Pile ou Face

Chapitre 39

- LE DESTIN NOUS RÉSERVE PARFOIS DE MAUVAISES SURPRISES ET PUTAIN QU'EST-CE QUE JE LE DÉTESTE -

Le matin est rapidement arrivé, aussi rapidement que la fatigue. Les bâillements s'enchaînent et le silence imprègne chaque mur de cette maudite maison. La nuit est passée à une vitesse fulgurante et trop désireux de profiter de l'autre, nous n'avons pas vu les heures passer. Au final, Devon et moi comptons deux heures de sommeil à notre actif ce qui est bien trop peu pour une telle journée.

Aujourd'hui, je me sens lasse et blasée mais je m'y attendais. Comment pourrais-je me réjouir d'avoir passé la plus belle nuit de ma vie quand je sais que nous nous préparons à entrer en guerre. J'aimerais pouvoir sourire, montrer à Devon que je suis prête à me battre, mais cet épuisement me bouffe la moindre envie de faire des efforts. Je suis incapable de faire comme si tout allait bien alors que mon coeur bat à mille à l'heure et que mes yeux ne cessent d'observer le moindre de ses mouvements. À vrai dire, je dois admettre que j'ai tellement peur de la manière dont cette histoire va prendre fin que j'ai envie de graver son image dans ma mémoire à jamais. J'ai tellement peur de me réveiller demain matin sans la présence de Devon à mes côtés. Parce que je sais que même si les deux psychopathes me veulent pour le faire souffrir, ils s'en prendront à lui avant tout et jamais je ne m'en remettrai s'il meurt devant mes yeux. 

Une partie de moi s'attend aussi fortement à mourir ce soir. À ce que ça soit mon dernier petit déjeuner. Que durant la journée, il y aurait pour nous une série de dernières choses et que revoir un jour la civilisation ne fait pas partie des projets du destin. J'aimerais avoir le temps de pouvoir écrire une lettre à ma famille pour tout leur expliquer. Leur dire que je suis partie me battre le coeur lourd mais surtout le coeur amoureux. J'aimerais leur dire à quel point j'ai trouvé le bonheur aux côtés de mon homme et que je ne meurs pas malheureuse. Mais malencontreusement le temps manque et la lettre n'est pas au programme. 

Depuis notre réveil, nous ne nous sommes presque pas adressés la parole et j'ai peur que ça reste tel quel dans les heures à venir. Je veux bien admettre que j'ai accepté ma potentielle future mort, je ne peux tout de même pas accepter de mourir dans le silence. J'aimerais tellement passer cette dernière journée comme si nous vivions dans le meilleur des mondes. Je veux de l'amour, de l'amour et encore de l'amour. Mais pour l'instant ça semble mal parti.

D'ici cinq minutes, nous levons le camp et l'angoisse est très présente. Je monte une dernière fois dans la chambre pour être certaine que tout est à son ordre et que le livre que j'ai écrit est toujours aussi bien rangé (je me suis permise de faire une entaille dans le matelas pour pouvoir le cacher à l'intérieur, à l'abri des regards indiscrets). Une fois que tout est passé au peigne fin, je me dirige vers la salle de bain et me regarde une dernière fois dans le miroir. J'ai noué mes cheveux dans une tresse et j'ai l'air tellement fatiguée. En même temps c'est le cas. 

Alors que je m'apprête à quitter la salle d'eau, mon regard tombe sur la shavette de Devon et aussitôt une idée me vient. Je ne sais pas si ça me sera grandement utile, mais je décide de planquer une arme sur moi en dehors de celles qui se trouvent dans mon sac à dos au cas où les choses tournent mal, on ne sait jamais. J'attrape donc la lame et utilise toutes mes forces pour la tordre, jusqu'à ce que le manche casse pour ne laisser que la lame. Je me déshabille ensuite en vitesse puis perce un trou dans la doublure de ma brassière pour l'y cacher. Je ne sais pas si ça sera très utile mais je me dis que mieux vaut prévenir que guérir.

Une fois terminée, je me rhabille puis sors de la salle de bain au pas de course. C'est l'heure de partir. Il n'y a plus aucun retour en arrière possible et je ne peux plus rien faire d'autre qu'avancer. Les prochaines heures seront décisives pour nous et seul le destin nous dira si on s'en sortira.