8. Solitude

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Je fais des droles de rêves souvent. Des rêves où je me retrouve dans une pièce blanche, seule. Après, un bébé apparaît dans le creux de mes bras. Je n'ai jamais retenu son visage,mais je l'ai sur mes paupières,bien encré dans mes rétines. Puis Lucas apparaît et s'approche doucement de nous avec un sourire que je n'arrive pas à déchiffrer. Il me caresse, caresse l'enfant dans mes bras avant de commettre un geste que je n'ai encore jamais compris jusque là : il serre le petit coup encore fragile du nouveau-né dans une force doucéreuse qui arrive à faire suffoquer l'enfant et en peu de temps seulement, comme à la vitesse de la lumière, il ferme les yeux pour ne plus les rouvrir.

Lucas pose ensuite ses yeux qui me font frémir à chaque fois sur moi et étire un sourire pour ensuite s'approcher de mes lèvres y déposer un baiser froid qui ne ressemble en rien aux baisers sucrées auxquels j'étais habituée. En un rien de temps il disparaît , me laissant seule avec mon bébé dans les bras,mort. Un sentiment effroyable m'envahit, une peur incommensurable me prend d'assaut et ma tête tape tellement fort quand je réalise une chose qui est exactement comme dans la réalité : je suis seule.

Je me lève alors en sursaut, prête à bondir sur mon lit, qui ne se trouve qu'à quelques pas de celui de Nourya. Dans la pénombre de la nuit, des ombres se créent dans la chambre, et comme ma vision est encore brouillée par le sommeil et des larmes qui se sont formés, je vois des visages. Des visages qui ne me veulent que du mal, des visages remplis de haine : de mes parents, de mes amis et de Lucas.

Je ne me retiens pas, je pleure. Mais cette fois, en silence. Parce que Nourya est , je suis sûre, trop fatiguée de se réveiller pour consoler une fille qui fait le même cauchemar presque toutes les nuits et ne lui raconte pas ce qu'elle voit. Je me recouvre avec difficulté le corps,comme pour me protéger de ces visages qui ne disparaissent toujours pas et ferme les yeux en faisant une petite prière qui m'aide à me rendormir paisiblement, douloureusement.

Tous les rêves ne sont pas insignifiants. Quand vous êtes attentifs, quand vous demandez à Dieu de vous éclairer, vous vous rendez compte qu'ils ont des significations, que quelqu'un veut vous dire quelque chose,veut vous prévenir de quelque chose et même que quelqu'un veut vous faire du mal. Et celui-ci est un avertissement, mais je ne sais pas encore de quoi.

Le réveil se fait douloureux, avec les yeux qui piquent, le corps qui fait mal. Je me lève avec la force que pourrait avoir une femme enceinte et me dirige vers le miroir où je me place.

J'ai pris du poids,ça se voit. J'ai des bourrelets qui n'existait pas avant, mes bras ont pris de la graisse, et je n'aime pas ça. Mais c'est une étape normale quand on est enceinte, donc on vit avec.

Dans la cuisine , je retrouve Nourya entrain de manger Mélissa entrain de me servir.

-Bonjour, les salué-je en prenant place à côté de Nourya.

-Bien dormi ? Me demande Mélissa qui s'assoit à son tour.

-Oui, c'était une agréable nuit, je mens en buvant dans le chocolat chaud

Je remarque une présence qui d'habitude n'est pas si calme que ça tous les matins. Nourya joue avec sa cuillère et fais comme si elle est seule dans la pièce. Ça ne lui ressemble pas du tout.

-Ça va ? Je lui demande

-Ouais, dit-elle à peine,dans un souffle, mais toi,non.

-Comment ça ?

-Je t'ai entendu pleurer cette nuit. Encore une fois.

Moment gênant,

S'ensuit un silence où je sens les deux paires d'yeux braqués sur moi.

-Tu as dû mal entendre, dis-je pour les convaincre

Piètre mensonge

-Je t'ai entendu, affirme-t-elle fermement, je ne suis pas folle. Je t'ai vraiment entendu pleurer.

-Amani, commence Mélissa qui jusque-là était calme, si tu as quelque chose qui te piétine le coeur, tu dois nous le dire. Pour ton bien-être.

Mon bien-être? Le connaissent-elles ? Je suis malade de l'intérieure et ça, personne ne peut m'aider, même pas elles qui passent leur temps à s'occuper d'une fille qu'elles ont connue dans un état miteux.

Non.

Je ne veux pas être un fardeau pour elles. C'est déjà beaucoup d'être dans une maison que je ne mérite pas,manger à ma faim, boire à ma soif et dormir dans un lit confortable après avoir dormi sur un carton qui est plus confortable qu'un sol.

-Je vais bien, déclaré-je les yeux baissés.

-Non, c'est faux ! S'écrie Nourya

-Baisse d'un ton , Nourya, fais Mélissa en la pointant du doigt, ce qu'elle fait directement.

-Toutes les nuits, je me demande pourquoi tu pleures. Toutes les nuits, je me demande qui te torture dans tes rêves. Toutes les nuits, je suis là, à te consoler en silence pour une raison que je ne connais pas. Donc j'ai le droit de savoir ce qui te préoccupe , Fais Nourya en plantant ses yeux dans les miens.

Je n'ai plus d'appétit, j'ai envie de fuir.

Elles attendent que je parle, que je me confie. Mais rien de cela ne va arriver. Parce que je n'arrive pas tout bonnement pas à m'exprimer, je n'arrive toujours pas à m'ouvrir.

-J'ai envie d'un verre d'eau, dis-je en me levant pour me servir de l'eau

-Ne fuis pas,Amani. Cela ne sert à rien, Mélissa m'avertit

J'ai un sentiment de colère qui explose en moi, alors dans un mouvement brusque, je m'arrête au beau milieu de la cuisine.

-Vous voulez savoir de quoi je rêve toutes les nuits ? Pourquoi je pleure comme un bébé qui vient de faire un cauchemar ? M'ecrié en me retournant vers elles.

Elles sont surprises, silencieuses. Elles ne m'ont jamais vu ainsi,aussi expressive sur mon visage. Nourya a le visage fermé alors que Mélissa a la bouche entre-ouverte.

-Je suis seule, déclaré-je d'une voix brisée, la tristesse ayant remplacé la colère, personne n'est avec moi

Le grincement de la chaise me fait sursauter,surtout quand Nourya vient se placer devant moi en me tenant fermement les épaules. Ses yeux d'un bleu océan m'envoie une colère et douceur en même temps qui arrive à me faire noyer dans la profondeur des eaux.

-Arrête de dire des conneries, dit-elle fortement comme si elle me grondait, Tu nous a,nous. On est là pour toi.

Je tourne ma tête vers le côté, les yeux rivés au sol. Elle a beau dire qu'elle est là pour moi ainsi que Mélissa, ce sentiment de solitude ne veut pas s'en aller. Il me piétine,m'étouffe,me tue. Mais j'essaye de rester forte.

-On sera toujours là pour toi , continue-t-elle en me ramenant dans ses bras pour m'enlacer.

Je regarde Mélissa à travers le cou de Nourya, qui nous jettes un regard des plus désolant. Elle s'approche elle aussi pour que nos trois corps ne forment qu'un.
Je meurs un peu chaque instant et personne ne peut me sauver.

AmaniOù les histoires vivent. Découvrez maintenant