Haut Niveau - Tome 2 -

• Chapitre 51 •

Naomi

Des frissons glacés secouent mes épaules et je suffoque. Je ne sais plus où je suis, ni ce qu'il se passe autour de moi. Tout ce que j'entends ce sont des voix, des voix lointaines, trop lointaines. Ma tête est douloureuse, comme fendue en deux...
— Qu'est-ce qu'il lui arrive ? Dites-moi ce qu'il se passe ! Adan ?
Un bruit constant et mécanique me chuchote à l'oreille, c'est désagréable.
— Elle se réveille, clame une voix que je ne reconnais pas. Monsieur, veuillez patienter dans le couloir, s'il vous plaît !
— C'est ma femme, je refuse de la laisser toute seule. croasse Adan, courroucé.
— Nous sommes là pour l'aider alors, je vous prie de sortie de la chambre et d'attendre dans le couloir.
Lentement, comme émergeant d'un crash d'avion, je reprends connaissance. Mes paupières se soulèvent péniblement et je plisse les yeux, éblouie par la lumière immaculée des ampoules au dessus de ma tête. Je suis à l'hôpital ?
— Naomi Anderson ? Vous m'entendez ?
Je lutte avec moi-même pour ouvrir les yeux en grand et dépose mon regard sur un grand monsieur, en blouse blanche avec un air professionnel derrière ses lunettes rectangulaires.
— Oui...articulé-je, comme si mes lèvres étaient engluées dans du chewing-gum.
— Bien, quel jour sommes-nous ? Me demande-t-il, guettant mes pupilles à l'aide d'une petite lampe.
— Le 26 février 2021...(Je frotte mon front, grignant les sourcils et j'ajoute, égarée.) Que s'est-il passé ?
— Vous avez fait un malaise, Naomi. Heureusement que votre mari a amorti votre chute sinon vous vous seriez sérieusement blessée.
Il feuillette un dossier du bout des doigts et relève enfin le nez.
— Ne vous en faites pas, cela arrive à énormément de femmes de faire des malaises ou encore d'avoir des douleurs aux ovaires en début de grossesse.
Le vide se fait dans ma tête et je bafouille horriblement :
— Pardon ? Qu'est-ce que vous avez dit ? Vous...
— J'ai dit qu'il était courant d'avoir des douleurs aux ovaires et de faire des malaises en début de grossesse, y-a-t-il un problème ?
Mon pouls s'accélère et j'ouvre la bouche, tétanisée comme un morceau de bois. Grossesse ? Grossesse comme bébé ? Sans blague, Nomi ?
— Vous avez dit grossesse ? Mais c'est impossible, je...
Tout à coup, le médecin comprend la situation et ses yeux s'arrondissent. 
— Je suis navré, je pensais que vous étiez au courant. Vos tests sanguins nous sont arrivés il y a quelques minutes, vous êtes enceinte Naomi.
Il referme son dossier dans le plus grand des calmes et remonte ses lunettes d'un geste adroit de l'index. Vous êtes enceinte Naomi. Ces quatre petits mots me font l'effet d'un sceau d'eau glacé en Hiver, je ne bouge plus d'un pouce, gélifiée sur place. Comment est-ce possible ? Nous avons toujours fait attention et je prends la pilule ! Oh mon Dieu...Je suis certaine de n'avoir omis aucun jours alors il s'agit de...de quoi ? Je suis enceinte, merde ! Enceinte d'Adan...Comment vais-je lui dire ? Est-ce que les médecins lui ont dit ? Est-il déjà au courant ? Comment a-t-il réagi ? Comment va-t-il réagir ? Est-il heureux ? En colère ? Furieux ? Et s'il s'était déjà enfuis loin d'ici ? Oh Dieu du ciel, je raconte n'importe quoi.
— Je...commencé-je, le regard dans le vide. J'ai fait un test de grossesse et il était négatif, pourquoi était-il...
— Les tests de grossesse ne sont pas fiables à cent pourcents, le mieux est de faire une prise de sang. Ne vous en faites pas, je vais vous laisser digérer l'information. Je suis désolé de ne pas avoir fait plus attention, vous auriez dû l'apprendre plus calmement.
