[L.1] LOVE & ART

Chapitre vingt-huit : Eryne

Peter me force à mettre des talons puis à me recoiffer. Je fais une queue de cheval rapidement. Je doute qu'elle soit physiquement esthétique mais me concentrer sur une coiffure devient un véritable défi. Il attrape mon poignet mais je le reprends violemment. Pourquoi quand je m'amuse, il faut toujours un mec pour y mettre un terme ? Je parcours le couloir d'un pas énervé sans même un regard pour eux. J'arrive au niveau des escaliers. C'est bien la première fois que je ne me trompe pas en sortant de la chambre sauf qu'en bas des escaliers, je ne sais pas où aller. Peter m'indique les directions et à plusieurs reprises, je suis obligée de m'appuyer sur le mur pour reprendre mes équilibres. On s'arrête devant une porte et je souris aux deux frères.

- Je suis assez bien habillée ou il faut que je sorte mes nibards ?

- Essaye de ne pas paraître bourrée.

- Ca, ça va être compliqué, mon coeur.

    Peter ouvre la porte et me laisse entrer. Je manque de rigoler en voyant les hommes en costume, un air sévère sur le visage. Ils sont tous là. Le grand-père de Peter trône la pièce depuis le fauteuil de son bureau et ses oncles sont installés dans des canapés qui lui font face. Robert et un de ses frères sont debout, plus au fond, presque adossés contre une bibliothèque mais tous ont un trait commun, ou plusieurs, ils ont le regard orienté dans ma direction et ils ont la marque de l'organisation sur leur corps.

La Eryne sobre serait au bord du gouffre de la panique mais la Eryne bourrée trouve le tableau hilarant. Les murs du bureau sont recouverts de livres avec un bureau sur la gauche et des canapés et fauteuils sur la droite. Il y a une double porte qui mène à un balcon en face. Ils ont tous les regards braqués sur moi et j'ai envie de faire une révérence par ironie mais je crois que ce serait mal vu.

- Eryne... On parlait de vous, commence son grand-père. Nate nous a informé de vos agissements concernant votre activité et votre séjour chez la famille Parisi.

    Je regarde Nate mais il fixe un point en serrant les mâchoires. Il n'ose sûrement pas contrarier son père, ni son grand-père. Nate est de ces hommes dont la loyauté et la fidélité priment sur tout. Un homme qui sacrifierai son monde pour sa famille. Il n'a d'ailleurs pas eu une once de remords à me dire qu'il aurait sacrifié Margaux, la mère de sa fille, pour cette organisation mais il a tué Mark. Ce soir, il a tué son cousin.

- De plus, il a soulevé qu'il y aurait sûrement un différend entre vous et les membres de cette famille. Pouvez-vous nous en dire plus ?

    C'est une blague ? Je les regarde tous mais ils attendent réellement ma réponse. Ils arborent un air sévère comme si c'était l'heure de mon jugement dernier. La pièce est chaleureuse malgré la luminosité quasiment faible. Dehors, il fait nuit. Il fait nuit depuis longtemps et les étoiles scintillent dans le ciel.

    Je traverse la pièce. Je ne veux pas être flanquée des frères Jones. Ils ne doivent pas les associer à mes agissements ou à mes propos. Je suis seule mais j'ai les pleins pouvoirs. Voilà comment je me sens sous leurs regards qui n'attendent que ma réponse : une dominatrice. Combien de femmes sont entrées dans cette pièce ? Combien d'hommes ont attendu leur réponse avec autant d'intérêt ?

    Je ne dis rien pour le moment. Je fais durer le suspens. J'ai bu. Mon cerveau flotte dans une mer de téquila mais je ne chavire pas. Non. Je suis le matelot qui sait tenir son navire à flot contre vent et marée. Ah, elle est belle la mer ! Des hommes de pouvoir, autoritaire et une estime d'eux proche de la taille du soleil.

    Je me sers un verre de whisky qui trône sur une petite desserte en verre. Je n'aime pas ça mais ce n'est pas parce que je n'aime pas que cette boisson doit leur être réservée. C'est le moment de faire honneur à ma mère, de mettre en pratique ce qu'elle m'a appris. Avoir la tête droite, les épaules en arrière, le dos correctement maintenu et surtout, le plus important, une confiance en soi qui est prête à résister à toute épreuve.