25.

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Je suis réveillée le lendemain par une odeur de brûlé.

Le coeur battant, craignant un incendie, j'enfile mon pyjama en quelques secondes et court à l'étage. Rien, ni fumée, ni même odeur. Je me précipite au rez-de-chaussée, manque de tomber dans l'escalier, et vérifie toutes les pièces ; la cave, l'entrée, la pièce principale, mais rien. Le soleil commence tout juste à se lever et l'horloge de l'entrée indique cinq heures du matin passées de quelques minutes. Je sors dehors en quête de réponses, et c'est un spectacle absolument édifiant qui me fait face. Un bûcher, d'où s'elève un peu de fumée. Exactement comme ceux que les américains ont utilisés pour la chasse aux sorcières dans les années mille sept cent, devant moi se trouve un bûcher, haut de quelques mètres et déjà prêt à l'emploi, et face à lui, un seul homme. Sans hésiter une seule seconde, j'enfile mes chaussures et marche jusqu'a lui malgré le froid ardent qui me mord le visage - l'hiver en Angleterre, dans mon souvenir de petite fille, c'était pire que la Russie. L'homme se tient bien droit, les mains dans les poches, devant le bois comme si c'était sa propre destinée, et j'arrive à sa hauteur. 

- Thaddeus. 

Il se retourne vers moi.

- Violence. 

Un ange passe, et je me reconcentre sur l'édifice que j'ai devant moi. 

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Je t'ai dit que Corelli mourrait, hier, alors voilà. 

Ses paroles me glacent encore plus que ce que je ne le suis déjà. Il va brûler Matteo vivant pour ce qu'il a fait, et ce, au beau milieu de la propriété, juste devant le manoir. Oui, c'est pour lui qu'a été créé ce bûcher. Je reste silencieuse alors qu'il regarde les soldats consolider l'espèce de pilier et essayer de dissiper la fumée résultante d'un test pour savoir si ça allait prendre feu, si tout était prêt.

- Retourne te coucher, me demande t-il. 

- Non, je dis. Ce n'est pas grave, ce qu'il a fait, il n'y a pas besoin de... 

- Qu'as-tu fait à l'univers pour qu'il envoie autant de monde pour te tuer ? m'interrompt-il.

- Je... 

J'ai un petit rire triste. 

- Bonne question. 

Thaddeus croise les bras. 

- Hank est mort, Kurt est mort, Corelli a payé ses dettes et maintenant il va mourir. 

Un très long moment se passe. Un moment si long que je peux voir le soleil continuer sa course dans le ciel, se lever un peu plus, et les soldats arrêtent de monter l'édifice puisqu'il est terminé. Un moment si long que j'en oublie presque de penser à ce que je vais dire, mais je finis par lui dire quand même. Parce que c'est ce que je ressens. Parce que je crois que je dois lui dire.

- Merci. 

Silence de son côté. Et puis : 

- De rien. 

J'expire lentement. Hank est mort, oui, sous mes yeux, et Kurt aussi, apparement. Ni l'un ni l'autre ne pourront désormais me nuire, me faire du mal ou placer des traceurs sur ma voiture. Corelli a été torturé très longtemps, il a souffert autant que nous tous et tout à l'heure, il mourra parce qu'il en va ainsi à l'organisation. Et je ne peux pas m'empêcher de me sentir reconnaissante envers Di Casiraghi, parce que même si ma conscience me hurle que c'est mal, que des gens sont morts, que des frères, des maris, peut-être même des pères sont morts... Je suis délivrée. Egoïstement, je me dis que leur mort m'assure un peu de paix, un peu de tranquillité, et je me dis aussi que ça a été rendu possible grâce à lui. C'est horrible, et pourtant, c'est ce que je pense. Et je me demande si je ne suis pas en train de devenir comme eux, à aimer la mort, à apprécier le fait que certaines personnes souffrent parce qu'ils doivent souffrir après ce qu'ils ont fait. Tout ceci est un tourbillon de violence, de doutes, de questions sans réponses, de sang, et de culpabilité qui m'aspire un peu plus chaque jour. Alors, au milieu de tout cela, qui suis-je ? Suis-je encore Violence l'orpheline, celle qui n'a plus de famille, plus personne ? Suis-je encore Violence, celle qui s'est fait tirer dessus en pleine rue par un traître à une organisation criminelle ? Suis-je encore Violence, l'indice vivant qui aurait pu servir à la police pour arrêter Di Casiraghi ? Suis-je encore Violence, celle qui détestait un criminel mais qui le laisse lui apprendre comment vivre lorsqu'on a côtoyé son monde ? Suis-je encore un peu moi-même, ou pas ? Et à qui dois-je les plus grandes excuses ? Personne n'a été plus cruel envers moi que moi-même.

ULTRAVIOLENCE • T2Where stories live. Discover now