Lorsqu'Anna se réveilla, elle avait mal à la tête. « Pas encore... ». Fallait vraiment qu'elle arrête de boire. Elle voulut s'étirer, mais un poids retenait ses bras contre son torse. Elle se retourna, pour se trouver nez à nez avec un Fili endormi. Complètement surprise et attendrie par la vision, elle le contempla un instant. On aurait dit un petit bébé paisible. Un bébé avec des moustaches tressées. Elle allait enlever délicatement le bras qu'il avait passé autour d'elle pendant la nuit quand elle entendit la porte de sa chambre s'ouvrir.
Lorsque Dwalin vit sa protégée allongée dans les bras du blond, il ouvrit grand les yeux. Anna vit ses muscles se contracter. Il avança à pas lourds et rapides vers le lit, et empoigna sauvagement l'héritier de Thorin.
-Dwalin, non ! Ce n'est pas ce que tu crois !
-Je crois ce que je vois !
Fili, secoué, s'était réveillé et essayait désespérément d'échapper à Dwalin.
-Je te faisais confiance ! rugit le guerrier à l'encontre du blond.
-Je n'ai rien fait ! Elle s'est endormie sans me lâcher, je n'avais pas le choix !
-C'est ça oui ! Et tu penses que je vais te croire !
-Dwalin, espèce de tête de pioche ! Tu ne crois pas que si j'avais couché avec lui on aurait un peu moins de vêtements sur nous à l'heure qu'il est ? hurla Anna.
Dwalin, un peu surpris, prit le temps d'y réfléchir. Effectivement, elle n'avait pas tort.
-Et ce que j'ai raconté hier, ce n'était pas vrai hein ! Faut pas écouter tout ce que je dis...
-Ce que tu as raconté hier ? releva Dwalin.
Anna devint aussi blanche qu'un cachet d'aspirine. Elle se tourna vers Fili avec une grimace peu rassurée.
-Tu ne lui avais pas mentionné ça ?
-Mentionné quoi ?
-Tu sais, ce que j'ai dit sur les nains, toi, moi, tout ça...
Fili pâlit et se mordit la lèvre inférieure. Anna sortit prudemment du lit et s'approcha de Fili, que Dwalin avait fini par lâcher.
-Qu'est-ce que tu as dit ? questionna Dwalin, mortellement sérieux.
-Je suggère la fuite, fit Fili.
-Approuvé, répondit Anna.
Et sans demander leur reste, ils piquèrent un sprint vers la sortie. Ils déboulèrent en courant dans la grande salle, et disparurent dans les écuries avant que Dwalin ne les attrape. Réellement terrifiés à l'idée de se faire passer un savon par Dwalin, Fili et Anaïs plongèrent sous la paille pour se cacher. Blottis l'un contre l'autre sous le foin, ils chuchotèrent.
-Tu crois qu'il nous a vus ? demanda-t-elle.
-Je ne pense pas... Mais on devrait rester là encore un peu.
-Oui.
-Au fait, hier je n'ai pas eu le temps de te demander, mais pourquoi tu avais dit ça ?
-De quoi ?
-Les nains, toi, moi, tout ça, dit-il en la singeant.
Elle devint écarlate et regarda ailleurs. Fili continuait à la fixer, attendant une réponse.
-Dans mon monde, je me suis déjà faite aborder par des piliers de comptoirs éméchés. En général, quelques répliques cinglantes suffisent à aller les faire jouer ailleurs. Je me suis dit que ceux-là étaient pareil, alors j'ai voulu leur faire croire qu'ils ne pourraient pas rivaliser avec toi. J'espérais surtout que ça nous donnerait une issue de secours, mais ça n'a pas marché.
Fili la fixa, interloqué.
-Ce qui n'explique pas pourquoi tu leur as dit que tu couchais avec moi ! s'énerva Fili.
-Rho, on ne va pas en faire un scandale, le rembarra Anna. On s'en fout, vu que ce n'est pas vrai. J'ai dit le premier truc qui m'est passé par la tête ! N'en fais pas un drame personnel !
-Justement si, j'en fais une affaire personnelle ! répliqua Fili. Tu leur as dit que tu couchais avec moi !
-Et alors ? Ce n'est pas comme si c'était une réalité ! s'énerva Anna. Je te rassure, aucune chance que ça arrive réellement, tu peux rester tranquille !
Et avec ça elle sortit de leur cachette à grands pas furieux. Fili tenta de la rattraper mais elle avait déjà disparu à l'intérieur. Les paroles de Balin lui revinrent en mémoire.
-T'es vraiment un champion... grommela-t-il.
Il rentra dans l'auberge à son tour, la cherchant pour s'excuser, mais Dwalin lui barra le passage.
-Maître Dwalin, je dois aller parler avec Anna.
-Ça non, mon gars, n'espère même pas l'approcher ! tonna le guerrier.
-C'est important !
-Alors tu aurais dû lui dire quand vous courriez dehors, avant qu'elle ne rentre furieuse et en larmes !
Avec ça le guerrier tourna les talons, laissant un Fili abasourdi. Il se prit la tête à deux mains.
-Et merde !
Anna était remontée en vitesse dans sa chambre. Elle savait qu'elle pleurait mais elle s'en fichait. Quel con ! Il ne pouvait pas juste rire de la situation, ou passer à autre chose ? Quel con ! Elle enleva sa jupe et sa chemise, se rafraîchit rapidement et remit ses vêtements à elle. Elle attrapa son sac, et sortit l'accrocher à la selle de Dwalin. Elle revint à l'intérieur et prit son petit déjeuner en silence en compagnie des autres. Kili jetait des regards inquiets entre Anna et Fili, qui semblaient être d'humeur massacrante ce matin.
Lorsque Thorin donna le signal de départ, Anna se dépêcha de sortir et monta derrière Dwalin sans jeter un regard au blond. Celui-ci était partagé entre le désespoir et la rage. Désespoir de ne plus avoir l'amie qui riait avec lui et son frère et lui parlait de contrées lointaines et fabuleuses, rage parce qu'elle ne lui laissait même pas l'occasion de se racheter. Dégoûté, il grimpa sur sa propre monture et choisit de se placer tout à l'arrière de la file, le plus loin possible de la source de ses pensées.
Anna aussi ne cessait de penser au blond, même si jamais elle ne l'aurait avoué. La journée fut morose et monotone. Ils s'arrêtèrent sur un promontoire, et après avoir laissé à Dwalin le soin de l'entraîner pendant une heure, elle s'approcha de la falaise pour observer le paysage. C'était magnifique, de grandes étendues vallonnées qui semblaient s'embraser à cause du soleil couchant. Elle sourit face à la nature.
-C'est beau, hein ? fit une voix non-loin d'elle.
Son sourire disparut aussitôt. Elle ne jeta même pas un regard à Fili, et tourna les talons en direction du feu.
-Anna, attends ! la supplia Fili.
Serrant les poings, elle accéléra pour aller trouver Dori. Elle préférait avoir une leçon de bonnes manières plutôt que de parler avec lui !
-Vas-y, lança alors Fili, hautain. J'aurais dû te laisser là-bas dans cette rue !
Anna se figea près de son poney. Elle sentit la haine, l'amertume et le regret l'envahir. En un éclair, elle saisit son arc, une flèche, et se retourna en tirant sur Fili.
Ce fut comme au ralenti. Plus personne ne bougeait. Ils fixaient, inquiets et interloqués, Anna qui venait de lâcher une flèche sur le prince blond. La flèche fusa en ligne droite vers le visage de Fili, et finalement passa à quelques millimètres de sa joue droite avant de couper une mèche de cheveux tressée.
-La prochaine ne coupera pas seulement des cheveux, fit froidement Anna en rangeant son arme.
Fili n'osait plus bouger. Balin le fixait avec un air réprobateur. Dwalin le dévisageait comme s'il avait envie de le désosser. Thorin le regardait avec déception. Kili secouait la tête, déçu lui aussi. Les autres membres de la compagnie semblaient du même avis. Fili partit à grands pas entre les arbres pour s'aérer l'esprit. Anna alla s'asseoir près du feu, serrant son manteau autour d'elle. Dwalin s'approcha.
-Non, dit-elle simplement.
Il hocha la tête et recula. Chacun s'activait à la tâche qui lui avait été assignée. Bofur distribua les écuelles de ragoût préparé par Bombur. Anna mangea en silence avant de s'allonger et de s'endormir près des flammes.
Elle n'entendit ni le cri effrayant, ni la blague des deux frères, ni Balin raconter la tragique bataille d'Anazulbizar. Elle ne se réveilla que quelques heures plus tard, en sueur, se débattant contre des mains invisibles, haletante, les larmes roulant sur ses joues. Bofur, qui était de garde, se précipita près d'elle et la serra gentiment contre lui.
-Shh... Shh... C'est fini, ce n'était qu'un cauchemar. C'est fini. Je suis là. C'est fini.
Anna finit par se calmer, et accepta avec gratitude le thé que Bofur lui prépara en vitesse.
