ULTRAVIOLENCE • T2

11.

La première pensée que j'ai quand j'émerge d'une nuit passée à me tourner et me retourner dans mon lit, c'est que cela fait ( déjà ) sept jours que je suis ici. Ankylosée, je sors de mon lit, m'habille et ouvre la porte : la maison est très étrangement silencieuse. Bizzare. Sur la pointe des pieds, je descend l'escalier et m'engage dans le couloir pour aboutir dans la grande salle - et il n'y a personne. Vraiment bizzare. Alors que je me suis fait mon café et que je m'apprête à prendre mon petit déjeuner toute seule je m'aperçois qu'il y a une note posée sur la grande table, dont je me saisis, et la lis : " Lisa est rentrée à Moscou avec Marco, Andrea est à Liverpool aujourd'hui et je suis en déplacement pour la journée. Il n'y a que toi et mes hommes au manoir. Profites-en pour faire le point. T ". Je repose la note avec un sourire. Ça va me faire du bien de me retrouver un peu seule, tiens... Après avoir avalé un muffin et mon café brûlant, je m'offre un petit temps de lecture pour fini le thriller que j'ai commencé hier. Ensuite, je vais me marcher un peu dehors mais ce n'est pas une tâche aisée avec les deux gardes qui me suivent en permanence, à trois mètres derrière moi, donc je finis par écourter ma ballade, excédée d'avoir dans les pattes les soldats de Thaddeus. Je me fais un sandwich en regardant la télévision et savoure l'instant ; depuis combien de temps n'ai-je pas eu de journée comme celle-ci ? J'ai passé les six derniers mois à courir, à fuir, à chercher mon prochain appartement, à regarder en permanence au dessus de mon épaule pour m'assurer que l'organisation ne m'attraperait pas. Cette journée est une rédemption. En fin d'après-midi je vais prendre un bain chaud pour compléter mon marathon de détente, et laisse libre court à mes pensées. 

Ces derniers jours ont été psychologiquement harassants. D'abbord, j'ai été enlevée à Atlanta par Andrea et ramenée ici, en Angleterre, à l'organisation, comme un trophée de chasse. Après, on m'a enfermée durant plus de quatre-vingt seize heures sous terre sans voir la lumière du jour, dans une cellule humide et froide. Ensuite, Di Casiraghi et moi avons parlé de la situation et il m'a dit qu'il voulait m'apprendre à aimer son monde, à aimer le crime, et personne ne sait pourquoi. Pour me sortir de cette situation j'ai négocié avec lui et je lui ai donné dix jours, dix jours pour accomplir ce qu'il veut accomplir. Lisa m'a révélé que cette chasse, cet apprentissage était devenu une obsession pour lui et que la dernière fois que c'était arrivé c'était avec Alexei, l'amant de Thaddeus, qui est mort de sa main - ou presque. Puis Thaddeus a commencé son apprentissage hier en me montrant que Corelli était toujours en vie, torturé depuis des années, et qu'il était un homme de parole. Et enfin, il m'a confié avoir senti lui aussi ce changement. Je me passe une main sur le visage, lassée. Quand est-ce que ce tourbillon infernal s'arrêtera ? C'est très ironique, parce qu'il y a deux ans et demi je me posais la même question et une fois que je suis sortie, je croyais que tout s'était arrêté. Idiote... Pourtant, quelque chose me dit que cette fois, tout va être bien différent de la dernière fois, car Di Casiraghi m'a assuré que je pourrais définitivement partir ensuite. Et étrangement, peut-être naïvement, je le crois.

- Prions pour qu'il tienne sa parole, je grince. 

- Oh, mais je la tiendrais. 

Avec un violent sursaut, je tourne la tête. Dans l'encadrure de la porte, les yeux fixés sur mon visage, Thaddeus se tient là, debout, tranquille et de marbre - ça ne change pas de d'habitude. Et avant même que j'ai le réflexe d'attraper une serviette pour me couvrir, il tourne les talons et lance : 

- Retrouve moi dans l'entrée dans dix minutes. 

La porte claque et je sursaute à nouveau. Dix minutes ? Je me dépêche de sortir du bain, de me sécher d'enfiler à nouveau mes habits. Je sèche aussi mes cheveux et me rue dans ma chambre pour prendre mes affaires ; quand j'arrive en bas, j'ai déjà trois minutes de retard. Merde, merde, merde, je sais qu'il déteste ça.