Tous les nains s'étaient agglutinés dans le vestibule. Anna resta cachée derrière Fili et Kili, attendant sagement que Bilbo ouvre la porte. Ce dernier s'exécuta, et tous découvrirent un autre nain. Mais celui-ci avait quelque chose de plus... imposant que les autres.
-Gandalf, salua-t-il. Vous aviez dit que l'endroit serait facile à trouver. Je me suis perdu, deux fois. Je ne l'aurais jamais trouvé s'il n'y avait pas eu le signe sur la porte.
Pendant que le nouveau, Gandalf et Bilbo parlaient, Anna murmura.
-C'est qui ?
-Notre oncle, Thorin Oakenshield, fils de Thrain, fils de Thror, roi légitime d'Erebor.
Oh, rien que ça. Anna tira sur la manche de Fili.
-Votre oncle est roi ? Ça fait de vous quoi, des princes ?
-Bah oui.
C'est sûr que ça paraissait évident... Des princes. Génial.
-Anna, approchez je vous prie, fit Gandalf, la tirant hors de ses pensées.
Anna déglutit et sortit de la foule. Le nouveau venu en imposait VRAIMENT. C'est vrai qu'il avait l'air royal... Elle trouva chez lui le même charisme que chez Fili.
-Anna, je vous présente le chef de la Compagnie, Thorin Oakenshield.
Le concerné inclina la tête. Anna décida de s'en tenir aux vieilles habitudes. Elle s'inclina respectueusement en se présentant.
-Anna, pour vous servir.
-Gandalf... commença Thorin, ennuyé.
-Elle a le bracelet, le coupa Gandalf d'une voix grave.
-Quel bracelet ?
-Anna, montrez-lui.
Elle fouilla dans sa poche et en sortit le fameux bracelet de l'héritier machin-chose. Thorin se figea, les yeux ronds.
-Où avez-vous trouvé cela ?
On aurait dit qu'il avait vu un fantôme.
-Je l'ai... eu hier soir, expliqua-t-elle.
-Vous savez ce que cela implique, Thorin, ajouta Gandalf.
-Mais est-ce qu'elle pourra se défendre ? Ce n'est pas une promenade !
-Je la protégerai Oncle Thorin ! Je la défendrai dans les Terres Sauvages !
Les deux frères étaient intervenus en même temps. Anna soupira.
-Je me protégerai moi-même, je peux tirer à l'arc.
-C'est bon, fit le nain, agacé. Balin, fais-lui signer un contrat.
Le nain aux cheveux blancs tendit un parchemin à Anna, qu'elle ne lut même pas avant de signer. Le vieux nain hocha la tête et lui tapota gentiment l'épaule avant de suivre les autres. Anna remit le bracelet dans sa poche et resta un instant songeuse. Elle se sentit -encore – soulevée par les bras et les deux frères la soulevèrent pour l'asseoir à nouveau entre eux.
-Décidément, c'est une manie... Je peux m'asseoir toute seule vous savez ?
Ils ne l'écoutaient même pas ! Elle repartit dans ses pensées pendant que les autres parlaient, mais fut surprise par Ori qui se leva brusquement.
-Je n'ai pas peur de lui ! Je m'sens prêt ! Il va savoir ce que c'est que le fer des nains quand il l'aura dans le troufignon !
« Mignon, comme intervention, mais stupide » pensa Anna.
-La tâche serait déjà assez difficile avec une armée derrière nous, tempéra Balin. Or nous ne sommes que treize. Et pas les treize meilleurs. Ni les plus intelligents.
A ce moment les nains s'offusquèrent de la remarque du vieux nain. Fili tapa sa main contre la table.
-Nous ne sommes peut-être pas nombreux. Mais nous sommes des guerriers. Chacun d'entre nous. Tous autant que nous sommes !
Son poing sur la table fit sursauter Anna. Sans même la regarder, il posa sa main sur sa jambe pour la rassurer.
-Et vous oubliez que nous avons un magicien dans cette compagnie, ajouta Kili. Gandalf a dû tuer des centaines de dragons dans sa vie.
Anna secoua la tête avec découragement. Elle comprenait ce que voulait dire Balin. Avec une aussi fine équipe, ils n'étaient pas rendus... Elle n'écouta pas la suite de la conversation, perdue dans un monde intérieur dont elle seule avait la clé. En parlant de clé... La voix de Fili la ramena une fois encore à la réalité.
-S'il y a une clé, il doit y avoir une porte.