-Tu sais, j'aimerais te dire que je te comprends, mais c'est faux, commença-t-il. Je n'ai jamais vécu ce que tu as vécu, je ne sais pas ce que tu as traversé. Mais rappelle-toi ceci. Nous avons tous notre fardeau, quel qu'il soit. Et si je peux t'aider à porter le tien, même rien qu'un petit bout, je t'aiderai avec plaisir.
Elle hocha la tête en lui renvoyant un faible sourire.
-Et quoique tu en penses, je sais que cet imbécile ne pensait pas ce qu'il disait hier. Il a parlé sous le coup de l'émotion. Ça ne l'excuse pas, mais quand même.
Anna haussa moqueusement les sourcils.
-Ne sois pas trop dure avec lui... Ni avec toi-même d'ailleurs. Bande d'aveugles.
Anna le regarda avec surprise, ne comprenant pas ce qu'il voulait dire. Il secoua la tête en souriant, comme s'il savait quelque chose qu'elle ne savait pas. Elle s'étira, et rangea ses affaires. Le reste de la troupe ne tarda pas à s'éveiller, et ils repartirent.
La journée fut pluvieuse, ce qui n'arrangea pas le moral déjà bien entamé des troupes. Anna s'était entièrement planquée sous la cape de Dwalin dans son dos, se collant à lui pour ne pas prendre froid. Elle ferma les yeux, se laissant bercer par le pas régulier de son poney et le bruit apaisant de la pluie. Finalement la pluie cessa en milieu d'après-midi, et peu après Thorin les stoppa près d'une maison en ruine.
-On va passer la nuit ici, annonça-t-il. Fili, Kili, occupez-vous des poneys. Et surtout restez près d'eux. Oïn, Gloïn, faites-nous un feu.
Anna descendit de poney et récupéra ses affaires. Elle vit Gandalf passer en coup de vent et partir. La voix de Thorin les sortit de leur torpeur.
-Dépêche-toi Bombur, on a faim.
Anna alla s'asseoir à côté de Dwalin en silence, attendant le dîner. Elle fut la première servie et avala en vitesse son écuelle. Bofur la rattrapa par l'épaule avant qu'elle n'aille se coucher.
-Tiens, soit gentille, apporte ça aux gars.
Anna allait protester, mais Bofur la poussa vers la forêt où les deux princes surveillaient les poneys. Elle partit en grommelant avec ses écuelles, et fut heureuse que Bilbo l'accompagne. Ils arrivèrent au niveau des deux frangins, et Anna leur mit les écuelles sous le nez, mais aucun ne bougea, leurs regards fixés sur l'horizon.
-Les gars ! C'est l'heure du dîner ! les appela Anna.
-Que se passe-t-il ? demanda Bilbo.
-Nous devons surveiller les poneys, lança Kili.
-Seulement nous avons un... léger problème, ajouta Fili.
-T'façon t'es incapable de surveiller quoi que ce soit, grommela Anna.
Fili lui envoya un regard noir avant de reprendre.
-Nous en avions seize... et maintenant il y en a... quatorze.
Ils firent un tour pour recompter les poneys.
-Daisy et Bumgo ont disparus, annonça finalement Kili.
Pendant que Bilbo blablatait, Anna remarqua le tronc déraciné. Elle s'approchait quand Fili se baissa légèrement.
-Hé, y'a une lumière ! Venez.
Kili et Anna le suivirent en sautant habilement par-dessus le tronc. Bilbo suivit, avec moins de classe mais tout de même.
-Baissez-vous ! leur ordonna Fili.
Anna faillit protester mais se retint, ce n'était pas le moment de faire une scène. De grosses voix pouvaient être entendues.
-Qu'est-ce que c'est ? demanda Bilbo.
-Des trolls, répondit Kili avec hargne.
"Génial, donc les trolls existent aussi. Il ne manquait plus que des elfes et la fête est complète." Anna secoua la tête et suivit les deux frères le plus discrètement possible, laissant à Bilbo le soin de prendre les écuelles. Ils couraient entre les buissons quand Kili attrapa Anna au vol et la plaqua contre lui en lui mettant la main sur la bouche. Anna voulut se débattre mais le troll qui passa tout près la calma instantanément. La créature avait deux autres poneys sous les bras. Lorsque Bilbo parla d'aller secourir les poneys, Anna acquiesça et saisit son arc, qu'elle avait heureusement gardé sur elle.
-Je monte dans un arbre et je vous couvre, fit-elle.
Fili et Kili disparurent avec leur dîner pendant que Bilbo avançait avec hésitation vers le camp des trolls. Anna de son côté s'était précipitée sur la gauche, et grimpa en serrant les dents dans un arbre, et encocha une flèche. Elle prit le temps de détailler les grosses créatures, et remarqua Bilbo qui était juste derrière l'une d'elles !
