28 : PIÉDESTAL

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ARTHUR PASSA UNE main dans ses cheveux d'un air désemparé

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ARTHUR PASSA UNE main dans ses cheveux d'un air désemparé. Samuel le dévisageait, d'une impassibilité absolue. Ses yeux verts luisaient d'étincelles de colère froide et d'espoir frêle dans sa gueule sombre, mais c'était tout. Son visage ne portait plus les stigmates de cette impuissance qui pourtant continuait de lui broyer les entrailles avec plus de ferveur qu'un motoculteur.

— Tout ça ne repose pas que sur moi et tu le sais, articula-t-il tranquillement, faisant claquer chaque syllabe contre ses dents.

Ses muscles n'étaient plus tous bandés à la façon d'un félin sur le point de bondir, son regard n'était plus chiffonné et sombre de cette sensation de trahison qui lui pesait sur l'estomac quand il croisait, celui tremblant d'effroi, d'Arty. Ses doigts n'étaient pas recroquevillés en poings tressaillant de rage.

— Arthur ?

Sa respiration ne semblait pas erratique, simplement irrégulière. Ne sachant pas sur quel pied danser, quel rythme adopter. Oscillant entre calme insensée et pure panique. Mais toujours mesurée de façon à ce que ses traits ne respirent rien d'autre que ce flegme absurde.

— Faut que tu te ressaisisses, Arty ! Pense à Rory, calme-toi. Respire, je suis là. T'as raison, on va s'en sortir. Se sortir du chaos, ensemble.

Lui qui transpirait tout un tas d'émotions que le chaos lui-même n'aurait pas voulu côtoyer un instant plus tôt – quand il avait compris que tout ceci n'était qu'une pathétique diversion punitive, avec Andy et Ethan en prime – dégageait désormais un tel sentiment d'apaisement qu'il semblait ridicule pour Arty que quiconque puisse être dans un tel état d'esprit dans un moment pareil.

— Toi, Rory et moi. Je te le promets.

Puis Arthur comprit que Samuel n'avait pas créé cette façade pour le tromper, qu'il n'avait pas enfilé ce masque dans le but de fuir cet instant oppressant mais dans l'espoir de le faire réagir tandis que sa boîte crânienne semblait avoir été coulée dans du béton frais, que ses muscles restaient paralysés.

— Tu me fais confiance ?

Arthur s'écarta pour plonger son regard dans le sien et il comprit également d'où cette attitude lui était familière : Samuel adoptait un comportement similaire lorsque, plus jeune, Rory ne parvenait pas à quitter son allée, étranglé par la force de ses émotions tandis que Gareth l'observait depuis le perron avec un sourire narquois, les yeux légèrement plissés.

Lorsqu'il était submergé par la force de ses émotions au point d'en être littéralement cloué sur place, les tripes noués par l'indécision. Lorsqu'il était dans un état tel que Samuel se devait d'adoucir la haine qui l'habitait, se devait d'être celui des deux qui leur permettrait de quitter cette foutue allée avant qu'une nouvelle parole ne vienne encore chambouler la piètre stabilité qu'il s'efforçait à conserver jour après jour – en faisant lui-même comme si tout allait bien.

— Arthur ? insista Samuel, tranchant, froidement.

Arthur comprit qu'il était le plus fort de leur improbable trio, qu'il l'avait toujours été. Qu'il ne pouvait pas lui faire défaut, pas au profit d'Aristote, pas malgré sa peur d'être renvoyé dans un passé dans lequel aucun d'entre eux n'avait envie de retourner.

— Toi, Rory et moi, parvint-il à murmurer sans réussir à contrôler les trémolos dans sa voix. Je suis... putain, j'ai tellement merdé, Sam !

Il voulut s'excuser, mais ça aurait être vain : Samuel pardonnait beaucoup, oubliait très peu. Effacer cette trahison lui coûterait certainement, mais il ne lui en voulait pas.

— Je m'occupe d'Ethan et Andy, dit-il à Arthur en lui adressant l'ébauche d'un sourire. Va voir Rory, s'il te plaît.

Samuel n'attendit pas que son ami acquiesce pour tourner les talons, son regard – deux émeraudes débordantes d'une confiance qu'il ne trahirait plus jamais – s'en allant capturer les silhouettes des sbires d'Aristote, toujours debout sous les néons défaillants du KINETO, avec toute l'insolence d'un enfant sur le point de faire une connerie.

— Je sais pas ce qui va se passer, Arty. Mais on ne va plus faciliter la tâche à cet enfoiré de merde et à sa langue de serpent, OK ?

Il n'eut pas besoin de se retourner pour savoir qu'Arthur était tout aussi déterminé que lui à faire tomber Aristote du piédestal qu'il s'était lui-même érigé.

DARK KINGWhere stories live. Discover now