« Naaaaan, sérieusement ? Et dis-moi Einstein t'as trouvé ça tout seul ? ». Heureusement pour elle Anna avait gardé ses sarcasmes pour elle. Elle se sentit soudain étouffée par la présence d'autant de monde, et s'éclipsa discrètement.
Elle sortit de la maison et s'assit dans l'herbe sur le porche. Elle respira l'air frais, les yeux perdus vers le ciel. Jamais elle n'avait vu un ciel aussi étoilé... Le vent soufflait doucement, et la fit frissonner. Quelque chose de lourd tomba alors sur ses épaules, la faisant sursauter. Elle tourna la tête et vit Kili qui lui souriait gentiment. Il avait posé son manteau sur elle.
-Désolé, je ne voulais pas vous effrayer.
-Non, ce n'est rien. Merci, mais vous n'allez pas avoir froid ?
Il s'assit à côté d'elle sur la pelouse.
-Oh non, je vis dans les Montagnes Bleues, et je suis un nain, alors j'ai rarement froid !
-Les Montagnes Bleues ?
-Vous ne connaissez pas ? s'étonna Kili.
Anna secoua la tête.
-On les appelle ainsi car la pierre claire reflète le ciel, et lui donne un aspect bleuté. Mais le meilleur moment c'est au coucher du soleil. La montagne s'embrase avant de devenir noire comme la nuit, piquée d'étoile.
-Ça doit être magnifique... j'aimerais bien voir ça.
-Ça l'est. Je pourrai vous y emmener après la quête, si vous voulez.
-Oui, ça me plairait beaucoup, acquiesça Anna.
Kili se glissa plus près d'elle et lui prit la main, lui désignant des étoiles. Anna l'écoutait avec attention, émerveillée de ce qu'elle découvrait. Un raclement de gorge derrière eux les fit sursauter, et Kili retira précipitamment sa main. Fili, l'air pas franchement content, bras croisés sur son large torse, les fixait.
-On vous cherchait partout à l'intérieur.
Et avec ça il tourna les talons pour revenir dans la maison.
-Dis, fit Anna discrètement en retenant Kili par la manche. Pourquoi il tire cette tronche ? On a fait quelque chose de mal ?
-Non, il t'aime bien, c'est tout, répondit Kili en haussant les épaules.
Il la précéda à l'intérieur. Anna suivit Gandalf et Fili qui l'attendaient devant la chambre où elle s'était reposée plus tôt. Fili déposa une pile d'affaires et un grand sac sur le lit. Gandalf lui indiqua de préparer ses affaires avant de sortir de la pièce. Fili l'aida à ranger les vêtements dans le sac. Anna y glissa également un carnet et un crayon trouvé sur une commode, vérifia que son canif et le bracelet étaient bien dans sa poche, et s'estima satisfaite.
-Non, pas encore, fit Fili en lui tendant un objet. Tiens, je te l'offre.
Anna saisit l'objet avec curiosité, sans relever le tutoiement. Un fourreau ? Elle tira la poignée qui dépassait, et sortit une lame large, d'une bonne trentaine de centimètres. L'acier était brillant. Pas de dessins, pas de fioritures. Simple et efficace.
-Merci, fit-elle, touchée.
-Veux-tu que je le range dans ton sac ?
-Non, je vais l'attacher à l'intérieur de ma botte, il sera plus facile d'accès en cas de problème.
Fili hocha la tête. Anna lui renvoya un sourire.
-Au fait, on se tutoie maintenant ?
Fili rougit.
-Si tu le permets...
-Je préfère, on est amis, on peut se tutoyer, répondit-elle. On va avec les autres ?
Ils sortirent de la pièce. Au moment où ils traversaient le couloir, Anna entendit Balin et Thorin discuter.
-De la loyauté. De l'honneur. Un cœur vaillant. C'est tout ce que je demande.
Anna fut frappée, sans qu'elle puisse l'expliquer, par les mots de leur leader. Elle grava ces paroles dans sa mémoire, et rejoignit les nains dans un salon. Elle s'adossa à un mur, les observant. Certains se mirent à fredonner une mélodie, grave, douce et puissante. Anna sentit le son résonner en elle. Ça en paraissait presque magique...
Far over the Misty Mountains cold
To dungeons deep and caverns old
We must away ere break of day,
To seek the pale enchanted gold.
