Chapitre 12 - Digérer et encaisser -

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Après cette discussion riche en émotion, Devon est rapidement parti à l'étage pour prendre une douche puisque la blessure que je lui ai causée à la tête a un peu saigné, mais avant ça, nous avons remis le flingue dans la cave secrète d'un accord commun histoire de ne pas être constamment sur nos gardes. Je ne suis pas sûre que ça change quoi que ce soit, mais le fait de savoir que cette arme ne se trouve pas entre ses mains me rassure déjà.

Lorsque j'entends l'eau couler, je peux enfin respirer normalement et passe mes mains sur mon visage en soupirant. Putain, comme si la situation n'était pas déjà assez merdique, il faut en plus que je doive gérer un problème de mémoire et que je passe les prochains jours en la compagnie d'un tueur. Non, mais sérieux quoi ! Où est donc passé mon ange gardien ? Parce que là, j'ai la nette impression qu'il a pris sa retraite. À cette heure-ci, je devrais être rentrée chez moi, près de ma famille et en train de raconter à la police tout ce qu'il m'est arrivé. Et dire que la seule chose qui me retient est une maudite forêt.

Après avoir pris une grosse inspiration pour me donner du courage, je me lève du tabouret puis me dirige vers un placard dans lequel j'avais repéré plus tôt des ustensiles de ménage. J'y prends un balai ainsi qu'un ramasse-poussière, puis monte à l'étage pour rejoindre la deuxième chambre qui nous a servis à tous les deux de cellule ces derniers jours. Je me mets donc à faire le ménage dans la pièce puisque j'ai le choix entre dormir ici ou dans le canapé et je dois avouer que je me sentirais bien plus en sécurité derrière ces murs et la porte que je peux verrouiller à ma guise. Je profite aussi que Devon soit toujours sous la douche pour mettre un couteau dans la table de chevet au cas où il tenterait quoi que ce soit. On ne sait jamais !

Ensuite, une fois que j'ai tout terminé et que la chambre me semble beaucoup plus propre, je n'entends plus l'eau couler, mais n'ai toujours aucune trace de Devon. Je décide de ne pas aller l'embêter puisque je me doute qu'il a besoin de temps et aussi de silence pour digérer ce qu'il vient d'apprendre sur ses activités des derniers mois. Je ne suis même pas sûre que le terme exact soit "digérer". On ne peut digérer ce genre d'acte. Apprendre qu'on est devenu un horrible tueur en série et que notre avenir est compromîtes doit être un véritable choc. Je peux comprendre qu'il ait besoin de temps.

~ ~ ~

Le reste de la journée passe à une vitesse phénoménale, ainsi que la soirée. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est puisque cette maison ne semble détenir aucune horloge ou montre, mais dehors, il fait nuit noire et je n'ai toujours aucune nouvelle de Devon. De temps en temps, à travers le mur fin qui sépare nos deux chambres, j'entends des petits bruits ressemblant souvent à des soupirs.

Pendant ce temps, je me sens incapable de faire quoi que ce soit. Ça ne veut pas dire que je ne veux pas rentrer chez moi, mais juste que moi aussi, j'ai envie de souffler un peu. Mon corps est encore faible et c'est pourquoi je me laisse du repos avant de reprendre mes recherches demain matin.

Je descends donc dans le salon qui se trouve toujours en bordel, puis avance dans la cuisine. Je grignote en silence avant de ranger la cuisine de la même manière que je l'ai trouvé ce matin et remonte dans ma chambre. Une forte envie de me laver me prend, mais je me souviens que je n'ai aucun autre vêtement que ceux que je porte actuellement (et qui ne m'appartiennent même pas) et il est hors de question que j'aille dans la chambre de Devon en chercher d'autres. Je pars donc me laver dans la petite salle de bain et remets mes habits du jour sur moi à contrecoeur.

Une fois de retour dans la chambre, je ferme la porte à double tour et me glisse sous les draps du lit. Il me faut une bonne heure pour m'endormir durant laquelle je suis bien incapable de fermer les yeux tant mon esprit est en surchauffe. Je ne vais pas le cacher, j'ai peur que Devon vienne me tuer dans mon sommeil si je m'endors, mais aussi, j'appréhende les mauvais rêves qui risquent de pointer le bout de leur nez pour venir me hanter.

Je parviens finalement à m'endormir en imaginant les retrouvailles qui m'attendent avec ma famille. C'est la seule chose qui me permet de ne pas craquer devant l'enfer qu'est devenue ma vie et cette pensée parvient à me détendre suffisamment pour que je puisse sombrer dans un sommeil agité.

~ ~ ~

Le lendemain, je me réveille par mon cri de terreur. Le soleil, déjà haut dans le ciel, filtre à travers les rideaux tandis que je vérifie que mon corps, couvert de sueur, n'est pas transpercé par un couteau. Il me faut plusieurs minutes pour prendre conscience que ce n'était qu'un cauchemar et reprendre mon souffle.

Tout comme la veille, mon mauvais rêve se passait dans la forêt et se terminait dans une salle dans laquelle le psychopathe venait me trouver et me tuer.

Après encore quelques minutes, je finis par me lever et me diriger hors de la chambre, dans la salle de bain pour me passer de l'eau sur le visage. La fraîcheur finit de me réveiller et stoppe toutes mes dernières traces de tremblements, mais malgré tout, mon rythme cardiaque semble refuser de se rétablir, comme si je me trouvais toujours dans cette forêt.

Refusant de faire face à ma moue bouleversée dans le miroir, je sors aussitôt de la salle de bain. Ne sachant pas si Devon est réveillé ou non, je décide de ne pas chercher à toquer à sa chambre dont la porte est toujours fermée pour prendre de nouveaux vêtements, mais directement descendre prendre mon petit-déjeuner. Après ce nouveau cauchemar, je pense avoir besoin de temps avant de me retrouver en sa présence, mais contre toute attente, les dieux ont encore décidé de se liguer contre moi puisqu'il se trouve déjà dans la cuisine à mon arrivée.

Comme s'il avait senti ma présence, il relève le nez de son bol et son regard vient se plonger dans le mien. Il fronce les sourcils et en ne faisant aucun commentaire. Tandis que j'ai mal dormi, lui, semble ne pas avoir fermé l'oeil tout court. Ses cernes sont marqués et son teint blanc lui donnent des airs de cadavre et je dois avouer que cette vision est légèrement flippante.

- Ton cri a fait fuir tous les oiseaux aux alentours, dit-il les yeux dans le vide.

Il ne semble pas vouloir en rire et moi non plus. S'il croit pouvoir me battre en terme de mauvaise humeur, il se met clairement le doigt dans l'oeil et sa phrase sarcastique renforce mon énervement puisque lui comme moi savons qu'il est l'auteur de cette souffrance.

- À qui la faute ? je râle en m'asseyant.

Je vois son regard s'obscurcir, mais aucune réponse ne me parvient. De toute façon, il n'y a rien de plus à dire. Je suis traumatisée et il ne faut pas être devin pour le comprendre. C'est donc pour cela que je ne peux m'empêcher de lui lancer une nouvelle pique.

- Dis donc, je vois que tu es bavard... Tu faisais moins le malin hier...

Énervée, je m'apprête à quitter la cuisine pour y revenir quand il aura terminé et sera parti, mais je n'ai pas le temps de mettre le moindre pied en dehors, qu'il me questionne.

- J'aimerais que tu me montres l'endroit où j'ai enterré cette fille...

Pile ou FaceWhere stories live. Discover now