Journal d'une employée de supermarché.

Tout cela fait forcément partie d'un plan de l'Univers.

Je pourrais vous parler du second confinement mais il n'y aurait pas grand chose à raconter finalement.

Les enfants vont à l'école, quasiment tous les magasins sont ouverts, sauf, bien entendu, ces enfoirés de fleuristes, libraires et autres coiffeurs enragés prêts à propager le virus. Les petits entrepreneurs non essentiels auront la peau de l'Humanité.

En attendant les fêtes de Noël, nous coulons des jours heureux au sein de nos rayons de supermarché bondés.

Nos filles viennent de fêter leurs anniversaires et ont soufflé leurs bougies devant toute la famille... via WhatsApp.

Douze et huit ans.

En quelques semaines, Akira, douze ans, s'est muée en une ado exemplaire. Il semblerait qu'elle occupe la chambre au fond du couloir. Nous l'avons aperçue passer furtivement dans la cuisine et tenter d'emporter son butin dans son antre.

La petite Aéone, huit ans, souhaite que je vous dise qu'elle vit avec des animaux merveilleux qui lui donnent à manger. Elle a la tête dans les histoires qu'elle lit et qu'elle écrit. Et lorsqu'elle descend parmi nous, c'est pour me demander si mon dentifrice n'aurait pas un parfum de poisson pané. Je suis certaine que c'est ce putain de masque, porté six heures par jour, qui me donne une haleine de chacal.

À grand coup de tartiflettes et de raclettes intempestives, j'ai allègrement passé la barre des 70 kg pour 1m61 et seul un vieux jogging et mon pantalon de travail acceptent encore de me vêtir.

Je viens de comprendre que mon homme et moi sommes les animaux merveilleux dont parle ma fille.

Je vais me laver les dents.