16.

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Un verre après un autre. 

Whisky. Tequila. Gin. Porto. Non, le Porto, je ne peux plus le boire sans repenser à cette soirée à Palerme, et il faut que tout ça reste loin de ma tête. Rhum. Vodka. Liqueurs. Les choix sont variés ici... Et chaque bouteille attise mes démons, chaque gorgée satisfait mon addiction, il faut dire que la Nothern Tavern fait parfaitement son job.

Un verre après un autre. 

Parce qu'il faut que j'oublie, parce qu'il faut que j'avance, parce qu'il faut que je me donne un nouvel objectif à chaque seconde. J'ai retrouvé il y a deux mois Atlanta et sa vie nocturne, la Géorgie avec ses routes interminables, et un nouvel appartement ; une nouvelle vie, en somme,  un nouveau départ. 

Un verre après un autre. 

Je ne sais pas combien j'en ai bu, mais je reçois des notifications de chaque prélèvement sur mon compte en banque après avoir payé, et vu le nombre de fois que mon téléphone a vibré dans ma poche, je dirais un bon nombre. Je ne sais pas combien j'en ai bu, mais en tout cas pas assez pour laver et effacer mes démons intérieurs. 

Un verre après un autre. 

J'ai la joue collée contre le bois, les cheveux devant le visage, le tabouret haut sur lequel je suis assise est inconfortable à mes fesses. Effondrée sur le comptoir du bar comme une masse informe, ivre mais pas de la vie, ivre mais pas de bohneur, mon corps pèse une tonne. Et exactement comme hier, comme avant-hier, et comme les jours d'avant, le barman fait un signe de la main au vigile en me désignant. Il est deux heures trente du matin, l'heure de partir, il me semble.

- Mademoiselle, m'interpelle le vigile.

- Hm, je dis. 

- On vous a appelé un taxi. 

- Vous savez qui est-ce que j'aurais voulu que vous appeliez ? je souffle en me redressant. 

Le barman et lui échangent un regard. 

- Les pompes funèbres, parce que c'est là que je vais finir. Un taxi c'est cool, un corbillard... C'est mieux ! 

Je m'écroule à nouveau sur le bar en bois poisseux et je sens qu'on me soulève par les aisselles. Le vigile, un grand baraqué d'un mètre quatre-vingt, me porte en me traînant à moitié dans tout le bar avant d'ouvrir la porte. Je monte difficilement dans le taxi, lui donne mon adresse et agrippe mon taser dans mon sac - c'est bien ma seule sécurité. Je lutte pour ne pas m'endormir dans la voiture, puis dix minutes plus tard le chauffeur se gare devant mon immeuble. Alors que je fouille dans mon sac à main pour chercher quelques billets à lui donner, il m'arrête dans mon élan en me disant de garder mon argent. 

- Je suis contente qu'une fille vulnérable comme vous soit rentrée sans se faire agresser. Atlanta n'est pas très sûre la nuit. 

- Vous êtes trop sympa, j'articule. Vous savez qui est-ce qui n'était pas sympa ? 

Il secoue la tête et je prends mes affaires sur la banquette. 

- Andrea, je roucoule avec un accent italien. 

- C'est qui, votre ex ? 

A l'entente de cette question, je comme à ricaner doucement. Puis j'éclate de rire d'un seul coup à en pleurer, me tape les cuisses, et je finis finalement par arriver à calmer mon fou rire avant de lui répondre. 

- Non, Andrea, c'était un type... Qui mangeait des bonbons. 

- Ah, dit-il. 

- Il m'a kidnappée, c'était un pompier mais il m'a kidnappée, et en plus de ça il mangeait des bonbons. 

ULTRAVIOLENCE • T2Where stories live. Discover now