Trois jours sont passés depuis ton arrivée dans la maison familiale. Tu as rapidement repris tes marques et ton quotidien entouré des tiens. Ta mère ne travaillant pas, tu as passé tes journées avec elle. Ces moments mères filles vous ont fait du bien à toutes les deux et vous avez rattrapé le temps perdu. Tu as soigneusement évité le sujet de ta vie amoureuse. Tanya ne s'y méprenant pas, elle n'a néanmoins pas insisté. Parler à ton frère ne t'a pas soulagé du poids que tu portes sur tes épaules, et c'est la raison pour laquelle tu rechignes à aborder le sujet avec ta mère. Tu sais que tu en as besoin, et qu'elle sera de bons conseils, mais pour le moment tu veux juste oublier tes soucis.
Aujourd'hui Aedan et toi avez prévu de passer la journée tous les deux. Tu dévales les escaliers et constate non sans surprise qu'il a encore le nez dans son bol de céréales. Ses yeux sont cernés, ses cheveux en bataille et il est encore en pyjama.
- Aed ! T'es sérieux ? t'exclames-tu en arrivant dans la cuisine.
Il relève un regard vide dans ta direction.
- Il est dix heure, calmes toi on à le temps, dit-il la voix rauque.
- Mais je suis déjà prête moi !
Excitée de sortir enfin de chez toi, tu as fais un effort vestimentaire et t'es même maquillée. Tu portes un jean slim noir, un débardeur blanc rehaussé d'un long manteau kaki et tes converses blanches.
- Bah moi aussi.
Tu le regardes de haut en bas. Aedan est assis sur le bord d'un tabouret, une jambe pliée pied posé sur la barre dont c'est précisément le but, et l'autre tendu sur le sol. Il est accoudé sur l'îlot central de la cuisine sur lequel il mange son bol de céréales vêtu uniquement de son bas de pyjama. Tu soupires en levant les yeux au ciel et vas t'asseoir à côté de lui. Tu prends un paquet de céréales au passage et déverrouilles ton téléphone.
En trois jours, les seuls messages que tu as reçu sont ceux d'Historia qui s'inquiétait de ne pas te voir à la cafétéria le midi. Tu lui as expliqué que tu étais rentré chez tes parents quelques jours et elle n'a pas cherché plus loin. La dernière chose que tu as besoin c'est que toute votre bande d'amis soit au courant de cet espèce de triangle amoureux qui est au coeur de ta vie.
Tu ne scrolles pas bien longtemps instagram avant de tomber sur un post de cette dernière justement. C'est une photo de groupe. Tout le monde est présent et visiblement elle date de la veille. La dizaine d'amis se tient dans le cadre, tous souriant et avec un verre à la main. Ils sont chez Joe. Eren et Jean se tiennent chacun dans un coin de la photo, le plus à l'opposé de l'autre que possible. Jean est mort de rire, échangeant un regard complice avec Marco, et Eren râle alors que Conny à passé un bras sur ses épaules et lui tire la joue pour le faire sourire. Ce qui marche, mais seulement à moitié. Eren esquisse un pauvre sourire, mais suffisant pour illuminer toute la photo.
Tu ne peux t'empêcher d'échapper un petit rire en les voyant tous. Il te manquent déjà. Mais tu ne peux ignorer la pointe de jalousie que tu ressens à l'idées que eux s'amusent alors que toi tu te tortures l'esprit dans ton coin. Non pas que tu souhaites a Eren et Jean d'être aussi mal que toi, mais ils ne semblent pas affectés par ton départ.
C'est toi qui a demandé à Jean de te laisser de l'espace, ou du moins tu le lui as fait comprendre. Donc tu ne lui reproches pas son absence de nouvelles durant ces trois derniers jours. Eren en revanche... n'a pas cherché à te contacter. Hormis ces trois petits messages du jour de ton arrivée, il n'a pas donné signe de vie. Ce qui te chagrine malgré tout, même si tu n'en es pas étonnée. Cela lui ressemble tellement. Froid, détaché et se n'ayant que faire des gens qui l'entourent.
Tu te refuses à faire le premier pas. Après tout, s'il avait voulu te voir il t'aurait écrit. Il ne doit même pas savoir que tu es partie. Les seules personnes au courant sont Historia et Jean et tu doutes fortement qu'Eren le leur ai demandé. Non, c'est mieux comme ça.
