4.

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Je tousse sans m'arrêter, les larmes aux yeux. 

C'est insupportable.

Putain. L'humidité et la poussière me brûlent la gorge, c'est une torture. Je ne peux plus supporter cette lumière artificielle trop forte qui m'empêche de dormir, je ne peux plus supporter son grésillement incessant. Je ne peux plus supporter l'attente et l'ennui seule dans cette prison, j'ai froid, j'ai faim et j'ai soif, et je ne sais pas depuis combien de temps je suis enfermée ici. Des heures ? Des jours ? La dernière fois qu'Andrea m'a descendue un verre d'eau et une barre de céréales, j'ai l'impression que c'était il y a plus d'un siècle. Mes râles de souffrance emplissent le couloir en pierre dès que je fais racler sans faire exprès mes poignets sur mon haut, et le seau dans lequel je dois faire mes besoins couvre la pièce d'une odeur infecte. Je ne sais pourtant pas ce qui est le pire : l'attente interminable, les conditions dans lesquelles je suis détenue, ou l'humiliation que je suis en train de subir. Je n'arrive pas à croire que c'est en train d'arriver... La traque, c'était inconcevable. Le kidnapping, c'était invraisemblable. Mais cet enfermement, c'est surréaliste, et surtout dans ces conditions. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Je me suis pliée à chacune des règles de Di Casiraghi, parfois dans la douleur, souvent dans les larmes. Il m'a traquée et j'ai fui, comme on me l'a conseillée. J'ai fait tout ce qu'il m'a demandé, j'ai tout suivi à la lettre, alors pourquoi est-ce qu'il me fait ça ? Interrompue dans mes pensées par le grincement de la porte, je retiens un soupir de soulagement. C'est Andrea qui vient sûrement prendre des nouvelles, la bonne blague... Assise dans un coin, dos aux barreaux, je ne me retourne pas parce que si je le fais, je vais étriper ce mec sur place. Il m'insupporte encore plus que Di Casiraghi lui-même, si c'est seulement possible. Pourtant quand les pas retentissent dans l'escalier, je me fige totalement en une seconde. Je pourrais reconnaître ces pas entre mille, surtout lorsque je les entends qui se rapprochent de plus en plus jusqu'a ma cellule pour au final s'arrêter. Je sais déjà qui est derrière la porte en fer et son regard me brûle le dos. 

Le souffle coupé, je n'arrive pas à croire que chaque atome de mon être aie pu le reconnaître avec la simple cadence et intonation de ses pas... Aucun de nous ne parle et je tente de retrouver un peu de contenance même si ce n'est pas chose facile. Je retiens des larmes d'épuisement, de peur et de colère, et il me faut un moment avant d'avoir le courage de me lever et de me retourner. Je découvre Thaddeus devant moi, les clés en main, le visage de marbre. Il est vêtu d'une chemise blanche légèrement ouverte au col, d'un pantalon noir, et c'est tout ; pas de cravate, pas de veste de costume, ce qui est inhabituel. Nous nous toisons de longues secondes, j'ai tout le corps qui se tend, tous mes muscles qui me font mal de cette vision de lui. Ses yeux paraissent un peu plus foncés. Son visage n'a pas changé, il a toujours les mêmes traits marqués, toujours les mêmes cernes bleues sous ses iris. Il dégage toujours la même chose. Quelque chose qui me fait me sentir à la fois mal à l'aise, en colère et brisée. Cette espèce de nausée qui prend vie dans les os, comme quand on marche sur la patte de notre chien, comme quand une personne âgée raconte une histoire mais que personne n'écoute, comme quand on se trompe de réponse en classe, comme quand on passe dans un hôpital et qu'il y a des dessins d'enfants sur les murs. Nous nous contentons de nous regarder l'un et l'autre, en attendant quelque chose que nous ignorons et qui n'arrive pas. Et puis au bout d'un moment, alors que le silence devient presque gênant et que je m'apprête à dire quelque chose, il remet les clés dans sa poche et tourne les talons. Le choc est si grand que je n'arrive à réagir que lorsque j'entends ses pas qui remontent l'escalier en pierre. Il est en train de partir. 

- Thaddeus ! je crie. 

Pas de réponse. Agrippée aux barreaux comme à la vie, je n'arrive pas à croire qu'il vient de partir et de me laisser là. 

ULTRAVIOLENCE • T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant