Je ne saurais dire avec exactitude depuis combien de temps je courrais, mais suffisamment pour que mon corps ressente des difficultés et ai du mal à suivre. J'étais à bout de souffle et j'avais peine à maintenir la cadence. L'adrénaline nous procure une réserve d'énergie insoupçonnée, l'instinct de survie, nous faisant faire ce que nous croyons impossible. Mais il était question de mental et lorsque le physique ne suit pas, tout tombe. C'est ainsi que ma course se finit où mon corps atterrit lourdement au sol. Mes jambes n'arrivaient plus à suivre alors que je réalisais que la mort se trouvait à quelques mètres de moi. Le bruit d'un chargeur me paralyse.
— Pour toi c'est fini.
Les membres de mon corps tremblaient, il allait vraiment me tuer. D'un geste lent je tourne la tête pour voir cet homme. J'étais dans son viseur et il ne lui restait plus qu'à tirer. C'était la deuxième fois que je me retrouvais face à la mort et j'étais moins sûre d'y survivre à nouveau. La mort voulait-elle vraiment de moi ?
J'étais parfaitement immobile et à sa merci. Mes mains tremblantes se levèrent pour essayer une stupide chance de négociation, capituler ma vie. Mais c'était inutile, son regard ne me trompait pas, il avait le même que ce terroriste. Il allait tirer, c'était sa mission et il l'a respecterait. Versant des larmes je fermai les yeux, là où les images de la place me revenaient à l'esprit. Cette sensation grandissante et indescriptible de pouvoir s'éprenait une nouvelle fois de moi, et je m'y accrochais fermement. Elle m'avait sauvé une fois, je la sentais m'entourer d'un voile protecteur avec quoi je me sentais invincible. Lorsque la fameuse détonation retentit j'ouvrai les yeux sans aucune peur.
La balle s'était stoppé à quelques centimètres de mon visage. Le temps lui-même s'était arrêté. Je me souviens à présent, de cette façon dont j'avais survécu. Si l'explosion ne m'avait pas atteint c'est parce que le temps c'était arrêté, là où frénétiquement je m'étais éloignée de cette place tout en voyant le monde figé devant moi ainsi que toutes les personnes qui allaient y laisser leurs vies.
Je me redresse maladroitement, tout en observant cette balle qui m'aurait coûté la vie. Si je ne faisais rien, il s'en chargera volontiers une seconde fois. Etrangement, au même moment je ressentais un sentiment que je n'avais jamais ressenti auparavant. Quelque chose de sombre, qui me poussait à agir contre mon instinct. Il n'était plus question de survivre, mais de se battre. Et si j'avais pu le faire ce jour-là sur cette place, si j'avais pu sauver ces personnes d'une quelconque manière, je l'aurai fait, même si pour cela je devais commettre un acte irréparable.
Ma main près de la balle je l'observais intensément, puis d'un geste vif je la renvoie à son propriétaire, où au même moment, le cours du temps semblait être revenu à la normale. Le corps de l'homme tombe au sol dans un cri étouffé. C'est à ce moment-là que je me rendis compte, que je venais de tuer pour la toute première fois de ma vie, un homme.
Les cris de ses acolytes au loin se faisaient entendre, je ne pouvais pas rester là plus longtemps. À bout de souffle, je continuais ma route. J'avais l'impression d'être dans un de ces fameux cauchemars où tu espères qu'il se finit vite pour te sentir soulagé que tout cela était irréel. Pour me rendre compte que je n'avais pas ce pouvoir en moi, que je n'avais pas survécu à un attentat et que je n'avais pas tué cet homme.
Un grand portail noir se dessina au loin me ramenant à la réalité. Non je ne rêvais pas, et je devais me sortir de là, rapidement.
Arrivée devant celui-ci, je me mis à taper de mes dernières forces, mes poings contre le portail, à répétition suppliant que l'on m'ouvre. Celui-ci dans un grincement finit par s'ouvrir, derrière lui, un homme et une femme qui me regardaient curieusement.
— S'il vous plaît, aidez-moi !
Mes jambes se dérobaient sous mon poids, je n'avais plus de force. Je voyais les tremblements incessants de mon corps. La seule chose que je réussis à faire et de désigner derrière moi les personnes qui comptaient me tuer.
La jeune femme aux longs cheveux blancs s'avança sans aucune peur. Cette prestance me sécurisa instantanément, j'en restai parfaitement immobile. Je m'apprêtai à me prononcer lorsque ses iris d'un bleu éclatant se plongèrent dans les miennes. Elle fronçait brièvement les sourcils, jusqu'à ce que son attention se porte en mon dos.
Aussitôt derrière moi de longs hurlements me glaça le sang. En tournant le visage, les deux hommes qui me suivaient se transformaient peu à peu en statues de glaces, dans de longs cris d'agonies.
Un raclement de gorge me fait relever le visage. Il s'agissait de l'homme qui s'avançait d'une démarche nonchalante, tout comme la jeune femme précédemment. Sa musculature apparente se dessinait à travers son t-shirt noir, tandis que ses yeux ambre me scrutaient un long moment. Son pas se stoppe à ma hauteur, j'humidifie par gène mes lèvres alors qu'il continuait de me dévisager. Il finit par sortir les mains de ses poches, un léger rictus s'extirpait de ses lèvres. Puis en un claquement de doigts, les deux statues derrière moi explosèrent, me faisant sursauter.
Je fais quelques pas en arrière, traînant mon corps exténué sur le sol. Mon regard ne les lâchait.
— Vous êtes qui ?!
