Quand Sam se réveilla, l'aube ne pointait pas encore à l'horizon, en revanche l'orage était passé, laissant juste derrière lui une fine pluie glacée. L'espace d'un instant le garçon angoissa en ne reconnaissant pas la chambre d'ami de la maison de sa grand-mère. Mais rapidement la mémoire lui revint. L'orage, la grotte, le garçon contre qui il s'était endormi et dont il sentait le souffle dans ses cheveux... Il se dégagea juste assez pour attraper la lampe torche et l'alluma. À cause de la position dans laquelle il avait dormi, son corps était complètement endolori et il vit, plus qu'il ne sentit, le bras de Gianni, celui contre lequel il était adossé, lui enserrer la taille. Du bout des doigts de sa main libre, il caressa la grande main posée sur son ventre, se demandant quelle signification donner à cet élan d'affection. Il regrettait que son manteau soit à ce point épais, car il l'empêchait de sentir directement le contact de ce poids qu'il devinait si agréable. En pleine contemplation des longs doigts fins, il se mit à imaginer quelles sensations il ressentirait s'ils étaient posés à même sa peau, s'ils effleuraient son torse de la même manière qu'il les effleurait lui-même en ce moment. Il se mit alors à frissonner, à sentir son dos se couvrir de chair de poule et, craignant d'avoir trop bougé, il se retourna vers le visage, espérait-il, toujours endormit de celui qui, il finissait par l'admettre, faisait de plus en plus battre son cœur.
Or, Gianni n'était plus du tout endormit, ses yeux foncés rendu légèrement brillant par le halo de la lampe torche fixait Sam intensément. Celui-ci eut un mouvement de recul quand il s'en rendit compte, depuis quand l'observait-il ? Il cessa ses caresses sur le champ et voulu retirer sa main, mais celle de Gianni fut plus rapide, elle se retourna et enserra la sienne. Sous le coup de l'émotion, Sam ne comprit pas ce qui se passait. Il libéra sa main et se remit debout en chancelant à cause des fourmis qui courraient dans ses articulations. Il bredouilla "P-Pardon..." et sortit en emportant la torche, laissant Gianni seul dans le noir le plus complet.Des aller-retours dans les cailloux, le cœur qui bat la chamade, les yeux qui picotent et les joues en feu. Comme l'horizon d'ailleurs, qui se parait doucement de ses couleurs matinales. Sam était perdu. Gianni l'avait vu lui caresser la main, il l'avait senti aussi. Qu'avait-il du penser ? Qu'allait-il dire ? Il n'oserait plus jamais le regarder en face. D'ailleurs, il ne voudrait peut-être même plus partager la maison avec lui. Il devait partir. Fuir. Loin. Ou au moins jusqu'à la maison. Et là, il s'enfermerait dans sa chambre jusqu'à ce que tout soit oublié. Ou jusqu'à ce que son ex-ami lui annonce qu'il s'en allait aussi loin de lui que possible.
Le jeune homme perdait complètement les pédales à tourner et retourner sous la pluie en face de cette grotte. Finalement, il pivota une dernière fois, bien décidé cette fois à courir jusqu'à la maison en abandonnant Gianni. Mais quand il se retourna, prêt à prendre la fuite, il se heurta de plein fouet à l'homme qui était lui aussi sortit des ténèbres de la faille.
Tout en reculant de quelques pas, Sam bredouilla :
— Gianni... Je- Non. Enfin, je... J'ai rien...
— Sam attend, je-
— Non. Je ne voulais pas, je t'assure. Je suis désolé. Encore.
— Sam...
Toutes sortes d'images se bousculaient dans la tête de l'adolescent alors qu'il regardait son ami tendre les mains vers lui, dans la même posture qu'il avait utilisée lui-même lors de leur rencontre. Il revoyait le corps dénudé du jeune homme, ressentait sa main sur son ventre ainsi que son corps contre le sien, ce matin bien sûr, mais aussi tous les autres matins au réveil quand Gianni avait sauté dans son lit. Lors de ces moments-là, il ne s'était pas rendu compte de ce qu'était ce sentiment qui montait en lui, il n'avait pas compris qu'il attendait ces réveils brutaux pour le contact bref, mais pourtant bien présent, qu'ils représentaient.
Et ce matin, sous les ténèbres fuyantes, la torche braquée sur le torse de cet homme qui était encore un inconnu une semaine auparavant, il était pris d'une furieuse envie de lui sauter au cou pour l'embrasser. Inconsciemment, il passa sa langue sur ses lèvres dans un mouvement rapide et anxieux. Il tenta de se contrôler, mais c'était trop difficile de lui faire face de la sorte. Il n'était pas un bon ami, en plus d'être un gamin impulsif et stupide, il ne méritait pas l'amitié d'une personne qui, tel que Gianni, s'en remettait totalement à lui. Il grimaça et se retourna quand il sentit ne plus pouvoir contrôler ses larmes. C'est en retenant au mieux ses sanglots qu'il avoua.
— Je suis désolée. Gianni, je suis désolé... Je voulais pas-je-je pensais qu'on était amis mais... Oh merde. Gianni, pardon...
Il hoqueta de surprise quand les mains de Gianni se posèrent sur ses épaules et quand celui-ci lui susurra à l'oreille "Je ne veux pas être ton ami, Samy." Il ne put empêcher deux grosses larmes de s'échapper de ses yeux.
— Je suis tellement désolé...
— Non. Tu ne comprends pas.
En exerçant une pression plus forte sur les épaules de Sam, Gianni le fit se retourner face à lui. Il se baissa un peu pour capter son regard alors qu'il était fixé sur le sol et il reprit.
— Je ne veux pas être ton ami, Sam. D'un mouvement lent, il approcha son visage, Sam, ayant un peu perdu le sens des réalités et ne comprenant pas ou il voulait en venir ferma les yeux, libérant pas la même quelques larmes supplémentaires. Quand la bouche de Gianni se colla à la sienne, il n'y crut d'abord pas. Quand leurs fronts entrèrent en contact, il ne broncha pas.
— Pas ton ami...
Mais quand Gianni l'embrassa une seconde fois, il s'autorisa à lui rendre son baiser.
Le soleil avait quitté l'horizon désormais et la pluie avait presque cessé. Les garçons étaient fourbus, fatigués et moites de l'humidité de la grotte couplée la transpiration due à l'épaisseur de leurs vêtements, mais aussi excités et heureux de s'être enfin trouvés.

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L'Avent Tuera (calendrier de l'avent 2019)
Short Story25 jours de nouvelles, souvent terrifiques, sur le thème de Noël, de l'hiver, de l'avent. Avec de vrais morceaux de psychopathes, de vampires, de zombies et de p'tits vieux. Des nouvelles tantôt trash, tantôt gores, tantôt amusantes. Peu de guimauv...