Voir cette photo t'a donné envie d'entendre la voix de ton meilleur ami. Il te manque plus que de raison et tu n'arrives toujours pas à interpréter la nature de ce manque. Mais tu te refuses à admettre que sa voix grave, son parfum mentholé, ses gestes affectueux, son amour pour toi, te manquent. Tu décides néanmoins de lui passer un coup de fil, juste pour prendre de ses nouvelles. Il est dix heure et il est peut-être déjà en cours, ce que tu espères au fond de toi. S'il ne décroche pas ce sera moins difficile.
Aedan t'adresse un regard curieux lorsque tu portes le téléphone à ton oreille. Jean décroche à la quatrième sonnerie.
- Allô ?
- Salut Jeanboi, dis-tu avec un petit sourire.
- Hey chou, comment tu vas ? dit-il sur un ton enjoué.
Entendre sa voix accentue le manque.
- Ça va, je te déranges pas ?
- Jamais. J'ai pas cours ce matin.
- D'accord. Et toi ça va ?
- Oui, tranquillement. Je bosse sur un devoir là.
- Oh, je te rappelle plus tard si tu veux ?
- Non ! s'empresse-t-il de répondre. Ça va.
Tu souris et Aedan plisse les yeux. Il épie sans vergogne ta conversation. Tu pioches dans le paquet de céréales à pleine main.
- Vas t'habiller toi, dis-tu à l'adresse de ton frère.
- Comment tu sais que je suis en calbut ?? demande Jean.
- Mais non pas toi, tu réponds en levant les yeux au ciel. Aedan.
- J'ai pas fini mon bol de céréales, dit ce dernier.
Il te pique le paquet de céréales et en verse dans son bol vide avec un sourire en coin.
- C'était bien hier soir ? demandes-tu a Jean, la voix plus froide que tu ne l'aurais voulu.
- Hum ? Ah, ouais, ouais ça va. Rien de fou, mais c'était sympa.
- Sur la photo qu'a posté His t'avais l'air de bien t'amuser.
Ta voix est pleine de reproche et tu le regrettes mais tu n'arrives pas à cacher ta jalousie.
- Hein ? Ah ouais, Marco avait encore sorti une vanne pas drôle et je me foutais de sa gueule.
Il rit en repensant à ce moment et tu ne réponds pas.
- Mais..., commence-t-il.
Il s'interrompt.
- Mais ?
- Bah... ouais non rien.
- Dis moi, idiot !
Il soupire et marque une pause de quelques secondes. Un noeud se forme dans ton ventre. Tu ne sais pas ce qu'il essaie de te dire, mais tu n'es pas sûre d'avoir envie de l'entendre.
- Tu sais que... même si je sors un peu, je... ne pense qu'à toi, hein ?
Tu souffles de soulagement. Ces quelques mots te serrent le coeur. Mais, tu ne sais pas pourquoi tu avais déjà imaginé qu'il te parlerait d'Eren.
- Arrêtes, rigoles-tu doucement. C'est faux.
- Non ! Vraiment. Je... t'ai pas trop écris et tout parce que je veux pas... enfin, tu vois. Je veux te laisser tranquille un peu. Mais je pense à toi tout le temps. Tu me manques trop, chou.
- Toi aussi tu me manques, chuchotes-tu. Beaucoup.
Tu l'entends sourire à l'autre bout du fil et tu te surprends à esquisser un petit sourire toi aussi. Puis tu te rappelles la présence de ton frère juste à côté de toi. Il est en train de s'étouffer de rire silencieusement avec ses céréales. Tu lui mets une grosse claque sur la tête et lui fais lâcher sa cuillère pleine de lait et de céréales qu'il s'apprêtait à enfourner dans sa bouche. L'ensemble s'écrase sur son bas de pyjama. Il regarde la tache sur son entrejambe, la bouche encore entrouverte et la main qui tenait la cuillère devant la bouche.
- Alors ça tu vas me le payer, dit-il en plongeant une main dans la boîte cartonnée.
Il prend une poignée de céréales en guise de munitions et commence à te les lancer une par une en visant tes yeux.
- Aedan ! Arrêtes, t'es relou ! dis-tu en tentant de te protéger avec ton bras.
Mais ton frère n'arrête pas son assaut et commence à imiter ta voix.
- « Toi tu me manques » gneugneugneu.
Il fait mine de vomir et éclate de rire.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? dit Jean à l'autre bout du fil.