— C'est plutôt à nous de te dire ça ?
Les mots de Sébastien résonnèrent dans mon esprit, son regard, sa voix, ses explications.
— Un homme du nom de Sébastien m'a fait sortir de prison, notre voiture a eu un accident et des hommes armés sont arrivés. Il m'a dit de courir dans cette forêt et de trouver un portail noir, avant de me présenter comme étant la nouvelle recrue mais je ne...
— Toi la nouvelle recrue ?
L'homme aux yeux d'ambre éclate de rire tout en me désignant d'une main. Je serre les dents en sentant la colère s'éprendre de moi. Après tout ce qu'il venait de se passer il osait rire de cette situation ?
— C'est bon fait la rentrer.
Le temps semblait s'être une nouvelle fois figé, où plutôt reculé face à la venue de cet homme. Tremblante je me redresse suppliant mon intérieur qu'il s'agissait d'une énorme coïncidence où bien d'une blague de très mauvais goût.
— Sébastien ? Qu'est-ce que tu fais là ?! je te croyais...
L'homme aux cheveux blonds fronçait ses sourcils montrant qu'il ne comprenait visiblement pas ce que je venais de lui dire. Quelques secondes après il sorti son téléphone de la poche de son jean noir.
— D'ailleurs il est où Sébastien ? Si il t'accompagnait ? Ajouta la jeune femme qui regardait en direction du portail.
Je ne réalisais pas ce qu'il se passait, qui étaient ces personnes et pourquoi Sébastien m'avait demandé de les rejoindre. Et cet homme qui était sa copie conforme.
— Bon vient ne reste pas dehors.
L'homme à mes côtés me prit de force le bras en m'entraînant vers l'intérieur, d'un geste vif je me dégage de lui tout en le dévisageant du regard.
— Je sais marcher toute seule pas besoin de ton montrer si abrupt.
Son visage montrait de la surprise face à ma réaction. Il penchait un instant sa tête sur le côté tout en me regardant, avant de finalement s'écarter pour me laisser entrer. Mes pieds buttèrent devant cette immense bâtisse aux murs en bois blancs, en l'y regardant de plus près elle était vraiment très impressionnante, ressemblant à ces grandes maisons de Louisiane.
L'intérieur était tout aussi beau que l'extérieur. Nous arrivions directement dans un hall très spacieux. Le sol fait de marbre au design de damier noir et blanc rendait le tout assez moderne trompant la façade extérieure. Un grand lustre de cristal était suspendu au-dessus d'un gigantesque escalier en bois. Sur ma gauche se trouvait un salon grandeur hors norme. Tout ici semblait disproportionné face à ce que j'avais pu connaître auparavant.
Les meubles aux teints beiges et les murs blancs donnaient à cette pièce une ambiance chaleureuse et réconfortante. Quant à la salle de droite, il s'agissait de la cuisine à la teinte grise métallisée et aux meubles derniers cris.
— Je vais te montrer ta chambre suis moi, ajouta la femme aux cheveux blancs, qui était déjà à la deuxième marche des escaliers.
— Attend, pourquoi devrais-je rester ici ?
— Tu préfères retourner dehors ?
Je regarde par réflexe la porte d'entrée et croise de nouveau le regard ambre de l'homme qui venait à entrer. Je m'immobilise en l'observant, il fait de même toujours la main sur la poignée. Puis d'un haussement d'épaules part vers la cuisine. Je soupire et me résigne à suivre la jeune femme. Si je retournais dehors je mourrai certainement, et je n'aurai pas les réponses à mes questions, à commencer par ce que j'étais.
La maison était visiblement construite sur deux étages. Et ma nouvelle chambre si j'en suivais la femme devant moi, se trouvait au dernier, au bout du couloir. Vivre dans un tel endroit était très différent de ce que j'avais pu connaître. Depuis que mon père était à l'hôpital, cela devenait compliqué pour pouvoir manger à sa faim, entre les frais d'hospitalisation, le loyer de l'appartement et le prix de mes études, que j'avais plus ou moins abandonnées.
Quand j'entre dans la pièce, je ne m'attendais pas à découvrir un lieu aussi luxueux que celui-ci. Je m'avance timidement pour me placer au milieu de la pièce tout en regardant attentivement autour moi.
La pulpe de mes doigts touche doucement le bois d'acajou des meubles. Je n'en revenais pas. La taille de cette chambre était bien plus grande que mon ancien appartement. Je finis par m'assoir sur le lit qui rebondit légèrement à mon poids. La texture soyeuse du couvre-lit me donnerait presque envie de m'y prélasser confortablement. Mais je préférais garder une certaine tenue.
— Alors ta chambre te plaît ?
— Je...
— Ne tant fais pas, c'est chez toi maintenant.
— Quel est cet endroit et qui êtes-vous ?
— Disons que nous sommes différents des gens normaux, et ce lieu est justement un institut réservé à ce genre de personnes possédant des pouvoirs surnaturels comme nous.
— Des personnes surnaturelles...
Je le savais, que quelque chose chez moi s'était éveillé. Ce don que j'ignorais totalement avoir ces dix-huit dernières années.
— Max fera un débrief tout à l'heure, repose-toi tu en as bien besoin, dans la pièce d'à côté se trouve une penderie, en réalité ceux sont mes vêtements qui sont dedans, mais que je ne porte plus et visiblement on fait à peu près la même taille, si tu veux en changer nous en prendrons d'autre.
— Merci...
— Je te laisse, ah au fait, moi c'est Dove.
— Enchantée, je suis Charlie.