-Quel boulet, il va se faire attraper, marmonna Anna.
Elle rangea sa flèche et descendit de son arbre. Elle resta cachée derrière un buisson, et ré-arma son arc. Bingo, Bilbo était maintenant dans la main d'un des trolls. Elle attendit quelques secondes avant de sauter dans la clairière. Le troll jeta Bilbo par terre et Anna en profita pour bondir et tirer sur les trolls.
-Pas touche à mon poooooooote ! hurla-t-elle en passant à l'attaque.
Elle tira six flèches qui trouvèrent leurs cibles avant de se faire attraper à son tour. Au moins Bilbo s'était échappé. Le troll la secouait quand quelqu'un sortit des fourrés et abattit son épée sur le pied d'un autre troll. Anna reconnut les cheveux de Kili.
-Lâche-la ! cria ce dernier.
Ouh, il paraissait bien remonté contre les trolls [et ça ne fait qu'ajouter à son côté sexy... Hein ? oh pardon, excusez-moi j'avais fait un arrêt sur image pour contempler... on reprend].
-Qu'est-ce que t'as dit ? demanda un des trolls.
-J'ai dit : lâche-la, abruti !
Anna se sentit voler, avant d'atterrir sur Kili avec autant de grâce qu'un hippopotame boiteux. Les nains, menés par Thorin, sortirent alors du buisson où ils étaient cachés pour attaquer les trolls.
S'ensuivit une bataille épique et assez surréaliste. Anna s'était reculée et tirait ses flèches comme elle pouvait, car les nains se mettaient sans cesse sur ses trajectoires. Elle ne vit donc pas un des trolls s'approcher et l'empoigner par les jambes. Elle fut à moitié écartelée dans les airs par deux trolls, face à la compagnie.
-Anna ! s'écria Kili, prêt à foncer vers elle.
-Non ! fit Thorin en le retenant.
« Quoi ? paniqua intérieurement la jeune fille. Il ne va quand même pas me laisser là... ».
-Jetez vos armes, commanda le troll. Ou on en fait des miettes.
La compagnie jeta ses armes au sol, et une partie fut entassée dans des sacs, pendant que l'autre était attachée à la broche et avait été mise à rôtir. Seule Anna était encore emprisonnée dans le large poing d'un des trolls. Il la prit par les jambes, la secouant au-dessus de sa tête.
-Eh, il est bizarre celui-là, fit le troll. Il n'a pas de barbe.
-Lâche-moi gros tas ! cria Anna.
-Les gars, regardez ! fit-il en la secouant encore plus. Je crois que c'est une femelle !
-Je suis une femme, abruti !
-Ouh, ça couine fort, met-la dans un sac, lança un autre troll.
Seulement, à force d'être secouée, Anna avait la nausée, et... recracha l'intégralité de son dîner sur le troll. Celui-ci la mit dans un sac et la balança sur le tas. Elle atterrit sur Thorin avec un grognement sourd.
-Vraiment désolée, dit-elle.
Le leader voulut lui dire quelque chose, mais il remarqua ses yeux fermés.
-Anna ? l'appela-t-il discrètement. Anna !
Rien à faire. Elle s'était évanouie. Cela lui évita d'avoir droit à la discussion des trolls et au début de l'intervention de Bilbo. Elle reprit connaissance et la première chose qu'elle entendit fut Kili qui hurlait :
-J'ai les plus gros parasites du monde !
-Gné ? fit-elle en ne comprenant pas grand-chose.
-Que l'aube vous saisisse tous ! tonna alors Gandalf.
[Dis voir papy, ça te dérangerait de prévenir avant de débarquer comme ça dans mon histoire ? Nan parce que globalement tu fous le bordel hein ! Y'en a marre de tes interventions en mode « j'suis trop classe appelle-moi Gandalf », tu fous tout mon scénario en l'air ! Alors maintenant tu t'écrases dans un coin et tu me laisses continuer.]
-Qui c'est ça ? fit le troll.
-Aucune idée.
-Il se mange lui aussi ?
Gandalf fendit alors le rocher avec son bâton et le soleil inonda la clairière, transformant les trolls en pierre. La compagnie éclata en cris joyeux, et ils se remirent sur pieds.
Thorin leur ordonna immédiatement de chercher la caverne des trolls.
Tensions entre Fili et Anna... La situation n'est pas simple, pour l'un comme pour l'autre.
Dans le prochain chapitre, un invité surprise, et... NON ! pas ça ! C'est tellement horrible...
Chapitre relu et corrigé.