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Partie 1 : Cosmos et chaos 

Deux cent soixante-deux mille huit cent minutes. 

Quatre mille trois cent vingt heures.

Cent quatre-vingt-deux jours.

Vingt-six semaines.

Six mois. 

Six mois depuis que j'ai reçu cette enveloppe noire contenant une lettre qui m'a paralysée pendant une heure, assise dans mon salon. Six mois que je suis en fuite, laissant derrière moi des appartements que je n'occupe que pour des très petites durées, six mois que je change de ville presque chaque semaine, six mois que je prie pour qu'il ne me retrouve pas. Six mois que je me suis exilée aux Etats-Unis avec le reste des économies que j'avais, six mois que je suis en fuite. Six mois, ou l'éternité.

- Eh, voilà ton verre, m'interpelle la barmaid. 

Je lui souris en me reconcentrant sur la réalité, attrape mon verre et l'emporte avec moi. La boîte de nuit est surchargée et je me met à danser, mon verre à la main. La musique m'enivre presque autant que l'alcool, c'est une sensation qui m'avait manqué, et je ne risque rien ici de toute façon... Mes cheveux virevoltent autour de moi, mon corps se colle à celui d'inconnus quand la foule se ressert pour sauter sur place quand le DJ passe les nouveaux titres européens, et je ferme les yeux en savourant l'instant. J'expire au même rythme que les basses, et avale le contenu de mon verre avant d'aller le reposer au bar. Bien détendue, je me fonds dans la masse et hurle avec les autres en dansant comme si il n'y avait pas de lendemain. Et à cet instant, j'oublie tout : la mort de Kira, la rancune de mes anciens amis, Palerme, la traque. A cet instant rien d'autre n'existe que la musique qui anime mes membres, rien d'autre n'existe que l'alcool qui allume mes veines comme des néons, rien d'autre n'existe que ce club bondé et enfumé d'Atlanta. Je me déhanche durant de longues minutes, appréciant ce moment de libération ultime au milieu de centaines d'inconnus, puis je me décide à aller faire un tour au toilettes avec la désagréable impression d'être suivie. Comme depuis six mois, ça ne change pas. Je vais faire pipi, mais un homme que j'ai déjà aperçu dans la boîte de nuit interpelle mon regard quand je ressors des toilettes des femmes. Il me fixe avec insistance, stoïque, et je comprends après plusieurs secondes quelles sont ses intentions, ou plutôt, pour qui il travaille. Mon sang se glace, ça devient de plus en plus fréquent et je suis dans la merde. Je ne prends même pas le temps de récupérer mon sac au vestiaires ; j'ai mon téléphone et c'est tout ce qui compte. Pour ne pas attirer l'attention, je fais semblant de danser et me rapproche lentement de la sortie. Quand j'ai passé la porte, enfin libre, je me met à courir, ce qui n'est pas chose facile en talons. Je manque de tomber plusieurs fois et je sais que l'inconnu est sur mes pas, mais finalement j'arrive à le semer et retrouve le chemin de mon appartement en quelques minutes. Je ne traîne pas dans les rues au vue de l'heure tardive et passe mon badge sur le capteur de l'entrée de l'immeuble, avant de prendre l'ascenseur jusqu'au quatrième étage. Je prends le temps de me démaquiller et de me déshabiller avant de m'allonger sur mon lit. 

Le réveil est très compliqué. J'ai un mal de crâne tellement intense que j'ai l'impression qu'on m'ouvre la tête en deux à l'aide d'un marteau piqueur et me lever me prend bien dix minutes - dont cinq pour ouvrir les yeux. La première chose que je fais est de consulter mon planning sur mon téléphone : merde, j'ai un cours à donner à onze heures. Je me rue dans la douche, savoure l'eau glacée sur mon corps et me sèche. Je m'habille avec une chemise bleue, un pantalon noir, prend le temps de déposer un peu de mascara sur mes cils et complète mon maquillage avec un rouge à lèvres bien rouge pour égayer tout ça. Je prends mon café devant la fenêtre avec vue sur le centre-ville, en vitesse, pour faire passer la nausée qui s'est installée, avant de rassembler toutes mes affaires et de partir. Je me rends à pieds dans le quartier voisin et frappe à la porte d'une maison semblable à toutes les autres pour retrouver la maman de June qui apprend l'italien en cours particuliers. Nous nous installons dans le salon, sur la grande table, et elle sort son cahier. Je l'interroge d'abbord sur le vocabulaire que nous avons vu ensemble il y a une semaine, puis nous commençons le cours, comme d'habitude. Quand l'heure est écoulée, je lui demande de travailler la leçon et remet mes affaires dans mon sac à main. 

ULTRAVIOLENCE • T2Onde histórias criam vida. Descubra agora