Saint of the Dead - partie 1

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Le ciel, au crépuscule, en plein mois de décembre. Ses teintes orangées, rouges et violettes donnent une impression de fin du monde.
Sur Terre, certains ne sont pas loin de penser que c'est précisément ce qui les attend.

— Alleeeeeez ! Alleeeeeeez !
L'homme qui crie est un habitué du « Faisons le à la dernière minute ». Un adepte, même, devrais-je dire. Car, au fil des années, il est parvenu à élever cette pratique au rang d'art.
Habillé d'un long manteau rouge relevé de broderies et de boutons dorés, chaussé de bottes, aussi noires que son âme, auraient affirmé ses opposants. Il porte la barbe. Ça mieux fournie qu'il évite de se la raser entre juillet et janvier vu qu'il était spécifié dans son contrat de travail qu'il doit la porter longue et propre la nuit de sa tournée. Malgré cette contrainte, il ne laisse jamais ses cheveux blancs dépasser la taille affolante des 3 cm. Ça ne plaît pas beaucoup à sa direction, mais il a rétorqué un jour où on lui en avait fait la remarque que, de toutes façons, son crâne est systématiquement caché par la mitre lorsqu'il travaille. Le grand patron n'ayant rien pu trouver à redire à cela, l'a donc autorisé à garder les cheveux cours, même si c'est assez marginal dans la profession.

Affublé d'un long visage rosé, d'un nez assorti, entendez par là, long et coloré lui aussi, et de petits yeux gris, il flirte avec les deux mètres de haut et ne semble pas avoir un seul gramme de trop accroché aux viscères.
Il est connu de ses collègues sous le sobriquet de « Nico-la-déconne », voire de « Nick le Fou » pour les moins fans de sa personnalité, dirons-nous, assez particulière.

Et, en ce 4 décembre, Nico-la-déconne s'active devant les fours géants qui ont été mis à sa disposition voilà bien longtemps. Un 4 décembre somme toute très ordinaire pour notre homme, si l'on tient compte du fait qu'ils se ressemblent tous beaucoup depuis quelque 800 ans.
Nicolas cours en tous sens, houspille les quelques Saints, des nouveaux, qui ont accepté de lui prêter mains fortes, leur demandant de s'activer un peu dans la préparation de la pâte à spéculoos ou le façonnage des petits sujets en massepains.

Alors qu'il sort les plaques brûlantes remplies de biscuits encore fumants du four, pour en enfourner d'autres aussitôt, un homme arrive à sa hauteur, tenant en longe un petit âne gris.
L'homme à la peau foncée est habillé d'un jean et d'un débardeur blanc. Ses cheveux tressés sinuent sur son crâne comme autant de serpents tentateurs et retombent en désordre dans son dos musculeux.
Il interpelle Nicolas sans remarquer que le petit âne, à qui il laisse trop de mou, est en train d'engloutir sa seconde effigie du Grand Saint en Spéculoos.
— Dis donc, Nick, faudrait voir à pas trop charger Myre avant le grand jour. Tu sais que c'est lui qu'à le plus de boulot, le 6.
Cette fois, il voit le petit âne gober trois cochonnets en massepain et il raccourcit subrepticement la longe avant que quelqu'un d'autre ne s'en aperçoive. Myre a tout de même le temps de s'en envoyer six de plus avant de se retrouver au côté de l'homme, tenu trop court pour pouvoir s'empiffrer davantage.
Nicolas, les bras remplis de paniers contenant des friandises encore chaudes, efface la plainte d'un haussement d'épaules.
— Y bosse qu'une semaine par an, Y va pas s'plaindre, non plus.
— Tout comme toi, murmure l'homme aux tresses assez bas pour ne pas être entendu. Ça ne t'empêche pas d'être invivable trois mois avant et trois mois après.
Faisant un pas de côté pour éviter le grand saint prêt à charger ses paniers sur le dos de l'âne, il avise la crosse posée par terre et s'en empare.
— Pourquoi tu n'utilises jamais ça ? Ça va quand même beaucoup plus vite ainsi.
Et, joignant le geste à la parole, il fait effectuer quelques rotations à l'engin. En deux secondes, les biscuits crus posés en attente devant les fours, gonflent et brunissent, les portes des gigantesques fours s'ouvrent toutes et déversent leurs gâteaux parfaitement cuits sur les tables attenantes.
— Nom didju ! S'écrie Nicolas en lui sautant dessus. Je n'en ai pas le droit. Tu le sais !
Ils roulent sous les tables dans un simulacre de combat qui n'effraie que les nouvelles têtes. Deux saints nouvellement nominés se lèvent de leurs chaises et leur adjoignent de se calmer, que tout cela n'est pas digne de leurs rangs ni de la belle tache qui est la leur. Les autres, bien que canonisés depuis moins d'un an, sinon ils n'auraient jamais accepté de fournir de main d'œuvres pour la préparation des biscuits, ne relèvent même pas la tête. Ils ont tous compris comment fonctionnent les deux amis.

L'Avent Tuera (calendrier de l'avent 2019)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant