Chapitre neuf : Eryne

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Paris, France.

Il y a un peu plus de vingt-quatre heures j'étais à New York et maintenant, je suis à Paris. Lorsque je suis entrée dans mon appartement, je me suis laissée tomber sur le lit. Je n'ai pas dormi pendant les seize heures de train. Mon cerveau ne va pas se remettre du décalage horaire et pourtant, il le faut. Je n'ai plus qu'un jour et demi à Paris, il faut que j'en profite. Je me lave et me glisse sous la douche. C'est étrange de retrouver cet appartement où je n'ai jamais vraiment vécu. Ma mère par contre s'est installée dedans. Elle a des goûts de luxe mais pour l'appartement, je lui ai pris ce qu'il y avait sur le marché. Un appartement typique haussmannien, avec des moulures anciennes et un parquet au sol. Il n'est pas très grand, trente-cinq mètres carrés avec une chambre mais ça lui suffisait. Je regarde dans un placard et attrape un jean et un tee-shirt trop grand. Je mets les escarpins aux pieds et m'empare de mon sac avant de claquer la porte. Au rez-de-chaussé, je récupère le courrier qui s'entasse dans la boîte aux lettres et le mets dans mon sac. Dans la rue, je monte dans le taxi et lui indique la banque. Première étape, faire opposition à mes cartes de crédit et m'en procurer une nouvelle. Paris n'a pas changé depuis un an. Paris est intemporel. Mon regard se pose sur mes poignets, toujours rouge, douloureux et marqués par les menottes. Peu importe comment réagira Nate, je suis une personne de paroles. Si je lui ai dit que je rentrais dans deux jours, je rentrerai dans deux jours. Au passage, j'espère qu'il ne viendra pas à Paris, ni fouiller dans ma vie.

- Madame Jones, que puis-je faire pour vous ?

Je salue la banquière et la suis dans son bureau. Je m'installe sur ces fauteuils qui se veulent chic mais qui sont en réalité dignes d'un magasin de gros. Je lui sors mes papiers et son regard s'attarde un peu trop sur mes poignets. Je ne cherche pas à les cacher, ça sera encore plus suspect.

- Vous devez faire opposition à toutes mes cartes.

- Madame Jones, nous avons essayé de vous joindre...

Elle prend un air inquiet devant mon air interrogateur. Je n'étais pas joignable. Je le sais, elle le sait. Je ne dis rien, l'invitant à continuer.

- On a dû bloquer vos comptes. Quelqu'un à chercher à débourser plusieurs millions.

Nate. Il a cherché à se faire rembourser lui-même. Il est le seul à posséder mes cartes de crédit. Il m'en doit une. Il ne joue pas carte sur table et n'est pas honnête.

- J'ai besoin d'une carte de crédit. Créez un nouveau compte, faites quelque chose mais je dois tenir quarante-huit heures avec une carte.

Elle hoche la tête et tape sur son clavier d'ordinateur. Je verse assez d'argent chaque année pour qu'ils me fournissent une carte de crédit dans la minute. Je l'attends tout en regardant le sol. Il me faudra un portable prépayé. J'enverrai un message à Peter. Si Nate veut rentrer en contact, ça sera par ce biais et je pourrais couper la communication à n'importe quel moment.

Au bout de plusieurs heures j'arrive enfin à ma destination finale. Il est déjà tard mais je sais qu'elle n'a pas encore mangé. Lorsque le taxi s'arrête, une boule se forme dans ma gorge. Devant moi, un imposant bâtiment haussmannien, avec une entrée très chic et rien sur la devanture indique qu'il s'agit d'un centre de soin. On pourrait même croire à un hôtel. Un hôtel pour personnes malades et dépendantes. Je sais que ma mère bénéficie d'un traitement spécial mais après ce qu'il s'est passé la veille, je ne suis pas prête. On n'est jamais prêt à voir un proche malade. Je rentre dans le hall et un infirmier m'accueille.

- Madame Jones ! Votre mère vous attend dans le jardin.

- Merci. Comment va-t-elle ?


L'infirmier baisse les yeux. C'est mauvais signe. La boule grossit dans mon corps. Je hoche la tête d'un air entendu et me dirige vers le jardin. Tout est blanc maculé comme dans un hôpital avec quelques fausses répliques de tableaux pour ajouter un peu de couleur. Dans le jardin, chaque buisson est taillé au centimètre près et la pelouse verte d'origine est en train de faner à cause de la chaleur estivale. Je la repère facilement, c'est la seule personne à porter un tailleur Chanel impeccable à vingt heures. Elle est assise sur le banc en train de discuter toute seule. Elle sourit, parle avec ses mains et se tient comme une dame de la haute bourgeoisie du temps des rois. Pas un cheveux ne se détache de sa coiffure. Elle est jeune et pourtant bien malade. Ma mère n'a même pas soixante ans et elle est dans ce foutu centre. Je me place à côté d'elle sur le banc. On a jamais été du genre à se faire un câlin ou une bise pour se saluer. Non, je risquerai de défaire sa coiffure ou de faire un pli sur ses vêtements.

[L.1] LOVE & ARTWhere stories live. Discover now