CHAPITRE 20 - « Personne ne peut le contester »

493 23 0
                                    

               Bronn sur les talons, je fais irruption dans la chambre de Tyrion. J'aurais pu me rendre directement dans les appartements de Joffrey mais je préfère tout de même assurer mes arrières.

               Le nain, allongé dans son lit avec Shae, se redresse précipitamment afin de se couvrir.

- Puis-je savoir ce qui vous prend ? s'offusque-t-il.
- A l'heure où je vous parle, les hommes du Guet ratissent la ville à la recherche des bâtards de Robert. Des enfants sont assassinés dans les bras de leur mère sous prétexte que Joffrey manque de confiance en lui.
- Que dites-vous ?

               Sans plus attendre, je lui raconte la scène à laquelle Ros a assisté quelques minutes plus tôt. En omettant bien sur les raisons de ma présence sur place. Tyrion ne sait rien de ma liaison avec Littlefinger et il faut que cela demeure ainsi. La confiance que le Lannister place en moi m'est très précieuse.

- J'ai surpris une conversation entre Joffrey et Cersei ce matin, j'explique. Il lui faisait part de son inquiétude quant au fait que Robert ait plusieurs batards en liberté qui pourraient revendiquer le trône.
- Il est donc au fait des autres rumeurs.
- Celles sur Jaime ? Oui. Il en a entendu parlé.
- Et vous êtes sûr qu'il a ordonné cette attaque ?
- Non... J'ai tenté de le raisonné. Je lui ai dit que peu importe le nombre de personne qui souhaitent monter sur le trône, il est le seul vrai roi.

               En temps normal, le roi est pendu à mes lèvres. Je croyais donc qu'il serait revenu sur sa décision et aurait assis son pouvoir d'une manière différente. Pourquoi est-ce que je ne peux accepter une bonne fois pour toutes qu'il me décevra toujours ?

- Allez retrouver votre époux, me dit Tyrion.
- Après ça ? Je ne peux pas passer la nuit dans le même lit que lui.
- Vous le devez. Ce problème sera régler d'ici à demain mais vous devez canaliser Joffrey.
- De toutes évidences, cela ne sert à rien.
- Diana...

               Le Lannister prend alors mes mains dans les siennes. Ce geste se voulant rassurant me semble plus condescendant qu'autre chose. J'ai l'impression que tout le monde dans ce château me traite comme une enfant, il serait temps que cela change.

               Tyrion a raison.

- Je le sais, je déclare après une longue inspiration. Je vais donc retrouver mon tendre amour, notre bon roi Joffrey.
- Je n'ignore pas votre peine.
- Nous en reparlerons demain. Bonne nuit, messire.

               Je baisse légèrement la tête pour les saluer tous avant de sortir de la pièce, désemparée. Je n'ai aucun pouvoir sur la situation. Tout ce qui me reste à faire est me coucher à côté de Joffrey et trouver le sommeil.

♐︎

               Lorsque j'entre dans la chambre, j'y trouve un Joffrey rayonnant entouré de servantes qui le préparent pour le coucher. Un claquement de doigts les fait toutes disparaitre à la vitesse de la lumière, sans un bruit, bien qu'elles prennent le temps de baisser la tête pour me saluer.

- T'ai-je déjà dit que je ne supporte pas que quelqu'un d'autre que toi me déshabille ? me demande-t-il à ma grande surprise.
- Jamais, je réponds, la gorge serrée.
- Que t'arrive-t-il ?

               Les yeux remplis de larmes, je retire mes vêtements sans lui répondre. Le simple fait que Joffrey soit amoureux de moi me brise le coeur. Tout simplement parce que je sais qu'il existe un monde dans lequel nous sommes heureux.

- Diana ?
- J'ai... J'ai vu le bébé...
- Le bébé... ?

               Il lui faut quelques secondes pour faire le lien.

- Ah oui, bien sûr !

