Chapitre 7 partie 2

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C'était déjà lui qui avait été interrogé à l'époque de l'agression de la pute, c'était donc lui qui le traquait. Si ce devait être son ennemi personnel alors il fallait qu'il se renseigne sur ce rival. Et qu'il commence à s'inquiéter des méthodes d'investigations de la police. Un ange démoniaque devait veiller sur lui pour qu'il s'en soit sorti après autant de maladresses. Mais maintenant fini les conneries, il devait aborder le problème d'un point de vue non plus seulement professionnel, mais scientifique.

A l'approche de l'aire d'autoroute le GPS recommença à sonner pour le prévenir d'un nouvel excès de vitesse mais il choisit de l'ignorer, tant pis pour les radars automatiques. Une fois arrivé il se gara en travers de deux places et fonça vers les toilettes, portable en mains. Une fois enfermé il se rua sur les « autoroutes de l'information » et trouva rapidement le sujet de son angoisse, son portrait-robot.

Un barbu aux yeux noir, voilà à peu près tout ce qu'il y avait à retenir de ce portrait. Sa courte barbe d'à peine une semaine était devenue sur le dessin une véritable toison digne d'un intégriste religieux. Il se caressa son menton, glabre depuis hier matin. Ce simple signe distinctif avait semble-t-il suffi à retenir l'essentiel de l'attention de la blonde numéro un. Le reste n'était que très peu ressemblant, un long visage maigre, un nez trop pointu et des yeux enfoncé, là où Jean avait plutôt un visage rond. On croirait presque à un vampire se dit-il avec soulagement. Seuls les yeux lui semblaient ressemblants, profond et inquiétant. Un regard qui faisait peur, un regard de tueur.

Pris d'une soudaine impulsion il commença à se caresser son début d'érection. Il prit le temps de s'immerger dans ces souvenir de la nuit de jeudi, de revivre la soirée dans ses moindres détails. Il jouit au moment où il se remémora le choc sur le crâne vide de la deuxième blonde, cette secousse électrique dans son bras, si similaire à celle qui venait de le parcourir.

Peu après, affamé par toutes ces émotions, il se dirigea vers un stand qui proposait des sandwichs. Après réflexion il commanda un hachis bacon, son taux de cholestérol étant loin d'être l'une de ses préoccupations.

Tout en regardant son sandwich griller lentement Jean se fit la remarque que la vendeuse semblait toute aussi goûteuse que son plat. Laissant son regard airer autour de lui, il commença à prêter plus d'attention à son environnement.

Un immense parking en partie réservé aux camionneurs, une aire de jeu et un parc, et enfin un grand bâtiment rempli de restaurants et de boutiques de souvenirs. Les vacances scolaires étaient encore loin et il y avait assez peu de monde sur place, essentiellement des voyageurs solitaires comme lui et une ou deux familles. Pourtant l'instinct de Jean le titilla. Cela les gros cerveaux du 18-25 n'y avaient pas pensé, mais il sentait que les autoroutes et leurs aires de repos pourraient faire d'excellents terrains de chasse pour lui.

Arrachant un gros morceau de son casse-croûte graisseux il se dirigea vers sa voiture, pensif. Il y avait malheureusement des caméras ici aussi. Leur multiplication montrait bien la paranoïa des citoyens du 21ième siècle. Pourtant il restait plutôt fier de sa nouvelle trouvaille, il découvrirait bien un moyen de l'exploiter à l'avenir. Et puis, réfléchir, trouver de nouvelles cibles, l'aidait à rester concentré. Apaisé par ce petit interlude il repartit vers sa Lozère natale, qui lui avait tout sauf manqué.

Rieutort-de-Randon dans l'arrondissement de Mende, le plus beau petit village typique de Lozère à n'en pas douter. Avec ses 780 couillons c'était pratiquement l'endroit le plus peuplé du département se dit Jean. Et parmi eux ses parents, natifs fils de natifs depuis... Sur combien de génération ? La tante Janine devait le savoir, c'était elle la toquée de généalogie dans la famille.

Il traversa lentement La Place de l'Eglise, nom véridique et tellement folklorique. Celle-ci était en pente, comme l'ensemble du village accroché à flanc de colline. Les seuls autochtones qu'il put apercevoir étaient deux petites vieilles posées sur un banc sur la place centrale. Elles le suivirent du regard comme s'il était le premier événement de la journée, et c'était sans doute le cas. Lui, ne les reconnaissait pas. Il les avait sans doute croisées par le passé mais à ses yeux rien ne ressemblait plus à un vieux qu'un autre vieux. Pour marquer son mécontentement d'être là il fit rugir son moteur en rétrogradant en seconde.

Le village n'avait pas changé depuis la dernière fois qu'il était venu, en fait il n'avait pas beaucoup changé depuis son enfance. Après avoir serpenté quelques minutes dans les rues sinueuses il atteignit la sortie du village et la maison de ses parents. Là aussi ça n'avait pas changé, avec un portail en fer forgé et le petit muret en pierre qui rendaient si fière sa mère. Le bâtiment lui-même était à l'origine une vieille étable en pierre, que les grands-parents paternels avaient retapé et aménagé des décennies plus tôt. À une époque où les critères en matière d'isolation et de chauffage n'était clairement pas les mêmes qu'aujourd'hui.

Jean avait toujours trouvé la maison glaciale en dehors du salon équipé d'une grande cheminée en pierre et de sa chambre à l'étage, plus isolée. Avec ses poutres de bois massives et apparentes et ses murs composés d'une multitude de blocs de pierres granitiques, le bâtiment dégageait une impression de robustesse primitive. Pourtant Jean ne ressentait pas de nostalgie particulière à le revoir.

Il se gara dans la cour tapissée de gravier à côté de la voiture de travail de son père, une Kia Proceed adaptée pour servir d'ambulance. Celui-ci était chauffeur de VSL, véhicule sanitaire léger. En gros un taxi pour les vieux et les malades qui avaient pu contraindre l'assurance santé à rembourser leurs déplacements. Sa mère garait toujours la sienne, une Renauld Clio IV, dans le garage accolé à la maison. Priorité aux femmes disait-elle. En tant qu'infirmière à domicile c'était pour elle aussi un véhicule de fonction marqué du sigle de l'hôpital.

L'ayant entendu arriver, ses parents vinrent l'accueillir tout sourire. Ses si gentils parents, tous deux au service de la santé publique et du bien-être des autres, sauf le sien. Il les salua pourtant chaleureusement, faisant bonne figure et exprimant sa joie d'être ici, dans le trou du cul de la France.

– Alors Jean, tu as fait bonne route ? demanda son père, Marc Charpentier. Tu arrives juste à temps pour le déjeuner ! Des tournedos de chez Martin, le boucher. Tu te rappelles de Martin ?

– Le boucher de Chastel-Nouvel ?

Jean se rappelait d'un gros homme hilare qui lui offrait toujours un morceau de saucisson à l'ail infect lorsqu'il se rendait dans son commerce avec sa mère.

– Vous allez toujours aussi loin alors qu'il y en a un dans le village depuis des années maintenant ?

– C'est un con, lui glissa sa mère, Julie, en l'embrassant. Il nous pourrit la vie au conseil municipal. Viens, on va te raconter la vie trépidante du village autour d'un verre de casta'gnole !

La , était un apéritif à la châtaigne typique de la Lozère et que Jean n'aurait pas inscrit au patrimoine régional, car il était des choses qui n'auraient jamais dû perdurer.

– J'en bous déjà d'impatience, lança-t-il avec le plus d'entrain possible.

Le Tueur du 18-25Où les histoires vivent. Découvrez maintenant