Chapitre 12 partie 2

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Arrivé en haut de l'escalier il regarda autour de lui, cherchant à déterminer si quelqu'un l'observait plus que nécessaire. Il scruta les petites cages de plastique et de plexiglas où s'affairait une vingtaine d'employés. Son regard tomba alors sur Laureline, il lui avait fait la bise hier mais n'avait pas réalisé que son alcôve se trouvait près de la sortie du sous-sol.

Comme si elle avait senti son regard elle releva la tête et lui fit signe. Pourrait-elle être l'espionne de Bruno ? Non, elle était arrivée trop récemment dans la boite et ne l'appréciait pas particulièrement d'après leur conversation de samedi. Ne voyant pas de raison de l'éviter il s'approcha en répondant à son salut.

– Coucou, tu veux que je te ramène quelque chose à manger ?

Il avait décidé d'essayer de se montrer prévenant malgré l'urgence de la situation.

– Si tu peux attendre encore un quart d'heure on pourrait aller déjeuner ensemble, demande-t-elle d'une petite voix.

Ainsi donc elle est vraiment intéressée, se dit Jean qui s'oublia un instant avant de se ressaisir. Il n'avait pas le temps pour ces bêtises et il ne pourrait rester éloigné de son bureau pour la durée d'un repas. La fréquenter serait d'autant plus dangereux qu'il finirait sans doute par la tuer, involontairement ou pas. Pourtant alors lorsqu'il loucha sur ses seins il sentit sa résolution faiblir.

– Désolé ce midi je suis pressé, mais une autre fois ce sera volontiers.

Comme elle le regardait de travers et il se rappela qu'il lui avait lui-même raconté qu'il ne faisait rien au boulot depuis des mois. En dehors de ses activités secrètes qui étaient un peu plus dures à aborder.

– C'est une urgence personnelle, encore désolé. Je te ferais connaitre les meilleurs sandwichs de Montpellier pour me faire pardonner.

Guère convaincue elle le remercia quand même et il quitta le bâtiment. Il se dirigea vers un Sushi Bar proche et mangea quelques boulettes gluantes accompagnées d'une bière. Il ne raffolait pas de ces choses habituellement et trouva leur prix ridicule, mais cela lui permettait de surveiller le bâtiment de Techno34. Une pensée vint soudain troubler son maigre repas, combien de temps son portable pouvait-il enregistrer avant que la mémoire sature. C'était bien la peine de se la jouer James Bond quand on oubliait l'essentiel.

Finalement après presque vingt minutes d'attente il aperçut Bruno qui sortait du bâtiment. Démarche arrogante, tête fièrement redressée, on aurait dit un roquet de compétition et rien que cela lui donnait envie de le massacrer. Avait-il eu le temps de se rendre dans la cave ? L'avait-il seulement envisagé ? Ou Jean s'était-il fait un film pour rien ?

Payant rapidement son repas, il retourna en vitesse à son bureau. L'urgence le poussait presque à courir car le doute le pressait depuis un moment. Dans un instant il saurait s'il avait définitivement sombré dans la paranoïa ou au contraire si ses sens s'étaient affutés tels ceux d'un loup ses derniers temps.

Passant devant Laureline et d'autres collègues sans leur prêter attention, il se précipita vers l'escalier. Arrivé sur le seuil il sentit un filet de sueur froide dans son dos, c'était le moment de vérité, pourvu qu'il ne se soit pas trompé.

Il inspecta d'abord les trois autres pièces vides avant de s'avancer dans son bureau, à la recherche des signes d'une visite. La première chose qui lui sauta aux yeux était que son écran avait été déplacé. Il l'avait parfaitement aligné avec le centre du clavier, or là il était décalé sur la droite. Autre signe, le dossier de son fauteuil qu'il positionnait toujours perpendiculairement à la table du bureau, était désormais presque de face. Il en était certain, quelqu'un était venu et s'était peut-être même assis à sa place.

On ne pouvait le tromper, adolescent il scrutait déjà la place de chaque objet dans sa chambre et il savait dire lorsque sa mère avait déplacé le moindre d'entre eux. Il n'avait malheureusement jamais réussi à appliquer ce souci du détail et cette excellente mémoire à autre chose qu'au contrôle de son environnement. Mais peu lui importait, ce qui comptait c'était que maintenant il savait que quelqu'un était venu. Loin de le rassurer, cette idée le rendit fébrile. Oui il n'était pas paranoïaque et il avait eu raison sur toute la ligne, mais après coup il aurait presque préféré se tromper.

Saisissant son portable il constata que celui-ci enregistrait toujours. Quelques instants plus tard il lança la vidéo. Sans surprise on y voyait Bruno débouler dans la pièce, pianoter un instant sur son ordinateur avant de s'énerver, sans doute à cause du mot de passe, avant de se pencher. Il dut s'acharner sur les tiroirs fermés et renoncer, car après quelques instants il se redressa pour saisir un trombone et le tordre en forme de crochet.

Lui aussi se prenait pour un James Bond au rabais, se dit Jean. Pendant toute la manœuvre les insultes fusèrent. Bruno n'étant pas un adepte du travail silencieux et elles laissaient peu de doute quant à leur cible. Finalement l'envahisseur s'empara de l'ordinateur portable qui trainait sur un coin du bureau. Nouvel échec face au mot de passe du portable et Bruno le reposa en pestant avant de se pencher de nouveau sur le clavier. Il s'acharna à essayer des codes, sans succès. Il ne semblait pas avoir les compétences pour faire plus.

De toute façon Jean ne laissait rien sans protection, même les dossiers dans son ordinateur avaient leurs propres mots de passe depuis qu'il avait quinze ans. Finalement Bruno rendit les armes et quitta la pièce en lâchant un dernier juron.

Jean fixa le minuscule écran de longues minutes, jusqu'à sa propre arrivé à l'image. Il avait maintenant de quoi faire chanter Bruno. Autre possibilité aller voir la direction et porter plainte contre le directeur des ressources humaines, cela devrait lui accorder au moins quelques mois de répit.

Il relança une seconde fois la vidéo pour être sûr de ne rien rater avant se plonger dans de sombres réflexions. Incapable de se décider sur la marche à suivre il regarda la séquence une troisième puis quatrième fois... C'était décidé il allait crever cette raclure.

Peu lui importait les conséquences et les risques, il n'y aurait pas de négociation ou de chantage avec cette ordure qui avait osé le provoquer et fouiller ses affaires. Bruno était un homme mort.

Le Tueur du 18-25Où les histoires vivent. Découvrez maintenant