la fois étrangères et familières.

“-... devriez retourner auprès de votre sœur… Je veille sur elle. Je vous assure que je vous ferai quérir dès qu’elle montrera des signes d'éveil.
-J’ai un peu de temps avant d’aller prendre le relai de ma mère au chevet d’Eloïse. C’est vous qui devriez prendre un peu de repos, vous avez une mine affreuse.
-Sauf votre respect, votre altesse, vous ne présentez guère mieux que moi… Attendez, elle à bougé non ?
-Vous avez déjà dit cela il y a une heure…
-Non, je vous assure, regardez…”

Séréna luttait pour ouvrir les yeux, mais ses paupières étaient si lourdes et son corps si las. Une main saisit la sienne et une voix qu’elle finit par reconnaître l'appela par son prénom. C’était celle de Lénaïc, son Guetteur. Les derniers événements lui revinrent en mémoire, et l’effroi avec. Au moment ou elle avait perdue connaissance elle se trouvait à la merci du Rêveur Noir. Elle ouvrit les yeux et se redressa brutalement prête à se défendre. Mais la lumière vive l’aveugla. Elle cria, se débattit, jusqu’à ce que deux mains vigoureuses la saisissent fermement par les épaules.

“Séréna, tout va bien. Vous êtes en sécurité au Palais de Centralia, personne ici ne vous fera de mal. Calmez-vous je vous en prie. C’est moi, Armand.”

La voix était grave et chaude, la jeune femme cilla plusieurs fois jusqu’à ce que ses yeux soient de nouveau habitués à la lumière. Le bien trop séduisant Prince du Monde Central la tenait bien trop près de lui. Séréna eut malgré elle un léger mouvement de recul, le jeune homme relâcha sa prise sur ses épaules. De l’autre côté de son lit se trouvait Lénaïc qui la fixait de ses grands yeux verts où se mêlaient anxiété et soulagement. Les deux hommes avaient les traits tirés, comme s'ils étaient demeurés plusieurs nuits sans dormir. Ils se trouvaient dans une pièce aux ton clairs et meublée avec goût. Une grande fenêtre laissait largement entrer la lumière du jour qui inondait la vaste chambre. La jeune femme reposait sur un immense lit à baldaquin.

Le Monde Central : La Tisseuse de Rêves Where stories live. Discover now