Le Tueur du 18-25

Chapitre 3 partie 2

Le reste de la journée et de la soirée une sourde angoisse le maintint sous pression. Même lorsqu'il joua en ligne pour se distraire il ne put s'empêcher de surveiller constamment l'actualité afin de se rassurer. Dans son casque audio il suivit d'une oreille distraite les discussions des membres de sa guilde qui parlaient de leurs petites vies insignifiantes. Si ces idiots avaient su qu'ils jouaient avec un meurtrier ! Cette pensé fut son seul réconfort de la journée, quelque part elle l'excitait même un peu.

Mais le pire restait à venir, car cette nuit fut pour lui un enfer. Sueurs froides, crises d'angoisses et cauchemars lors de ses rares moments de somnolence se succédèrent. L'aube le trouva épuisé et en proie au doute. Devait-il fuir à l'étranger ? Car désormais il l'avait bien compris, il avait déconné.

Il tenta de s'anesthésier le cerveau avec des jeux puis de la musique, sans grand résultat. Un peu après midi, alors qu'il se forçait à prendre son petit-déjeuner, la nouvelle tomba. Le corps avait été retrouvé par un passant promenant son chien. Saleté de clébard pense-t-il, pourquoi les gens n'ont-ils pas tous des chats. Les infos étaient encore peu nombreuses, mais malheureusement la noyade fut de suite écartée au profit du meurtre. Jean rendit ses cornflakes dans les toilettes.

Pour se rassurer il se répéta que rien ne pouvait le relier au meurtre, encore que... Il fila jusqu'à sa voiture, aspirateur et rallonge en main. Il se souvenait d'un vieil épisode de CSI Las Vegas où le meurtrier se faisait avoir à cause de cheveux de la victime qui trainaient sur sa moquette.

Mais une fois dans la rue il réalisa que sa voiture était bien trop loin même avec une rallonge tirée depuis la résidence. Plan B dans ce cas, filer à l'Eléphant Bleu du Centre Trifontaine. En plus leur matériel était sans doute bien plus efficace que son pauvre aspirateur d'appartement.

Ce n'est qu'une fois arrivé sur place et en voyant la voiture de police garée au bord de la route, qu'il réalisa qu'il n'était seulement qu'à quelques centaines de mètres de là où il avait lâché le cadavre.

Au bord de la panique il manqua percuter la glissière et poursuivit son chemin à vitesse réduite, persuadé d'avoir attiré l'attention. Mais contre toute attente rien ne se passa, il put même accéder à l'Eléphant qui n'était pas dans la zone bouclée. Un peu rassuré il nettoya donc de fond en comble sa voiture à seulement six cents mètres d'une horde de policiers qui sans doute le traquaient déjà.

Une demi-heure plus tard la Rocky était plus propre qu'elle ne l'avait jamais été depuis qu'il en avait fait l'acquisition. S'il y avait eu un cheveu, une boucle d'oreille ou quoique ce soit d'autre venant de la pute dans sa voiture, c'était désormais la propriété de l'Eléphant Bleu. Content de lui et un peu rasséréné, il rentra en sifflotant.

De nouveau sur internet il constata que la presse parlait d'une passe qui aurait mal tournée. Un site évoquait aussi la possibilité qu'un mac se soit débarrassé d'une de ses filles. Si la police pouvait partir là-dessus ce serait une bonne chose se dit Jean tout en rassemblant les affaires qu'il portait ce soir-là. Il hésita à s'en débarrasser puis fila à la laverie du quartier, un bon lavage devrait suffire plutôt que de les jeter. Il n'aimait pas trop aller à cette laverie en piteux état et aux machines à bout de souffle, mais c'était la plus proche de chez lui.

Il avait espéré y être seul mais en pénétrant dans le local avec son sac de linge il tomba nez à nez avec un chien qui commença de suite à lui casser les oreilles. Pire, cet animal n'était pas n'importe lequel, c'était celui de la patronne de la laverie.

Celle-ci était derrière un comptoir en train de plier du linge de pressing. Elle lui jeta un regard soupçonneux lorsqu'il referma la porte. Elle l'avait menacé il y a quelques temps de lui interdire l'accès à la laverie après qu'il ait décroché un coup de pied à son abominable teckel qui venait de le mordre.