Prologue : Déclaration, silences

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Nuit noire, tout Tokyo-3 dort à cette heure. Presque en fait, mais les deux seuls adultes que l'on pouvait croiser dans la rue étaient bien trop ivres pour pouvoir compter comme étant « éveillés ». Cet honneur revenait donc à des enfants, tout comme le sort de Tokyo-3, et du reste du monde, reposait sur eux. C'était étrange comme vie, où ils passaient autant de temps dans leur classe que dans le GeoFront, où ils étaient des lycéens et des pilotes de machine de guerre ainsi que le dernier rempart contre l'annihilation de l'espèce humaine.

Juste un baiser hein ? C'est ce qu'ils disaient, que ce n'était qu'un jeu pour passer le temps durant une soirée autrement bien monotone, étant laissés à eux-mêmes. En théorie, c'était assez simple : Cela ne prend pas longtemps et à peu près tout le monde est capable de le faire. Ce défi que s'étaient lancés les deux jeunes pilotes de la NERV était une simple excuse pour deux idiots qui n'avaient les yeux en face des trous et encore moins le courage d'obtenir ce fruit interdit à la régulière. Peut-être une simple volonté de faire complexe plutôt que simple, à moins que cela soit une question de courage et d'orgueil ? La question devient alors de savoir s'il est raisonnable d'avoir plus peur de vos propres sentiments que de mettre votre vie en danger. La Mort elle-même les guette à chaque sortie, envoyant ses Anges à la charge alors que la NERV sort de leurs cages ce qui pourrait très bien être des ogres ou des démons en armure. En réalité, il était plus simple pour eux de se battre que de s'ouvrir aux autres car ils avaient plus ou moins étaient entraînés à se battre. Il suffit d'esquiver les coups pour ne pas souffrir au combat, là où le seul moyen d'être sûr de ne changer souffrir avec les autres, c'est de se renfermer sur soi-même, ce qui vous rendez paradoxalement vulnérable à la solitude. Ce qui fait le plus mal dans les relations sociales c'est la peur, la même qui vous force parfois à rester dans votre coin. La peur de se faire rejeter par ces autres, peur de ne pas être à la hauteur de leurs attentes... peur de leurs réactions, peur de soi et son image que nous renvoyons aux autres. Un sentiment d'incompréhension réciproque, ne pas se sentir compris et ne pas réussir à comprendre les autres. Pourquoi font-ils ça, pourquoi ils racontent ces conneries ? Hé, tu crois que c'est facile ? Tu crois que j'aime faire ces conneries ? Tu ne pourrais pas comprendre n'est-ce pas ? Personne ne peut vous comprendre et ceux qui prétendent le contraire sont des menteurs. Et pourtant, on s'ouvre aux autres, on ressent ce qu'ils ressentent pour nous et on parvient à comprendre ce qu'ils disent et ce qu'ils ne disent pas.

Asuka et Shinji rêvaient tous les deux d'une vie ordinaire dans un monde en paix. Une utopie à n'en point douter dans un monde qui semble enchaîner les catastrophes comme si l'Apocalypse avait décidé de la jouer à l'attrition. La vie que menaient les pilotes de la NERV n'avaient rien d'une vie paisible et pour cause, chaque jour, ils vivaient dans l'attente de l'alarme et des sirènes les appelant une fois de plus sur le champ de batailles. S'il n'est pas si difficile que ça de trouver des fous prêts à miser leur vie, la plupart des gens préfèrent généralement éviter de remettre leur survie à la chance. Qu'est-ce que c'est énervant de perdre à cause d'une infortune, n'est-ce pas ? Vous ne pouvez même pas vous en prendre à vous-même et encore moins aux autres. Un terrible destin qui n'était qu'un ballet d'épée de Damoclès sanglantes dansant aux dessus de nos têtes en attendant le cri des banshees pour nous percer le cœur et nous arracher notre âme.

Eux aussi rêvent de ce genre de vie. Ils aimeraient vivre en dehors de cette satanée Tokyo-3, loin de la NERV, loin de cette espèce de guerre qui n'en finit pas. Combien d'Ange ont été abattus jusqu'à présent ? Combien en reste-il ? Est-ce qu'il y aura une fin à cela et si elle arrive, qu'est-ce qui se passera ? C'est vrai ça, qu'est-ce qu'ils vont devenir après ?

Probablement comme toutes les armes une fois la guerre terminée. Ils seront oubliés, mis de côté ou bien réutilisés à des fins violentes jusqu'à ce qu'ils deviennent dépassés ou inutilisable, usés par les combats.
Ce qu'il se passa avait un goût d'interdit, un parfum de transgression et de subversion. Après tout, se comporter « comme des adultes » étaient bien ce qui leur était demandé au quotidien. Garder la tête haute, obéir et porter le monde sur ses épaules. Mais ce n'est que le retour du bâton quand vous jetez des gamins dans un monde d'adulte. Ce même monde qui a sacrifié leur enfance et qui pourtant semblait la brandir quand ils le pouvaient, dans une démonstration de l'hypocrisie. Il est de bon goût de ne pas décrire la scène suivante. Ces détails ne nous regardent pas et il n'y a nul besoin d'un regard lubrique sur ces événements. Quand bien même ils sont dans un monde d'adulte, que vous le voulez ou non, ce sont des enfants, faites donc preuve d'un peu décence alors. Ce qui se passe à l'abri des regards ne devraient pas regarder les autres.

Vous deux, dansez comme si vous vouliez triompherΌπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα