L'Avent Tuera (calendrier de l'avent 2019)

All I want for christmas - partie 2

Trente-et-unième jour.
10 H 35. Dans une vieille paire de tennis agrémentée d'épaisses chaussettes et boitant légèrement, Gaëlle monte dans son bus. Assise coté vitre, elle observe défiler le terrain vague. Son cœur s'arrête quand elle aperçoit, garé sur le bas coté de la route, un fourgon de police et deux policiers s'en éloignant, guidés par un gamin poussant son vélo à ses côtés.
Elle ferme les yeux au souvenir de l'horrible nuit dont elle sort.

L'homme lui avait sauté dessus. Dans le but de la frapper ? De la violer ? De l'obliger à danser avec lui jusqu'au matin ? Qui pouvait se targuer de le savoir ? Elle, en tous cas, n'avait pas attendu de l'apprendre. Elle avait attrapé la bouteille de bière qui avait atterrit contre sa main et en avait heurté le crâne de l'assaillant sans l'ombre d'une hésitation. Lui infligeant une blessure bien plus sanglante que la sienne. Il avait roulé sur le côté en geignant et elle en avait profité pour se relever. Il l'avait regardée et un sourire était né sur ses lèvres malgré sa tempe ensanglantée.
— I don't want a lot for Christmas... gnégnégné Christmas tree, gnégnégné All I want for Christmas is.... youuuuuu.
Il perdait la tête. Ou il était habité par l'Esprit de Noël Dégénéré. D'une main, il se barbouillait la moitié du visage de sang en tentant probablement juste de l'essuyer, de l'autre, il tachait d'attraper la jambe de Gaëlle dans un mouvement désespéré.
Quand il entama un second couplet, elle le frappa à nouveau. Il fut surpris. Probablement. Mais pas longtemps, car elle frappa une troisième fois, puis une quatrième et une cinquième. Quand elle s'arrêta, il y avait longtemps que plus aucune main ne tentait de lui attraper la jambe, le pied ou quoi que ce soit d'autre.
Ses bras et son visage étaient maculés de sang, tout comme le sol autour d'elle et le cadavre qui gisait à ses pieds.

Sans plus réfléchir elle avait repris sa route, était rentrée chez elle sans croiser personne. Dans la salle de bain, elle avait ôté ses vêtements et avait longuement observé son corps recouvert de sang dans le miroir en pied collé à la porte. Elle était entrée dans la baignoire, s'était caressée ainsi en regardant couler l'eau et le sang sur la porcelaine blanche. C'était la première fois de toute sa vie qu'elle ressentait un sentiment de ce genre.

Avant d'aller dormir, elle était ressortie pour nettoyer les poignées de portes de l'immeuble et de l'appartement où elle avait laissé des traces sanglantes. Elle avait ensuite caché ses vêtements et ses bottes dans un grand sac Zara sous son lit. Thomas ne s'était même pas réveillé, il avait pris l'habitude de l'entendre rentrer tard à cause du boulot. Il s'y était fait tellement vite. En général ça l'énervait, mais aujourd'hui elle en était plutôt reconnaissante.
Elle avait peu dormi, inquiète à l'idée que Thomas, pour une raison ridicule, se réveille avant elle et se mette à fouiller sous le lit.

À 5 h, elle s'était levée, habillée de vêtements sombres et était sortie avec son sac compromettant. Elle avait marché jusqu'à une ruelle où se réunissait souvent quelques SDF, mais qu'elle savait vide depuis une semaine grâce à l'intervention de la police qui avait fait évacuer tout le monde après qu'un vieux ait reçu un coup de poignard dans le ventre et manqué y passer.
Ayant repéré un vieux bidon métallique dans lequel les sans-abris faisaient régulièrement du feu, elle y bazarda ses affaires, les arrosa avec le contenu d'une petite bouteille de rhum prise à la cuisine et y laissa tomber une allumette. Elle avait regardé la flambée quelques minutes, hypnotisée par la danse des flammes, puis avait tourné les talons et était rentrée se blottir sous les draps.

En repensant à tout cela, assise dans le bus, les yeux fermés, Gaëlle sourit. Décembre lui semblait soudain moins morne.

A Noël je t'ai donné mon cœur
Mais dés le jour d'après
Tu l'a rejeté
Cette fois je le donnerai
A quelqu'un qui veut mon bonheur