The pines were roaring on the height
The winds were moaning in the night
The fire was red, it flaming spread
The trees like torches blazed with light
Anna était au bord des larmes. C'était vraiment beau ce qu'ils chantaient, et leurs voix étaient magnifiques ! Mais lorsque le dernier mot fut chanté, elle ne se sentit pas perdre connaissance et s'effondrer dans les bras de Fili, qui avait eu l'heureux réflexe de la rattraper.
Ils étaient tous en armure, courant vers un champ de bataille. D'hideuses créatures leur faisaient face. Ils traversèrent les lignes de leurs alliés des Monts-de-Fer, épées brandies au-dessus de leur tête, hurlant leur soif de combat.
-DU BEKAR ! hurla Thorin avant de trancher la première bestiole face à lui.
Anna était derrière, légèrement sur la gauche de Fili. Elle tranchait tout ce qui se présentait à elle. Fili occupé par trois créatures, ne vit pas la quatrième qui arrivait derrière lui.
-FILI ! hurla-t-elle en s'élançant.
Mais tout se brouilla, le sol se déroba sous ses pieds et elle se sentit tomber.
Les nains s'étaient approchés d'Anna inconsciente, soucieux. C'est alors qu'elle s'était agitée, marmonnant quelque chose.
-Du bekar...
Les nains s'envoyèrent des regards inquiets. Comment était-il possible qu'elle parle le khuzdul ?
-FILI !
Elle eut un dernier mouvement violent avant d'ouvrir les yeux, paniquée.
-Fili ? Fili !
Elle s'accrocha à lui, désespérée.
-Anna, est-ce que tout va bien ? s'inquiéta l'intéressé.
Elle tremblait, refusant de parler. Thorin fit un signe à Fili, et celui-ci hocha la tête. Il passa un bras sous les jambes d'Anna, l'autre dans son dos et la souleva de terre. Il l'emmena jusque dans la petite chambre où étaient ses affaires, et l'aida à se coucher. A peine sa tête avait-elle touché l'oreiller qu'elle sombrait dans le sommeil. Il l'observa un moment.
Ses cheveux châtain clair était coupés au niveau des épaules, ce qu'il trouvait vraiment bizarre, surtout chez une fille. Il avait déjà remarqué ses yeux bleus-gris dans la soirée, il trouvait qu'ils ressemblaient à des aigues-marines. Son visage était encore un peu marqué des rondeurs de l'enfance, et il se demanda quel âge elle pouvait bien avoir. Son visage la faisait paraître très jeune, mais ses courbes voluptueuses la désignaient indéniablement comme une femme. Ses vêtements étaient vraiment très étranges. Le noir tranchait joliment sur sa peau laiteuse. Elle ne devait pas souvent sortir pour avoir la peau si blanche... Il remarqua alors que son visage, ses bras et son décolleté étaient parsemés de taches de rousseur. Définitivement, il la trouvait jolie.
Bien qu'elle soit à peine plus petite que lui, taille normale pour une naine, elle ne ressemblait pas aux femmes de son peuple. Elle était bien plus fine, presque frêle en comparaison. Et pourtant, le bracelet la désignait comme naine. Il soupira en repensant à ce moment. Il avait été choqué – comme tout le monde – de découvrir que cette jeune fille était l'héritière. L'héritière de Mahal en personne ! Une demi-déesse ! Et elle allait venir avec eux dans leur quête... Ce qu'il ne comprenait pas, c'est qu'elle n'avait rien dit à ce sujet, quand elle l'avait rencontré à la porte. Et si c'était elle l'héritière de Mahal, pourquoi ne ressemblait-elle pas plus à une naine ? Et de ce qu'il avait compris, elle n'avait jamais vécu au grand air, ni combattu... Vraiment il ne comprenait pas. Elle semblait perdue, si souvent dans ses pensées... Il aurait donné cher pour savoir ce à quoi elle pensait dans ces moments où elle paraissait absente. Avait-elle un fiancé qui l'attendait quelque part ? Ou ses parents ? De la famille, des amis ? Il avait tellement de questions sans réponses... Et pourquoi était-elle chez Bilbo ? Elle avait dit s'être retrouvée mal en point devant la porte...
Fili secoua la tête en soupirant. Trop de questions, et aucune chance d'avoir de réponses pour le moment. Il l'embrassa sur le front en lui murmurant de bien dormir, et aurait pu jurer qu'elle avait souri dans son sommeil. Il éteignit la bougie, sortit de la pièce et ferma doucement la porte, veillant à ne pas faire de bruit. Il alla s'installer par terre dans le salon avec les autres, et eut beaucoup de mal à trouver le sommeil cette nuit-là.
Chapitre relu et corrigé.