               Un sourire triomphal s'affiche sur ses lèvres, il est profondément persuadé qu'il a pris la bonne décision.

- Ce ne sont que des enfants... je me plains. Ils n'avaient rien fait.
- Ils auraient pu. L'un d'eux aurait pu revendiquer le trône. J'ai fait ce que j'avais à faire. Nous sommes en sécurité, maintenant.

♐︎

               Le souvenir de Ros en pleure ainsi que la sensation du corps de Joffrey à côté du mien hantèrent ma nuit. Et quand enfin je crus m'endormir, les paroles de mon époux me revinrent à l'esprit : « nous sommes en sécurité ».

               J'ai compris ce soir que quoique je fasse, je n'aurais jamais de pouvoir sur la situation. A moins, bien sûr, que je ne me décide a renversé l'ordre établi. En faisant cela, je risque non seulement ma vie mais celle de Sansa.

               Alors jusqu'au moment où j'arrêterai d'avoir peur, les Lannister continueront de tuer des innocents et je continuerai de regarder.

               Jusqu'à ce que je n'ai plus peur.

♐︎

               Le jour suivant, je me suis à nouveau entretenue avec Tyrion au sujet du meurtre des bâtards de Robert. En tant que Main du roi, il a bien plus de pouvoir que moi. Il a donc piégé Slynt. Le pauvre homme fut envoyé au Mur pour le reste de sa vie.

               Le commandant du Guet doit être un homme de confiance et non un autre toutou de Cersei. Le meurtre de bébé n'est pas digne de l'un des hommes les plus puissants de la capitale.

               Tyrion en a profité pour placer Bronn à la place de Slynt. Je ne sais pas si Bronn est ce qu'on peut appeler « un homme de confiance ». Il obéit à qui lui remplira sa bourse.

♐︎

               Plusieurs jours ont passé depuis ce terrible incident et le calme s'est réinstallé dans la ville. Après de longues discussions, Tyrion m'a convaincu de ne pas m'écarter de Joffrey. Il a encore l'espoir que j'ai une quelconque influence sur mon époux. J'ai personnellement cessé d'y croire à cause de ce qu'il s'est passé hier soir.

               Cela faisait des jours que je ne voulais plus l'approcher et il savait très bien ce que je lui reprochais.

- Venez dormir, m'a-t-il dit.

               Assise face au balcon, je lui répondis sans le regarder.

- Je ne suis pas fatiguée, Majesté.
- Allez-vous m'en vouloir encore longtemps ? Il fallait que ça soit fait.
- Si vous préférez vous en persuader pour dormir sur vos deux oreilles, grand bien vous fasse. Vous ne pouvez pas m'obliger à faire de même.
- Mon trône était en danger ! s'énerva-t-il alors.

               Je me décidai enfin à me lever pour le rejoindre au centre de la pièce.

- Ce n'était que des bâtards ! je crache. Rien d'autres que des enfants illégitimes trop pauvres pour manger à leur faim ! Qu'est-ce qui vous fait donc aussi peur ?
- Des rumeurs circulent, vous le savez pertinemment. Je ne peux laissez personne me...
- Et alors ?! Jaime était bien plus beau que Robert, et alors ?!
- Taisez-vous !! s'écria-t-il.
- NON !!!

               La gifle qu'il m'a infligé après cela me ramena violemment sur terre. Était-ce donc tout ce que j'étais ? Une reine sans pouvoir condamnée à obéir à un roi cruel ?

               Mais je ne ripostai pas, cela ne m'aurait apporté que plus de problèmes. Tout ce que j'ai fait, alors que mon corps entier tremblait, c'est embrasser sa joue.

- Vous êtes le roi, mon amour. Personne ne peut le contester.

               Joffrey, lui, s'est contenté de m'observer en silence.

               Je n'ai plus espoir.

Hear me Roar (RÉÉCRITURE)Where stories live. Discover now