Jour 27 : Mémoire de poisson rouge

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Aujourd'hui je fais découvrir ma chronique à l' Homme. 

L'Homme est très cultivé, politiquement aguerri et intransigeant avec la médiocrité humaine. Entre autres choses.

Je suis ravie de lui faire lire ma prose mais l'appréhension est forte et la pression pesante. Je redoute son jugement.

L'homme parcourt les pages, le regard impassible. Soudain, ses yeux s'agrandissent puis se rétrécissent à mesure que ses sourcils se froncent. Son regard se fait plus sombre.

Bon sang ! Qu'ai-je pu écrire de si répréhensible ?

– Tu es sérieuse ? C'est vrai, tout ça ?

– Bien sûr que c'est vrai ! dis-je, bien décidée à défendre mes textes et mes idées.

– Tu nous fais avaler des légumes vapeur sans sel à chaque repas et tu planques dans le casier de ton vestiaire de travail, je cite : " tablettes Milka, crêpes Whaou, pains au chocolat industriels, Pitchs, Michokos... " Tu te fous de moi ?

Mon cerveau se reconnecte. Zut ! Vite ! Broder ! Se sortir de là coûte que coûte !

– Nan, mais tu sais, c'est vachement romancé quand même, hein...

– T'as intérêt à me ramener la même chose si tu ne veux pas que je te balance aux filles !

– Je ne peux pas ! Elles reniflent le sucre comme les chiens des douanes la coke ! Elles vont les trouver si je les ramène ici...

– Je te donne vingt quatre heures ! lâche-t-il, implacable.

L'Homme est aussi un impitoyable maître chanteur. Et, contrairement à moi, il a de la mémoire.

Illustration Emmanuel Passieux : e.passieuxgmail.com

Journal d'une employée de supermarché.Where stories live. Discover now