Lorsque je revins à l'intérieur de l'entrepôt une demi-heure pour tard, toute l'équipe était au parfum. Susan était l'alliée de T-Bag et c'était eux qui possédaient le plan qui nous conduirait enfin jusqu'au Cartel. La directive était claire : nous allions devoir travailler avec le duo le plus pourri de tous les temps !
Je m'esquivai pour m'isoler un moment sur mon petit bateau. Épuisée tous ces plans, ces stratégies et ces coups montées qu'imposait notre mission, je m'assis sur mon lit et soufflai bruyamment. Ma tête retomba lourdement dans mes mains. Je tentai de me ressaisir... Nous avions eu pas mal de chance jusqu'à maintenant, il n'y avait pas de raison que les ennuis commencent à nous rattraper, essayai-je de me convaincre. Il ne manquait plus qu'une carte pour décoder ce fameux Scylla et nous savions où ou plutôt qui possédait le plan qui nous mènerait à l'acte final... La fin était sans doute plus proche que jamais. Même si pour cela notre équipe devait travailler main dans la main avec ce poison de Susan. Je ne doutais pas de notre équipe, bien sur que non. Mon seul doute était focalisé sur moi et sur ma capacité à revoir Susan... Je n'étais toujours pas capable de passer une nuit sans cauchemar alors comment réagirai-je quand je me retrouverai devant elle ?
Je tournai la tête et aperçus la petite fleur en origami qui trônait sur ma table de chevet. Je m'allongeai sur le lit pour la saisir. Je la contemplais en la faisant tourner entre mes doigts. Elle n'était décidément plus en aussi bonne état qu'avant, remarquai-je. Il faut dire qu'elle en avait pris des coups et qu'elle en avait fait du chemin depuis Fox River... J'essayais de la défroisser au maximum tout en me demandant si je pensais à la fleur ou à moi-même à cet instant.
— Si j'avais su que tu allais garder cette fleur si longtemps, je l'aurais faite plastifiée...
Je sursautai en apercevant Michael entrer dans la cabine et me redressai aussitôt. Plongée dans mes profondes réflexions, je ne l'avais pas entendu monter.
— Je te l'ai dis, je ne jette jamais rien, lui rappelai-je.
Il sourit et avança près du lit.
— Je peux ? demanda-t-il en désignant le lit de l'indexe.
— Bien sur.
Il s'assit près de moi et saisit la petite fleur en papier de mes mains.
— Elle a déjà bien vécu, remarqua-t-il.
— Oui mais je ne pensais même pas la revoir ! lui rappelai-je.
Grâce la jeune femme blonde qui nous surveillait LJ et moi lors de notre captivité, la petite fleur que j'avais fait tombée n'avait pas été perdue. Elle l'avais sans doute remis à LJ qui l'avait rendu à son oncle, me croyant morte. Quelle joie j'avais ressentie lorsque Michael me l'avait rendu ! me remémorai-je.
— Tu sais Sara, si tu devais encore la perdre, il est important que tu puisses en refaire une, m'expliqua-t-il.
— Je suis nulle en origami ! pouffai-je.
— Parce que le grand maître ne t'a jamais expliqué comment faire... plaisanta-t-il.
Je cherchais des yeux une feuille en papier et tombai sur mon bloc notes déjà bien noirci qui me permettais de noter les informations sur les porteurs. Je détachai une feuille et lui tendis.
— Est-ce que cette feuille est assez bien pour le grand maître origami ?
— Ça ira... répondit-il en souriant.
Il saisit la feuille et entreprit son tour de magie. Ses mains habiles commencèrent à plier la feuille en deux, puis encore en deux. Le papier plié formait désormais un petit carré. Il me montra comment le plier pour créer trois marques qui permettait de diviser le carré en trois parties. Il plia en angle droit la partie droite ce qui donna la forme incurvée à la fleur. Puis il ouvrit le carré en deux et entreprit de ramener la partie droite vers la marque du milieu ce qui révéla une première pétale. Il fit de même à gauche puis roula la feuille entre ses doigts pour la retourner et faire de même de l'autre côté. Michael prenait soin d'effectuer des gestes lents et précis pour que je puisse m'imprégner de la technique. Ses doigts agiles enroulèrent chacune des pétales dans sa main. La fleur commençait à prendre forme sous mes yeux ébahis. Je n'étais pas certaine d'être capable de tant d'habilité !
— Et voilà ! s'exclama-t-il après quelques dernières manipulations.
— C'est plutôt technique mais je suis contente d'avoir vu le maître à l'œuvre, souriais-je. Merci d'avoir partagé ton secret avec moi...
Michael déposa la fleur en papier à petits carreaux sur le lit à côté de lui et tourna la tête pour croiser mon regard. Il me sourit, satisfait de m'avoir rendu le sourire. Mon regard se perdit à nouveau dans l'océan de ses iris. Il hissa sa main et caressa lentement ma joue puis déposa ses lèvres sur les miennes. Je fermai les yeux pour profiter pleinement de ce baiser. Même si la mission passait bien sur avant nos désirs personnels, ces baisers étaient beaucoup trop rares à mon goût. Ses lèvres se décollèrent lentement. Je n'attendis pas qu'il reprenne complètement son souffle pour répondre à son baiser. Nos bouches dansèrent enfin à l'unisson nous rappelant la nuit unique que nous avions passé ensemble sur ce bateau. Son bras glissa derrière moi pour venir caresser mon dos de sa main et m'attirer davantage contre lui. Je sentis son cœur s'emballer contre ma poitrine. Mon désir grimpa en flèche à cet instant.
— Michael ! Sara ! appela une voix.
Nous étions décidément maudis... songeai-je en posant mon front entre celui de Michael qui avait encore les yeux fermés.
Il se redressa et sourit malgré tout.
— Oui Linc ?
— Tu devrais venir joli cœur, Self est là et il vient de nous apprendre un sacré truc.
Nous descendîmes sans attendre pour rejoindre l'équipe.
— Ah vous voilà tous les deux, lança Self en nous voyant. Mon équipe a analysé les photos et la vidéo de votre téléphone Michael et mes gars ont fait une sacrée découverte !
— Le dernier porteur ? interrogea Michael.
— Le dernier porteur, affirma Self. Qui se trouve être aussi le type que vous avez entendu dans le bureau d'Oren l'autre jour... Il se nomme Jonathan Krantz. C'est lui, notre fameux général ! Le type qui tire les ficelles de toute l'organisation, expliqua-t-il.
— Et c'est donc lui qui possède la dernière carte biensur, approuva Michael.
— J'enquête personnellement sur le chef de bande, indiqua-t-il. Mais je n'ai rien pu trouver pour le moment le concernant. Ce type est pire qu'un fantôme !
— Il va pourtant falloir lui voler sa carte à défaut de la copier... rappela Mahone.
— Quoi ?
— Rien Don, intervient Michael qui ne comptait visiblement pas balancer Roland.
— On a un plan pour ça, intervint Lincoln.
— Parfait, donc d'ici demain soir vous pensez pouvoir récupérer la carte ?
— On va tout faire pour, en tout cas, approuva Lincoln.
Self sembla rassuré lorsqu'il nous indiqua qu'il devait partir. J'ignorais de quel plan voulait parler Lincoln et je m'inquiétai qu'il n'ait répondu ça que pour avoir la paix.
— Tu as un plan ? l'interrogea aussitôt Sucre.
— Ouais j'ai un plan ! Ça t'étonne ?
— Ben pas vraiment... comme on a plus l'appareil du geek pour copier la carte, je me disais qu'on allait sacrément galérer !
Lincoln entreprit de nous expliquer comment il avait, lors d'une expérience passée, réussi à coincer un type dans sa voiture. Il s'agissait d'attendre au volant de notre voiture, planqué au coin d'une rue et de foncer tout droit dans le véhicule de notre cible pour provoquer un accident, tout simplement.
— C'est pas un peu bourrin cette méthode ! s'indigna Bellick.
— C'est surtout très risqué ! ajoutai-je. Quelqu'un d'entre nous risque d'être sacrément blessé !
— Ce ne sera pas "quelqu'un d'entre nous", Sara. Ce sera moi un point c'est tout. Je suis le seul à pouvoir faire ça, je l'ai déjà fait... Et puis si quelqu'un doit être blessé ce sera le Général, et dans ce cas, j'en aurais rien à foutre ! décida-t-il.
— Les flics risquent de rappliquer dans la minute, intervient Sucre.
— J'ai pas terminé, indiqua Lincoln. Nous aurons besoin de Self pour nous fournir une ambulance. Une équipe attendra dans le véhicule et transportera le général. Il n'y verra que du feux et on aura tout le loisir de lui voler sa carte.
Michael écoutait les explications sans intervenir. Lincoln s'en rendit compte et l'interpella.
— T'as mieux ?
— Non, pas vraiment, avoua-t-il.
— Alors qu'est-ce qu'on fait ? revint Sucre à la charge.
— On fait ce qu'à dit Lincoln, trancha Michael. Mais t'as intérêt à faire attention, ajouta-t-il en s'adressant directement à son frère.
— T'inquiète, les cascades, ça me connait !
Michael s'éloigna pour téléphoner à Self et lui demander de nous procurer une ambulance alors que nous continuâmes de discuter du plan.
* *
*
Cette intervention digne d'une cascade de cinéma promettait une sacrée prestation de la part de Lincoln ! Il risquait bien d'y laisser des plumes cette fois, m'inquiétai-je.
Je décidai d'aller le voir pour m'entretenir avec lui mais je ne le trouvai pas dans la salle principale. Je jetai un coup d'œil à l'étage vers les dortoirs mais ne le trouvai pas non plus. C'est lorsque je sortis que je le trouvai dehors, assis sur une caisse de marchandises, le regard perdu vers l'horizon.
— Lincoln ?
Il se retourna pour me regarder.
— Mh ?
— Ça n'a pas l'air d'aller. Si tu as peur que ton plan...
— Non ce n'est pas le plan Sara, me coupa-t-il. Ça n'a rien à voir avec le plan.
— Okey, alors que se passe-t-il ?
Il tourna à nouveau la tête pour scruter l'horizon d'un regard triste.
— C'est Michael.
Mon cœur se serra dans ma poitrine sans savoir pourquoi.
— Il ne va pas bien, ajouta-t-il.
— Je le sais bien Lincoln mais il se dérobe à chaque fois que je lui en parle et il continue à prétexter qu'il va bien.
— Je suis allé le voir tout à l'heure pour savoir si Self était okey pour nous trouver une ambulance... Il saignait du nez. Encore.
Mon regard fut aussitôt animé par la même inquiétude que celui de Lincoln.
— Tu m'avais déjà dit l'avoir vu saigner, n'est-ce pas ? demandai-je d'une petite voix.
— Oui Sara, mais je ne t'ai pas tout dit.
Je fronçai les sourcils, de plus en plus stressée par la tournure que prenait notre conversation. J'avançai pour être à sa hauteur et le forçai à me faire face.
— Qu'est-ce que tu ne m'as pas dit Lincoln ?
— Est-ce que Michael t'a déjà parlé de notre mère ?
Je réfléchis une seconde.
— Pas vraiment, réalisai-je. Je sais simplement qu'elle est décédée lorsque vous étiez enfants.
— Michael et maman avaient la même faculté à tout analyser tout le temps, ils étaient tout le temps sur la même longueur d'ondes... Mais elle a commencé perdre la tête à cause d'une tumeur au cerveau. Elle nous disait qu'elle saignait souvent du nez quand elle était petite mais les saignements sont réapparus lorsqu'elle a eu la trentaine et n'ont fait qu'amplifier. En fait, elle est morte quelques mois plus tard d'une rupture d'anévrisme.
Mon ventre se noua. Je ne voulais pas entendre ce qu'il voulait me dire.
— Tu as peur que le scénario se répète n'est-ce pas ?
— Michael saignait du nez quand on était ado et puis ça s'est arrêté. Mais depuis qu'on est là et malgré toutes ses précautions pour le cacher, je vois bien que ça recommence.
— A quel âge votre mère est-elle morte Lincoln ?
— Trente-et-un ans, répondit-il sans réfléchir.
— Et Michael a...
— Il vient d'avoir trente-et-un ans, compléta-t-il.
Mon cœur faisait cette fois des bonds dans ma poitrine. Il devenait douloureux, m'empêchant de respirer à mon aise. J'étais bouleversée de réaliser ce que Lincoln était entrain de me dire.
— Ne t'inquiète pas Lincoln, il est hors de question que Michael suive le même chemin que ta mère. Il va se soigner... Je te promets que je ferai tout pour qu'il se soigne.
Sur ces mots, je fis volte face et fonçai tête baissée droit vers le hangar. Je courrais presque. J'arrivai en trombe vers la table de réunion où je trouvai Michael occupé à étudier des documents.
— Ce n'est qu'une partie du petit livre de Whistler, m'expliqua-t-il. Susan m'a donné la première partie pour que je l'analyse. Elle a le reste, pour s'assurer qu'on travaille ensemble.
— Michael, j'ai besoin de te parler.
— Je suis désolée de devoir t'imposer Susan, Sara.
— Ce n'est pas de Susan qu'il s'agit... lui indiquai-je.
Michael n'insista pas et se leva pour me suivre. Une fois à l'écart du groupe, j'explosai.
— Depuis quand est-ce que tu saignes du nez ?
En entendant mes mots, Michael soupira.
— Alors il n'a pu garder ça pour lui...
— Ne t'avise pas d'aller enguirlander ton frère. On sait tous les deux que Lincoln n'est pas un fan des confessions. S'il s'est confié à moi c'est parce qu'il est rongé par la peur, ça saute aux yeux !
— Eh bien il a tort d'avoir peur.
— Ta mère avait apparemment les mêmes symptômes que toi et elle est morte d'une tumeur au cerveau ! lui rappelai-je hors de moi.
— Ça aussi, il aurait mieux fait de le garder pour lui...
— Quand est-ce que tu comptais m'en parler ? Lincoln t'a peut-être sauvé la vie en se confiant, objectai-je. Car maintenant que je suis au courant, je peux t'assurer que tu vas aller voir un médecin, Michael !
— J'ai la chance justement d'être accompagnée d'un médecin... me sourit-il.
— Michael, je n'ai pas envie de rire, le repris-je. Je te parle de médecins spécialisés, d'examens et d'analyses... Tu ne peux pas rester comme ça sans te soigner !
— Voilà, nous rencontrons précisément la situation que je souhaitais éviter à tout prix...
— Quelle situation ?
— Celle-ci ! Je ne voulais pas que tu t'inquiètes et toutes ces histoires ont réussi à te faire peur. Je ne vais pas mourir Sara !
Je reculai d'un pas pour le toiser. Son visage révélait une mine plus pâle que jamais, ses yeux étaient cernés et ses traits tirés. Il fallait être aveugle pour ne pas voir qu'il allait mal malgré toute l'énergie qu'il mettait à faire croire le contraire.
— Tu ne peux pas me faire ça... gémis-je.
— Quoi ? Qu'est-ce que je ne peux pas faire Sara ?
— Refuser d'admettre... alors que ça crève les yeux ! Ne pas te battre pour nous... Tu ne peux pas faire ça, répétai-je, en colère.
— Je me bats pour nous Sara ! Je ne fais que ça... Nuit et jour, je mets toutes mon énergie au profit de cette mission pour qu'on puisse enfin en finir avec toute cette histoire et vivre enfin heureux toi et moi.
Ses mots me touchèrent évidemment. J'aurais donné n'importe quoi pour que son souhait se réalise.
— Mais si tu ne te soignes pas, même si nous finissions par venir à bout du Cartel, nous ne vivrions pas heureux bien longtemps ! m'emportai-je.
— Okey, j'ai compris, Sara. Tu es inquiète. Je suis désolé, d'accord. Je ne voulais pas que Linc te raconte tout ça parce que je savais que tu te mettrais en tête que je pouvais finir comme ma mère.
Il saisit mon menton entre ses doigts, m'obligeant à relever la tête et à le regarder.
— Ce n'est pas le cas d'accord ? continua-t-il en plongeant son regard dans le mien. Et je vais aller voir un médecin, si cela peut te rassurer.
— Merci, soufflai-je, heureuse de l'avoir convaincu.
Il m'ouvrit ses bras pour m'accueillir contre lui. Je ravalai ma colère pour m'y engouffrer comme pour assouvir un besoin vital. Après tout ce que nous avions vécu... il était impensable que je me passe de lui.