Chapitre 19

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A l’instant où il avait de nouveau perçu le pouvoir de Séréna, le sang de Lénaïc n’avait fait qu’un tour. Il savait que dès l’instant ou le Rêveur Noir ressentirait la Magie de la jeune femme, il se lancerait à sa poursuite avec le gros de ses troupes. Le Magicien ne doutait pas une seconde que la Capitaine et ses soldats d’élites parviendraient alors à secourir la Princesse et Enzo sans son concours. Même s’il éprouvait un léger pincement au cœur à l’idée de laisser son ami Guetteur en si mauvaise posture, Séréna primait sur tout le reste.

Sans hésiter il se proclipsa dans la direction des émanations du pouvoir de la Tisseuse de Rêve. Il atterrit sur un sol dur et sec. Il s’était déjà rendu sur la Lune de Tamara auparavant, mais son aspect était désormais bien différent, sans doute les effets de la Corruption. Lénaïc étendit le champ de ses perceptions occultes à la recherche de la magie caractéristique de Séréna. Il reconnut sans peine le pouvoir, mais l’essence de ce dernier avait changé, il semblait plus puissant et subtilement différent, comme si elle était parvenue à mêler de la Magie Centralienne à sa Magie des Rêves. Repoussant ses interrogations à plus tard, et à présent qu’il s’était rapproché de la source, il parvint à localiser précisément la position de sa protégée.

Il se proclipsa à nouveau et arriva sur les bords d’une gigantesque faille cernée de falaises aux rochers tranchants comme des lames. Au même instant, deux personnes émmergérent du gouffre, ou plutôt trois. Son cœur rata un battement lorsqu’il découvrit Séréna presque inconsciente dans les bras du Prince. Et derrière lui…

“-Charlie ! S’écria Lénaïc en accourant au devant d’eux. Je suis si heureux de te trouver en vie ! Je craignais le pire ! Que lui est-il arrivé ? Comment va-t-elle ? Demanda-t-il en regardant fébrilement Séréna.
-Elle a trop puisé dans ses réserves de Magie. Expliqua Charlie. Comment nous as-tu retrouvé ?
-J’ai perçu le déchainement de son pouvoir. Le Rêveur Noir aussi. Il arrive, nous devons fuir au plus vite, poursuivit le Guetteur.
-C’est trop tard, dit Armand qui regardait au loin. Ils arrivent.”

Au loin se dessinaient les immenses et terrifiantes silhouettes des Barghest ailés. Lénaïc en distingua plus d’une trentaine. Armand et Charlie eurent un mouvement de recul. Séréna écarquilla les yeux et remua faiblement dans les bras du Prince. Le Guetteur se promit que cette fois-ci il n’échouerait pas à la protéger.

“-Vite, nous avons encore le temps de nous proclipser, s'exclama Charlie. Lénaïc, en unissant nos pouvoirs nous pouvons aller jusqu’à la Lune au est d’ici. Cela nous procurera un peu d’avance sur eux.”

Lénaïc hocha la tête. Ce déplacement leur coûterait une grande partie de leur réserve magique, mais ils n’avaient pas beaucoup d'options. Il s'apprêta à faire appel à l’Arcane de la Terre, l’élément avec lequel il avait le plus d’affinité, mais il ne se passa rien. Un globe de ténèbres les cerna soudain. Le Rêveur Noir ne voulait prendre aucun risque et il avait tissé un cauchemar dans lequel ils étaient emprisonnés et où ils leur était impossible de se proclipser. Briser cette illusion leur demanderait du temps et des ressources magiques importantes.

Le Guetteur et ses compagnons, entendirent plus qu’ils ne virent les Barghest et leurs cavaliers se poser tout autour d’eux. Il distingua vaguement le Prince poser Séréna au sol, puis perçut le chuintement caractéristique d’une épée sortant de son fourreau. Lénaïc sentit la magie, lorsque Charlie invoqua son Arcane du feu, elle fit jaillir des flammes de ses mains qui restérent suspendues dans le vide et allèrent se placer autour d’eux, frêle lumière contre les ténèbres insondables du cauchemar dont ils étaient captifs.

L’éclat de ces torches improvisées faisait ressortir le rouge ardent des yeux des loups géants. Lénaïc déglutit mais refusa de reculer d’avantage. La main de Charlie trouva la sienne. Ils commencèrent de concert à canaliser du pouvoir afin de briser le globe de ténèbre au moment même où le Prince passa à l’attaque. Il entailla profondément la patte du Barghest le plus proche, la bête rua, jetant le soldat qui le chevauchait à terre. Vif comme l’éclair Armand passa au suivant. Les Corrompus devaient certainement voir dans cette noirceur aussi bien qu’au grand jour, mais leurs montures étaient imposantes et les empêchaient de se précipiter tous à la fois sur leur adversaire, qui continua de forcer son avantage.

Le Rêveur Noir n’était pas encore rentré dans la mêlée. Il restait en retrait pour maintenir le cauchemar qu’il avait tissé, économisant ses forces pour s’en prendre à Séréna lorsque ses hommes se seraient débarrassés des sous fifres. La volonté des Guetteurs se heurta à celle du Tisseur de Rêves Corrompu. Une fois encore, Lénaïc fût frappé par la puissance du Rêveur : tant de haine, de colère et de souffrance dans son essence que le Guetteur ne put réprimer un frisson.

Les soldats qui affrontaient le Prince comprirent que leurs montures ne leur offraient pas l’avantage qu’ils espéraient. Les loups géants disparurent, et Armand commença à crouler sous le nombre de ses ennemis. Mais le jeune Guerrier ne faiblit ni ne recula. Lénaïc savait qu’il ne soutiendrait pas un tel rythme bien longtemps, leur salut reposait son action et celle de Charlie, le rôle du Prince était seulement de leur faire gagner du temps.

L'émergence d’un nouveau pouvoir attira son attention. Le Guetteur découvrit avec horreur que Séréna ne se trouvait plus là où Armand l’avait déposée. La jeune femme s’était relevée et se dressait face au Rêveur Noir. Elle faisait à nouveau appel à sa magie, fait proprement spectaculaire car aucun magicien de sa connaissance ne possédait une telle réserve d’énergie magique. 

Le Monde Central : La Tisseuse de Rêves Where stories live. Discover now