Chapitre 4 partie 1

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Chapitre 4

Minuit, l'heure du crime. Jean retint un fou rire en y pensant. Il ne se rappelait même plus où il avait entendu ça pour la première fois. Sans doute une idiotie entretenue par la télé, un dicton répété depuis des générations et venant du temps où l'éclairage public n'existait pas et où les rues étaient de vrais coupe-gorges. Une époque où effectivement les heures les plus noires de la nuit se prêtaient aux crimes en tout genre. Une époque qui aurait sans doute mieux convenue à Jean en fin de compte.

Car, alors qu'il déambulait à pied sur l'avenue d'Assas, il ne put que constater le nombre de lampadaires et la forte luminosité qu'ils imposaient à toutes heures. Il y avait bien sûr quelques zones d'ombre, mais les prostituées les évitaient. Elles préféraient en générale rester proche des abris bus, eux aussi éclairés. D'un autre côté, sans ces éclairages il aurait eu bien du mal à discerner les filles, à distinguer les jolies des moches. Car c'est pour cela qu'il rodait à cette heure-ci en pleine nuit, pour observer les prostituées en plein travail.

Cela faisait maintenant quelques semaines qu'il agissait ainsi, allant d'Assas aux Arceaux, les deux points chauds de cette partie de la ville, pour espionner les prostituées et leurs clients dans leur milieu naturel. Entre ses virées nocturnes et les vidéos de snuff, il arrivait ainsi à contrôler ses nouvelles pulsions. Il passait et repassait discrètement près des filles, les observant depuis l'ombre et tentant de graver leurs visages dans sa mémoire pour ensuite se masturber chez lui en pensant à tout ce qu'il aimerait leur faire, s'il l'avait osé.

Au début il s'était fait l'impression d'être un client dans une boucherie, mais cette idée avait vite été remplacée par une autre, beaucoup plus attrayante. Il rodait la nuit tel un prédateur observant ses proies.

Cependant, depuis la fin octobre, les filles avaient commencé à se couvrir pour se protéger du froid qui se faisait un peu plus insistant. Mais son plus redoutable adversaire restait la pluie, abondante et imprévisible en cette saison. Lorsqu'elle était trop forte la majorité des filles abandonnaient la rue et lui-même sentait sa motivation se faire doucher au sens propre comme au figuré.

Abandonnant veste et chemise, il portait maintenant des sweats à cagoule pour se faire discret et se protéger des éléments. Il craignait qu'à force de le voir aller et venir les filles finissent par le reconnaitre, mais au moins elles ne pourraient le décrire clairement.

C'était d'ailleurs aussi par souci de discrétion qu'il avait renoncé à faire ses rondes en voiture entre les différentes routes accueillant la faune nocturne. La Rocky n'était pas ce qu'on pouvait appeler un véhicule discret. Il la réservait pour le jour où il voudrait réellement embarquer une fille avec lui. Et encore, il avait de gros doutes sur la prise de risques que cela représenterait.

La police semblait avoir tirée une croix sur l'affaire du transsexuel d'Assas qui remontait à presque deux mois. Jean en était soulagé, mais il concevait bien qu'il avait eu beaucoup de chance et qu'il ne devrait plus compter dessus.

A minuit et demi passé il quitta le secteur des Arceaux pour rentrer chez lui. Il n'avait aperçu que deux filles plus quelques trans ce soir-là, et pas des plus sexy. Très largement moins bien foutues que celle qui l'avait trompée ce soir fatidique où sa vie avait basculé.

Ces patrouilles lui avaient permis de se rendre compte qu'il y avait deux catégories de filles dans la rue. Des régulières, qui étaient là tous les soirs ou presque et toujours dans la même zone. Et des filles de passages, qui étaient là quelques soirs de suite avant de régulièrement changer de quartier, voire de disparaitre tout simplement.

Il y avait beaucoup de roulement dans ce second groupe qu'il supposait être sous la coupe de macs qui les trimballaient d'un point à un autre. Aidé d'une paire de petites jumelles achetées sur internet, il observait ce ballet nocturne avec presque autant d'intérêt que les filles elles-mêmes. La facilité avec laquelle il pouvait espionner tout ce petit monde lui faisait se poser des questions sur la motivation réelle de la police à mettre fin au tapinage comme les journaux l'affirmaient.

Pas que cela l'arrangerait, bien au contraire, mais pourquoi des officiers en civil n'avaient-ils pas déjà les photos et les immatriculations de tous les souteneurs ? Une seule réponse possible, les flics en civil étaient avant tout des clients, ou des incompétents, au choix.

Cela aussi était plutôt arrangeant quand il y pensait. Si la police n'avait pas retrouvé sa trace après ce premier crime des plus chaotiques, il avait toutes les chances de s'en sortir s'il remettait ça de manière calculée un jour. Il était presque certain de cela maintenant, ou alors il essayait juste de s'en convaincre afin de laisser céder à la tentation. À force de retourner la chose dans sa tête il ne savait plus vraiment.

Plongé dans ses réflexions il ne s'était même pas rendu compte qu'il était déjà arrivé devant sa résidence. Ce soir la chasse n'avait pas été un succès, rien de bien croustillant à se mettre sous la dent. Ni fille remarquable ni quoique ce soit qui sorte de l'ordinaire.

En plus une mauvaise nouvelle l'attendait sur le pas de sa porte, sa voisine était encore en train de baiser bruyamment. Cette jeune et jolie brune avait emménagé il y a peu avec la rentrée scolaire, c'était donc sans doute une étudiante. Peut-être en médecine ou en fac de chimie, qui n'étaient pas très loin. Jusque-là rien d'anormal, si ce n'est la fréquence à laquelle la demoiselle s'envoyait en l'air avec ses amants. Et Jean avait compté, ils étaient au moins au nombre de trois.

Il n'avait rien contre les femmes libres, on était au 21ième siècle après tout, mais celle-ci vocalisait particulièrement fort pendant toute la durée de l'acte. Avec une touche finale qui montait dans les aigus lors de l'orgasme.

Au début Jean trouvait cela charmant, il tendait même avidement l'oreille et ne perdait pas une miette du concert. Mais à force c'était devenu lassant, d'autant plus qu'il soupçonnait cette garce de le faire exprès. Il avait bien tenté de faire connaissance en la croisant sur le palier, mais ils avaient uniquement échangé des platitudes au sujet du temps ou de la vie à Montpellier. Il l'avait alors invité à boire un verre et essuyé un refus poli. La salope était donc sélective dans l'accès à son lit. Depuis l'entendre poursuivre sa vie de débauche était tout autant source d'intérêt que de frustrations.

Sa vie n'était qu'insatisfaction de toute façon, se dit-il en ouvrant la porte de l'appartement. Il était encore sous le chambranle lorsqu'un râle d'extase résonna dans le couloir du bâtiment. Ce son, c'était comme si une décharge électrique lui parcourait le corps. Pris de vertiges il s'adossa à la porte pour se ressaisir. La petite salope avait attendu qu'il rentre pour meugler, c'était certain.

Le Tueur du 18-25Où les histoires vivent. Découvrez maintenant