J'acquiesce lentement et le médecin dépose le dossier sur le meuble, près d'un fauteuil en cuir bleu. 
— Je suppose que vous en êtes à environ trois semaines de grossesse. En sortant, vous devriez appeler votre médecin traitant ou bien votre gynécologue afin de vérifier que tout va bien et ainsi fixer un rendez-vous dans plusieurs semaines pour une échographie.
— D'accord.
Je réponds machinalement et le médecin esquisse un sourire bienveillant.
— Vous allez faire une très belle mère, Naomi. Ne soyez pas inquiète pour cela. Souhaitez-vous que votre mari vous rejoigne ?
Non, oui, je ne sais pas.
— Euh...oui.
— Bien.
Il pousse la poignée et la porte s'ouvre. Instantanément, la voix d'Adan résonne dans le couloir et le pauvre homme se retrouve enseveli sous les interrogations.
— Comment va-t-elle ? Est-ce que je peux la voir ?
— Oui, monsieur Brown. Je reviendrai dans quelques minutes, votre femme devrait sortir dans la journée.
— Oh, très bien.
Les pas de l'homme s'effacent et Adan accourt dans la chambre. Son regard argenté et nerveux se heurte au mien et il se glisse sur le lit, prenant mon visage entre ses doigts. Les mots du médecin se répètent en boucle dans mon crâne...Je suis enceinte, je suis enceinte, enceinte...
— Est-ce que tu vas bien ? Tu te sens mieux ?
— Oui, ça va. Non ! Je suis enceinte de toi, bordel !
— Le médecin a dit que...
— C'était juste un malaise, Adan.
— Un malaise ? Demande-t-il suspicieux, pourquoi avais-tu si mal au ventre ? Tu es sûre qu'il n'y a rien d'autre ?
Oh que si.
Comment lui dire ? Comment lui dire ! Quelle va être sa réaction ? J'ai peur, terriblement peur. Nous ne sommes pas prêts à avoir un enfant, pas maintenant ? C'est encore tôt ! Il vient juste de me demander en mariage, comment allons-nous gérer un enfant en plus de cela ?
— Naomi ? Dis-moi ce qu'il se passe, je suis prêt à entendre tout ce qu'il faut mais je t'en prie, parle-moi...
— Je...
Punaise, je n'y arrive pas ! La peur me paralyse, j'aurais peut-être préféré que ce médecin le fasse à ma place. C'est bien trop pénible d'annoncer une telle chose, face à lui, ses beaux yeux dans les miens. Allez, un peu de cran, tu dois lui dire, c'est à toi de le faire !
— Le médecin a dit que c'était commun d'avoir ce genre de douleur au début. Que beaucoup de femmes pouvaient ressentir cela...
— Quelle douleur ? Au début de quoi, je ne comprends pas Naomi ?
Son inquiétude, planquée derrière ce sérieux est terrifiante.
— Au début de la grossesse, je suis enceinte.
Ça y est, c'est dit. Plus de retour arrière, les mots sont sortis et se logent à ses neurones. 
— Tu...quoi ? Balbutie-t-il, les yeux arrondis de stupeur.
— J'attends un bébé, depuis trois semaines environ. Je...je ne sais comment c'est possible mais c'est...
— Un bébé ? Répète-t-il, calmement.
J'attends qu'il poursuive, les nerfs à vif. Rien ne se démarque dans son regard, il semble confus, perdu et sous le choc. Mon coeur frappe dans ma gorge et j'ai l'impression de suffoquer dans cette pièce aux murs sibyllins. Ses mains s'éloignent de mon corps et je mords ma lèvres inférieure, effrayée de la voir courir loin de moi. Ses yeux tombent sur mon ventre et il ne dit plus rien, son regard évite le mien. Ça ne me plaît pas, pas du tout !
— Adan, je suis désolée...ma pilule, je te jure que je...
— Je n'arrive pas à y croire, c'est...me coupe-t-il, sans voix. C'est quoi ? Trop tôt ? Horrible ? Trop difficile à accepter ? Dis-moi nom de Dieu !
— C'est incroyable...
Incroyable ?

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