Chapitre quinze : Eryne

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⚠️🌶 Ce chapitre comporte une scène de sexe explicite. 🌶⚠️

***

     Penmarc'h, France.

J'ai hurlé le jour de ton départ. J'ai crié au désespoir. J'ai juré ma tristesse. J'ai clamé l'injustice. J'ai perdu toute notion. Je m'en suis voulue. Je me suis accablée. Je me suis mise à la place du bourreau, de la faucheuse. J'étais celle qui t'avait conduite vers les profondeurs. Je m'imaginais être responsable de ta noyade.
Puis j'ai pleuré. J'ai pleuré ton départ et tous les jours qui ont suivi. J'ai pleuré l'amertume, le désespoir et les souvenirs. J'ai pleuré ta disparition et mon cœur douloureux. J'ai pleuré la peur, l'anxiété, la panique et l'angoisse. J'ai pleuré chaque nuit et chaque jour. J'ai pleuré en brisant mes chaînes, en affrontant la vitesse, dans les airs et sur terre. J'ai pleuré jusqu'à me noyer.
      Ensuite, j'ai commencé à envisager une vie sans toi. Une vie triste, sans rire et sans inquiétude. Une vie faible, sans imaginaire, sans rêve et sans frivolité. Je suis sortie mais le monde était fade. Je voulais à nouveau le voir à travers tes yeux. J'ai avancé dans les rues de Paris mais tu étais là, à chaque pas, dans chaque ruelle, dans cet appartement, dans ce centre, sur la place du Louvre, au champ de mars, en haut de l'arc de triomphe. Je ne te perdais pas de vue. Alors je me suis faite une promesse. Une simple promesse. Une seule promesse car je serai capable de la tenir. Celle de ne jamais t'oublier et de te pardonner. Je n'accorde pas mon pardon facilement. Je t'en ai souvent voulu pour cette vie mais tu as toujours été là, à me dire que la vie est belle quand on change son angle de vue. Je te comprenais. Je crois que je te comprenais. Tu écrivais. Je peignais. On avait nos passions, nos visions et nos rêves. Alors j'ai accepté. J'ai accepté que tu disparaisses, que nos échanges ne soient que des souvenirs et que ton sourire ne soit qu'un arrière-goût amer de regret. J'aurai voulu en profiter, davantage, encore plus. Le prendre en photo pour être sûr de ne jamais l'oublier. Tout ce que je peux faire aujourd'hui, c'est te dire combien je t'aime. Je ne te l'ai pas assez dit, pas assez fait savoir mais je t'aime, sur terre comme au ciel.

La mer en face de moi emporte quelques souvenirs, quelques larmes, quelques joies mais c'est la vie. On oublie quelques moments pour les remplacer. Seront-ils meilleurs, pires ? Je l'ignore mais je veux avancer. Alors je me lève, je traverse la plage. Le sable s'imprègne sur mes pieds. C'est un nouveau poids. Le poids d'une nouvelle vie.

Quatre jours. Quatre jours de liberté, de tristesse, de deuil, de fatigue, de vulnérabilité. Quatre jours loin du monde et de son monde. Je n'ai pas eu de nouvelles. Pas depuis le message de Peter, le silence de Nate ou le au revoir de Ashley. Elle était là, à l'aéroport. Mes papiers d'identité avec elle, un sac à main et elle. Son sourire, sa joie et son soutien. Elle a compris sans même me dire un mot. Elle m'a vue, sûrement au bord du gouffre entre la peur et l'inquiétude. Puis je suis partie. J'ai pris le premier avion et j'ai pleuré. J'ai lâché tout ce que j'avais accumulé. Le deuil, Peter, Nate, Kate, leurs parents, leur monde. Tout ce que je gardais en moi.

Il y a eu ce jour sombre. Celui où l'on a enterré ma mère. En Bretagne, sur sa terre natale avec ses parents. C'était son souhait. Son unique souhait et je ne pouvais pas lui refuser. J'avais envie de lui crier que c'était injuste, que sa vie n'était pas là-bas mais ici, à Paris, que ses parents nous avaient abandonnées, lâchées. Ils ont capitulé nous laissant seules. C'était il y a dix-huit ans. J'avais dix ans. Ma mère m'a prise par la main et a décidé que l'on pouvait prendre notre indépendance. Ils n'ont rien dit contrairement aux autres fois. Je savais qu'elle était dans cet état second. Je commençais à le repérer mais ils n'ont rien fait. Ils l'ont laissée m'emmener. Alors on a pris le premier train pour Paris puis on a erré. Je ne savais pas à ce moment qu'elle mettait la tranquillité derrière nous. Je l'ai laissée m'emmener alors qu'elle me promettait un monde meilleur. Je l'ai crue. J'avais envie de la croire. J'aurai aimé avoir comme dans les films un diable et un ange sur les épaules pour me conseiller. Depuis, je leur en veux. A ces grands-parents qui nous ont laissées partir pour aller tout droit vers une vie de misère.

[L.1] LOVE & ARTWhere stories live. Discover now