16 : GET OUT

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— T'AS MERDÉ, SAMUEL

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T'AS MERDÉ, SAMUEL.

Arthur braqua sur lui un regard courroucé que Samuel feignit d'ignorer. En soit, ce n'était pas comme s'il lui apprenait quelque chose d'insolite : si merder était un art, Samuel serait un véritable artiste ! Alors pourquoi diable Arty venait-il patauger dans la boue dans laquelle il s'enlisait ? 

— Écoute : je sais pas ce que tu fabriques avec Aristote mais... ça doit cesser. T'as maté ta gueule dans un miroir, récemment ?

Samuel fit son possible pour ne pas lui rire au nez. Peine perdue : ses prunelles vertes s'exprimaient plus aisément que ne l'aurait fait sa bouche et Arthur décela une lueur ironique envahir la profondeur de ses iris. S'il devait être complètement honnête avec lui-même, Arty admettrait ne pas avoir meilleure mine que son ami.

Son teint livide reflétait l'inquiétude qui lui comprimait les entrailles et ses paupières lourdes s'affaissaient sur ses yeux sombres pour lui donner l'air d'être continuellement désemparé. Après avoir bravé la pluie pour venir jusqu'ici, ses cheveux avaient perdu leur brillance et leur souplesse pour ne plus former sur son crâne qu'une masse hirsute et emmêlée.

— Pourquoi, j'ai une sale gueule ? se défendit-il cependant.

Samuel haussa les épaules sans le regarder.

— Elle a pas l'air d'être plus terrible que la mienne. Qu'est-ce que tu veux, Arty ?

Arthur faillit reculer d'un pas. L'intonation frigorifique de Samuel était comme une lame de rasoir qui lui entaillait la peau chaque fois qu'il prononçait un mot. Avec sa mine sinistre et sa mâchoire crispée à s'en faire mal, Samuel lui faisait penser à Gareth.

— Ça fait presqu'un mois que...

Samuel fondit sur Arthur en un éclair.

— Que ? répéta-t-il, à deux centimètres de son visage. Que Rory m'a plaqué ?

Samuel avait maigri. Son haleine conservait l'odeur des cigarettes qu'il avait fumé sans apprécier. Son regard n'était qu'un appel à l'aide qu'il étouffait par le biais de remarques cinglantes et autres reniflements dédaigneux.

— Rory ne t'a pas plaqué, reprit Arthur. Y'a trois semaines, tu t'es cassé pendant plusieurs jours, Samuel. T'as pas donné de nouvelles et t'es rentré dans un état lamentable. Et tu sais ce qu'a été ton ultime erreur ? Tu lui as menti. Encore.

Samuel sentit une rage brûlante faire bouillonner son sang dans ses veines. Ses poings se crispèrent derrière son dos, ses yeux verts se pailletèrent de glace. S'assombrirent.

— Qu'est-ce que t'en sais ? cracha-t-il avec véhémence.

Arthur n'y tint plus, plongeant une main dans ses cheveux humides pour se les arracher.

— Parce que t'es pas le seul à subir Aristote ! vociféra-t-il d'une traite.

À peine Arty avait-il prononcé le prénom d'Aris que Samuel se figeait comme une statut de marbre. Ses doigts s'allongèrent, ses poings se défirent et ses bras retombèrent le long de ses hanches. Se balancèrent comme des poupées de chiffon pendant une seconde. Son regard était indéchiffrable.

Curieusement, Arthur n'y décelait aucune fureur. Aucune rage, aucune peine. C'était plus puissant. Plus étouffé. Plus lointain. Comme une vibration au fond d'un gouffre. Sa détermination à s'en sortir s'était logée dans cette abîme de ténèbres et ne réussissait plus à projeter son écho suffisamment loin pour l'inciter à remonter la pente.

À cet instant précis, Samuel avait mis une telle distance émotionnelle entre eux qu'Arthur ne savait plus comment l'aborder. Son regard polaire, sa posture menaçante, ses muscles bandés, son rictus méprisant et méprisable : Arty ne le reconnaissait plus. Samuel avait toujours été un peu morose, un peu renfrogné, un peu bagarreur. Un peu triste, dur, sec. Mais il n'avait jamais été un tel salaud.

Car si l'on pouvait qualifier Samuel d'un tas de choses, Arthur savait ce qu'il n'était certainement pas : un enfoiré – plus encore lorsqu'il était question de Rory. Pourtant, sa réaction le déconcerta. Les paumes de Samuel vinrent s'écraser contre son thorax et le propulsèrent contre une armoire qui tressaillit sous le choc. Les gonds vibrèrent contre l'échine dorsale d'Arty tandis que Samuel dardait sur lui une paire d'yeux orageux.

— Tu crois m'apprendre quelque chose, Arthur ?

Il avait dit ça en gloussant. Comme s'il se moquait de lui. Arty se rembrunit. Samuel devenait blessant.

— Sérieusement ? fit-il d'une voix rauque, puis, sereinement : tu sais quoi ? Peut-être qu'Aristote est un putain de génie, tout compte fait. Un manipulateur grandiose, comme Saul. À croire que c'est héréditaire, non ?

Arty n'eut pas le choix que de rester bouche bée. Littéralement bouche bée. Il ne comprenait pas ce que son ami sous-entendait. Mais il n'avait pas envie de rester ici. Le rictus de Samuel s'agrandit.

— Dégage, Arty.

Étrangement, il n'eut pas à le répéter deux fois.

DARK KINGWhere stories live. Discover now