- Et après ça se dit « meilleur ami » hein ? Maaaaais bien sur, continue Aedan. J'en ai trois ou quatre des meilleures amies comme ça moi en ce moment !
Il éclate de rire à sa blague.
- Fermes là ! tu lui réponds en essayant de ne pas rire. Désolé chou, mon frère est un gros débile, tu ajoutes à l'adresse de Jean.
- Chou ?!
Aedan part en fou rire tout en replongeant sa main dans le paquet de céréales.
- Oh bordel tais toi, j'en peux plus, dit-il se tenant les côtes.
Tu finis par ne plus pouvoir te retenir de rire toi non plus.
- Jean je peux te rappeler plus tard ? Il faut que je montre à ce morveux qui est l'ainée de cette famille.
Aedan rit de plus belle.
- Pas de soucis, te répond Jean, un sourire dans la voix. Amuses toi bien.
- Merci, à très vite.
Tu raccroches et attrapes le paquet de céréales à ton tour. Dix minutes plus tard la cuisine est jonchée de céréales au sol et Aedan et toi vous figez lorsque vous entendez la porte d'entrée claquer. Vous vous jetez des coups d'oeil nerveux alors que les talons de votre mère claquent le sol.
- Mais- Qu'est-ce que c'est que ce foutoir ?! s'exclame-t-elle en arrivant dans la pièce.
- C'est lui.
- C'est elle.
Vous avez parlé en même temps et avez pointé l'autre du doigt. Le visage de Tanya s'harmonise d'un sourire, qu'elle réprime aussitôt. Elle est heureuse d'assister de nouveau à vos chamailleries qui ramènent de la vie dans cette maison d'ordinaire si vide la journée.
Elle se pince l'arrête du nez et c'est alors que tu t'écris :
- Tsuki !!!
Tu t'accroupis et ouvre les bras alors que le gros Patou blanc comme neige entre à son tour dans la pièce. La chienne aboie et se met à courir vers toi. Elle te saute dans les bras en te léchant. Elle est aussi heureuse que toi de ces retrouvailles.
Tsuki est une chienne de 4 ans que vous aviez adopté avant ton départ pour la fac. Tu l'adores et elle te le rend bien. Malgré les années, elle ne t'a pas oublié. Tu t'étais étonnée de ne pas la voir en arrivant il y a trois jours de cela mais ta mère t'avais rassurée en te disant qu'elle était chez le vétérinaire. En effet, la chienne est sur le point de mettre bas et la fin de sa gestation étant difficile, elle a passé quelques jours en observation.
Tu te relèves et affronte le regard mi-furieux mi-amusé de ta mère.
- Je vais passer l'aspi le temps que ce gros sac se prépare, dis-tu a ta mère en pointant du pouce ton frère derrière toi.
Ce dernier ne se fait pas prier et grimpe les marches quatre à quatre avant que tu ne changes d'avis.
Trente minutes plus tard, Aedan redescend vêtu d'un jean noir, d'un tee-shirt long et large noir aussi, et d'une chemise oversize moutarde, portée ouverte. Une paire de converse montante noire vient finaliser ce look très étudié. Il est coiffé, ses cheveux blonds ondulés retombant sur son front, il s'est parfumé et à toujours ses piercing et sa boucle d'oreille.
- T'es au courant qu'on va juste faire un tour entre frères et soeurs, hein ? Pas qu'on part en soirée ?
Tu le charries mais tu le trouves très beau et tu n'arrives toujours pas à te faire à l'idée que ce n'est plus l'adolescent que tu as quitté deux ans plus tôt. Il à tellement changé. Sur le plan physique comme émotionnel. Alors qu'Aedan était un garçon ouvert et jovial, tu as l'impression qu'il cache maintenant une part d'ombre. D'aspect extérieur, il est évidemment toujours aussi enjoué, et tu sais que cet air arrogant et sûr de lui qu'il se donne n'est qu'une façade. Mais quelque chose en lui semble changé.
Il répond à ta pique en te tirant la langue, dévoilant un piercing que tu ne connaissais pas.
- Tu t'es fais percer la langue ?!
- Ouais. Tu le saurais si tu venais nous voir plus souvent. Je l'ai fais y a au moins un an et demi.
Il hausse les sourcils avec un sourire suffisant, sachant bien que tu vas culpabiliser. Ça ne manque pas et ton visage se tord en une grimace. Aedan passe un bras sur tes épaules, il te dépasse largement et t'entraîne sans peine vers la porte.
- Ca vaaa, je plaisante détends toi. A tout à l'heure maman !
- Soyez prudents ! réponds Tanya, au loin.
Il lui adresse un signe de main et vous franchissez le seuil de la maison.
Cinq heures plus tard, de nombreux selfies postés sur instagram, un nombre incalculable de rires et de poches à vos bras, vous vous installez à la terrasse d'un café en centre ville. La fin de journée s'amorce et vous ne vous êtes pas encore posés une seule fois. Tu commandes un milkshake vanille et Aedan une bière.
- Il est pas un peu tôt pour ça ? dis-tu d'un air réprobateur.
- Euh ? Il est dix-sept heures passé.
Tu regardes ta montre.
- Ah. Ouais. J'avais pas vu.
On vient vous apporter vos boissons quelques minutes plus tard. Vous les sirotez en silence, plutôt épuisée d'avoir crapahuté toute la journée.
- T'a pas de copine au fait ? Je viens de capter là.
Aedan rit légèrement, un peu gêné.
- Non pas de copine. Je vois des filles, mais rien de sérieux quoi.
- T'en as pas envie ?
Il hausse les épaules, détaché. Mais son regard est fuyant.
- Aeeeedd...., dis-tu lentement.
Il soupire.
- Ça vaaaa. Non j'ai personne. Mais y en a bien une qui me plait. Voilà, sujet clos, ciao bambino.
- Bah développes ! Pourquoi tu sors pas avec elle ?
- Mais ! T'es chiante, c'est pas tes affaires.
Il lèves les yeux au ciel et toi tu te mets à sourire devant tant de gêne venant de ton petit frère. Tu ne réponds pas mais continues de le fixer avec un petit sourire, sachant pertinemment qu'il finira par cracher le morceau. Ta conviction se confirme au bout de trois minutes.
- Je me suis pris un râteau, dit-il, penaud.
Sa voix est basse, il regarde de biais et mâche nerveusement la paille en plastique dont il ne se sert pas pour boire sa bière.
- Heeeein ? Tu t'es pris un râteau ?? t'exclames-tu.
- Plus fort encore !
- Oups.
Tu regardes autour de toi et constates que quelques regards sont tournés vers vous. Mais tu doutes vivement que ce soit à cause du volume de ta voix, étant donné que ce ne sont que des regards venant de groupes de lycéennes attablées elles aussi.
- Mais ? continues-tu. C'est pas parce que t'es mon frère, mais... t'es loin d'être moche quoi.
- On m'en a fait des compliments de merde dans ma vie... mais là, chapeau.
Tu t'esclaffes et Aedan se déride un peu.
- Oui bah désolée, je vais pas dire que t'es super canon. Ce serait trop bizarre.
- Ouais, bien d'accord, dit-il en s'étirant les bras au dessus de la tête. De toute façon j'ai pas besoin de toi pour le savoir.
- Euh, okaaaay... ?
- Bah quoi ? Non mais je veux pas faire le mec... Mais bon, regardes quoi, dit-il en désignant du pouce la table derrière vous, sans se retourner.
Tu hausses les sourcils de manière blasée devant son attitude. Ce dernier en profite pour se retourner vers le groupe de lycéennes et leur fait un petit signe de main accompagné d'un sourire ravageur mais angélique. Elles gloussent.
- Non mais t'es sérieux..., dis-tu en te claquant le front de la paume.
Aedan se retourne vers toi et hausse les épaules.
- Tu vois ? Mais je me suis quand même pris un râteau. Comme quoi le physique fait pas tout.
- Ouais... je te le fais pas dire, murmures-tu pour toi même.
- Toujours là, dit-il en levant la main.
Tu sirotes ton milkshake en souriant.
- Tu l'a accostée comment ?
- Euh...
Il passe sa paume sur la partie rasée de sa nuque de manière distraite.
- Je sais plus. C'était en soirée et j'étais bourré.
Tu soupires lourdement en levant les yeux au ciel une fois de plus.
- Non mais... Aed. Sérieusement.
- Oui bah hein. L'alcool ça donne du courage.
- Depuis quand t'en as besoin quand il s'agit de filles ?
- Hum, ouais. Mais... elle, elle me plait vraiment.
Il semble vraiment embêté. Il a son menton qui repose dans sa main et regarde la table.
- Tu veux que je te dise ? Je connais rien de la situation, mais à mon avis c'est ce genre de fille, pas intéressé par les mecs « à filles ». Tu vois ce que je veux dire ?
- Non, répond-il sans hésitation.
- Aaah..., soupires-tu. Les mecs comme toi, ou... d'autres. Ces mecs qui se tapent des filles à la pelle, qui n'ont besoin de faire aucuns efforts pour qu'elles tombent dans leur bras... tu te reconnais maintenant ?
Et toi tu reconnais quelqu'un d'autre.
Aedan bascule la tête de gauche à droite en réfléchissant.
- Ouais. Il se pourrait que je sois comme ça. Mais dis comme ça... c'est pas très flatteur. J'ai l'impression d'être une catin.
Tu pouffes.
- Mais non, c'est juste que tu plais. Bref. Bah les gars comme ça... ça peut rebuter certaines filles. Tu auras beau lui plaire physiquement, ce trait de caractère peut ne pas lui plaire.
- Hum..., acquiesce-t-il en réfléchissant. Je vois.
- Ou alors elle te trouve trop moche.
Tu hausse les épaules et éclates de rire. Aedan te suit en articulant un « pas moyen » entre deux hoquets de rire.
- Ouais c'est vrai, je peux comprendre, ajoute-il en reprenant son sérieux. Tout comme moi ça me rebuterais que la fille se tape un gars différent tous les soirs.
- A toi de persévérer et de faire des efforts pour lui faire comprendre qu'elle te plait vraiment.
Cette discussion te rappelle par bien des aspects une relation que tu as avec un certain homme aux yeux émeraudes. Sauf qu'Eren ne doit pas être aussi facile à convaincre que l'est Aedan.
- T'es au courant que c'est ce qu'il essaye de faire avec toi ? Mais que c'est toi qui ne lui en donne pas l'occasion ?
Tu sursautes.
- Hein ? Euh, quoi ?! De quoi tu... n'importe quoi ! Ça n'a rien à voir !
- Oui, oui..., répond Aedan d'une voix lasse le nez dans son verre.
- Non, vraiment. Eren n'a strictement rien à voir avec toi, avec cette situation, avec moi. RIEN.
- Si ça peut te faire plaisir.
Tu croises les bras sur la poitrine et fais la moue. Aedan n'insiste pas, il te laisse cogiter. Il t'a surprise par sa perspicacité et t'a prise au dépourvu, si bien que tu n'as su quoi répondre.
Néanmoins il te donne matière à réfléchir. Est-ce vraiment la même chose ? Eren essai-t-il vraiment de faire des efforts ? Oui. Tu en es sûre, tu le connais assez pour savoir que le fait de parler de lui, même des détails les plus insignifiants, n'est pas anodin. Il te l'a même dit, qu'il voulait devenir meilleur, faire des efforts. Donc ça, c'est un fait avéré. Eren est prêt à changer. Maintenant, tient-il réellement à toi ? Il ne l'a jamais vraiment dit. Peut-être a-t-il essayé de te le faire comprendre, mais sans jamais le formuler. Et au vu de tout ce qu'il t'a infligé, tu en as marre de jouer à cache cache. S'il te veut, tu veux qu'il se mouille lui aussi. Tu ne veux plus être la seule à marcher sur des oeufs, à souffrir, à devoir encaisser, à te dévoiler. Non. Il doit avoir sa part d'investissement dans cette relation.
« Cette relation »... c'est encore trop inimaginable. Il y a quelques semaines de cela tu aurais tout donné pour pouvoir prononcer mots. Pour avoir ces pensées. Ces pensées qui te confirment qu'il veut plus. Tu aurais certainement même pleuré de joie en entendant
« Je veux être meilleur. Pour toi. »
Mais aujourd'hui tu as peut que ce soit trop tard. Que tu ai déjà trop souffert pour arriver à lui donner une seconde chance. Tu as peur de souffrir à nouveau, c'est une peur viscérale. T'ouvrir à lui, te donner corps et âme à cet être, pour qu'il finisse pas piétiner tout ce que tu as construit avec lui.
Le chemin du retour se fait en silence, Aedan et toi êtes plongés dans vos pensées. Lui songe à cette fille, et toi a Eren. Tu finis par décider que c'est encore trop tôt pour prendre une décision, pour mettre un mot sur ces sentiments partagés.
Vous franchissez silencieusement toujours le seuil de votre maison. Mais c'est alors que vous entendez des voix résonner dans la cuisine. Des voix, ou... des cris ?