28.

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Je fais les cents pas dans la grande salle. Quatre-huit heures. Cela fait quarante-huit heures que je suis revenue de cette sortie au port avec Enzo, et quarante-huit heures que je me questionne sur la décision que j'ai prise. Ma raison est tout de même tiraillée entre ce que je dois faire et ce que je veux faire, mais il n'y a pas de compromis possible, il n'y a pas d'interstice entre ces deux parties et mon choix est fait. Un choix qui je le pense, sera soit très libérateur, soit emportera tout sur son passage. Un choix qui déterminera sûrement le reste de mon existence, qui me mènera sur de nouveau chemins, un choix qui fera de moi quelqu'un d'autre, quelqu'un d'encore un peu plus éloignée de celle que je voulais être. 

- Arrête de tourner en rond, tu me donnes le tournis, geint Enzo. 

- Désolé, je souffle. 

- Pourquoi t'es si stressée ? 

Je hausse les épaules. Peut-être parce que j'ai la pression, que je ne sais pas comment je vais amener tout ceci sur le tapis, parce que je ne sais pas comment il réagira. Peut-être parce qu'au fond, je me demande encore si j'en suis capable. Franchir la limite, dépasser la morale que je m'étais imposée si durement, je n'ai jamais fait cela de ma vie... Et j'espère avoir le courage de réaliser tout ce que ma décision implique. Enzo, qui joue au jeux vidéos sur le canapé, soupire très fortement, agacé. Il faut dire que je n'ai pas été la plus sympa des colocataires durant ces derniers jours ; cloîtrée de ma chambre sans sortir ne serais-ce que pour manger, enfermée avec mes pensées pour être bien sûre de ce que je vais faire, sans lui parler, et maintenant je déboule pour faire les cents pas dans la grande pièce. Le tout, avec pour seule excuse, " j'ai pris une décision ". Soudainement, il se retourne pour me faire face. 

- J'espère juste que tu sais que nous sommes humains. Quand des gens qu'on connaît partent, on est toujours nostalgique, et même si tu nous déteste, Victoria, moi, Marco et Andrea, on t'apprécie. 

J'ai un vague sourire, puis je me reprend. 

- Pourquoi tu es si persuadé que je vais m'en aller ? C'est pas parce que je prend une décision que je vais forcément filer à l'anglaise, sans mauvais jeu de mots. 

- Parce que Violence, quel autre choix as-tu ? La seule décision que tu pourrais prendre c'est t'en aller, ou alors devenir comme nous. Mais ça, ça m'étonnerais beaucoup. 

- Les gens sont plus ce qu'ils cachent que ce qu'ils sont, je souffle. 

Il fronce les sourcils.

- Donc c'est ça, ton choix ? Intégrer l'organisation ? demande t-il. 

- Non. 

- Tu mens sur l'un des deux, alors, parce qu'il n'y a que ces deux possibilités qui s'offrent à toi. 

Debout à côté de la fenêtre, j'observe le jardin dehors. C'est dingue qu'il pense qu'il n'y a que deux possibilités, que c'est un choix restreint et non un choix ouvert, qu'il soit à ce point convaincu que je vais partir. Après tout, il a raison, c'est aussi le choix le plus logique ; j'ai fait mon sevrage même si il me reste du chemin à parcourir, je les déteste - enfin je suis censée les détester - et en plus de ça, je n'ai aucun interêt à rester ici. Je croise les bras sur ma poitrine, le soleil s'est déjà couché et il fait nuit alors qu'il est à peine dix-huit heures. L'ambiance est tendue, je le sais mais je n'y prête pas attention pour ne pas plus m'impliquer emotionellement, puis je me remet à marcher encore et encore. Après quelques minutes, je vois Enzo décrocher son téléphone et parler en italien, et j'essaye de comprendre même si le débit et bien trop rapide pour que j'y arrive. Il raccroche, saute par-dessus le canapé et enfile sa veste en cuir et ses chaussures. 

ULTRAVIOLENCE • T2Where stories live. Discover now