13 : DETTE

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LA MUSIQUE HURLAIT sans discontinuer, épiçant la nuit d'un goût d'interdit, repoussant l'agression du froid d'une vague d'énergie affolante

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LA MUSIQUE HURLAIT sans discontinuer, épiçant la nuit d'un goût d'interdit, repoussant l'agression du froid d'une vague d'énergie affolante. Pulsant au-dessus de la cime des arbres comme les battements d'cœur d'un animal enragé. Couché sur la banquette arrière d'une voiture sale et occupé à gratter les chips collées au tissu rugueux du siège, Samuel patientait. 

— C'est pas mal, admit finalement Aristote.

Il était assis sur le siège conducteur. D'où il se trouvait, Samuel n'apercevait que le sommet de son crâne rasé. Il était partisan du moindre effort lorsqu'il s'agissait de côtoyer Aris – évitant jusqu'à ne serait-ce que croiser son regard.

— C'est pas mal, répéta-t-il en se retournant pour lui faire face.

Samuel ferma les yeux, se mordit la langue. Pour permettre à la douleur de supplanter la colère irriguant chacune de ses pensées comme un poison auquel son corps céderait volontiers.

— Mais ? demanda-t-il d'une voix qu'il espérait neutre.

Le soupir faussement affecté d'Aristote valut à Samuel une énième coupure linguale. Afin de garder les idées claires. Afin de ne pas s'abaisser à cette violence qu'il exécrait. Afin de ne pas donner à Aristote l'opportunité de plonger dans les ténèbres – et de l'y emmener avec lui.

— C'est pas suffisant, Samy.

Ces paroles n'étonnèrent pas Samuel. Il tiqua sur le surnom employé par Aristote, enfouit un grognement sous une quinte de toux et un haussement d'épaules désinvolte qui ne dupèrent personne. Aris eut tout juste l'air consterné – et encore, pendant une seconde. Déjà, il affichait son éternel sourire provocateur.

— Je peux me tirer ?

Le sourire d'Aristote s'agrandit. Comme s'il cherchait à être plus imbuvable encore. Samuel voulut lui faire comprendre l'impossibilité de la chose en ricanant franchement.

— Pas encore, répondit-il, ce qui ne fit qu'accentuer leur irritation à tous les deux. Je te l'ai dit : pas suffisant ! T'as encore une bonne heure ou deux devant toi.

Samuel s'abstint de réagir. Une profonde et bouleversante lassitude lui retourna les tripes, prenant part à un combat contre sa colère pour finalement le laisser vide de toute énergie. Son haussement d'épaules quand il se redressa pour se frotter furieusement les yeux fut d'un détachement à fendre le cœur. Lointain, blasé. Attristé.

— OK, murmura-t-il simplement. Et après ?

Pour le narguer, Aristote lui fit une pichenette sur le nez – sur son septum, qui tressauta. Samuel n'eut pas le courage de broncher.

— Après, t'es un homme libre ! Enfin...

Aris attendit que Samuel ouvre la portière pour s'extraire de l'habitacle avant de terminer sa phrase.

— ... jusqu'au week-end prochain.

Samuel fit un arrêt. Eut un air sombre, un sourire amer.

— Évidemment, répondit-il.

Les deux garçons s'observèrent pendant une seconde qui leur parut interminable. Puis, Samuel quitta son siège et atterrit sur une pelouse inégale. L'air glacé condensait son haleine, de grosses volutes blanches mouraient contre ses lèvres. Des rires crevaient l'atmosphère, une bande de faisceaux lumineux déchiraient la nuit de mille couleurs.

Pendant ce temps-là, la musique hurlait sans discontinuer.

DARK KINGWhere stories live. Discover now