CHAPITRE 35 - PARTIE 1 : "Mais pour qui se prend-il ?"

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C'est curieux mais si on m'avait expliqué tout ce qui m'attendait, tout ce que j'allais bientôt vivre et ce à quoi j'allais devoir faire face, je ne l'aurais sans doute jamais cru, encore une fois, j'étais trop naïve pour imaginer qu'une situation si complexe se résoudrait si rapidement. Et pourtant, j'étais habituée à présent aux renversements de situation, aux surprises, aux imprévus et aux bouleversements.

A partir de cette soirée-là où ma mère était entrée chez mon amie en perturbant l'ambiance qui s'était paisiblement installée, les choses se gâtèrent terriblement entre elle et moi. Lors de la fête, lorsqu'elle avait fait irruption en robe de chambre, pyjama et pantoufles en dévisageant de la tête aux pieds toutes les filles qui se trouvaient sur son passage, des filles qui n'étaient "que" des amies, ma mère m'avait vraisemblablement fait connaître la honte de ma vie. Mais ce n'était rien face à ce qui m'attendait, rien du tout. Seulement, j'étais encore bien loin d'imaginer quoi que ce soit !

Quelques semaines passèrent, quelques semaines toutes plus dures les unes que les autres, jusqu'à ce jour où une nouvelle épreuve vint me secouer et ébranler un peu plus ardemment la relation, aussi fragile soit-elle, que j'entretenais tant bien que mal avec ma maman, un semblant de relation auquel je demeurais attachée, un semblant de relation auquel tout mon être semblait vouloir s'accrocher, en vain. Je voulais persister à croire qu'il restait quelque chose entre nous, pas forcément des liens chaleureux et fusionnels comme ceux du début, comme ceux qui avaient bercé mon enfance mais quelque chose d'humain avant tout, un peu de compassion, de compréhension, de tolérance. Je désirais simplement une chose plus que tout : retrouver l'amour qui emplissait autrefois son regard, revivre toute la fierté qu'il y avait autrefois dans ses prunelles lorsqu'elle me regardait. C'est tout ce que je demandais, c'est tout ce à quoi j'aspirais. Les jours passaient et cet espoir que je nourrissais se consumait inexorablement jusqu'à ce qu'il ne me reste qu'un mince souvenir de ce qu'était autrefois le lien qui me liait à ma maman. Tout ce que je pouvais entrevoir dans ses yeux à présent n'était que de la pitié.

Je me souviens de toute une suite d'événements qui ont eu lieu à cette époque, des événements intolérables qui se sont enchaînés successivement les uns après les autres entre ma mère et moi, des disputes et des chamboulements qui m'ont davantage poussée vers l'extrémité dans laquelle je me suis retrouvée piégée, dans cet état de non-retour et de dépression croissante qui enfermait mon esprit dans un enfer dont je ne pouvais parvenir à me dépêtrer toute seule, dont je ne pouvais m'extirper par mes propres moyens.

Le premier de ces événements, si ma mémoire est bonne, remonte au matin où nous avons eu la visite du médecin de la famille, qui est aussi un ami de longue date de mes parents. Ma petite sœur Camille était bien malade. Il est donc venu à la maison pour l'ausculter. Le temps passait. Je restais dans ma chambre, je m'isolais dans mon petit monde dans lequel je pouvais m'évader comme bien souvent, un monde que je me construisais grâce à tous les romans qui habitaient ma chambre. Tantôt je m'enlisais dans mon imagination que chacune des phrases que je lisais alimentait en moi, une imagination qui donnait naissance à des rêveries agréables, tantôt je percevais le bruit des discussions qui émanait péniblement du rez-de chaussée, les murmures des lointaines conversations entre ma mère et le médecin, sans doute sur le diagnostic que ce dernier avait dressé de Camille.

C'est alors qu'un appel résonna dans les escaliers, se propagea dans toute la maison, et se répandit jusqu'à ma chambre, un appel qui me tira hors de mes songes et de ma lecture :

- "ALICE ?"

Ma mère venait de m'appeler. Après un bref sursaut, mon corps resta immobile.

"OUI ?

- TU PEUX DESCENDRE S'IL TE PLAIT ?"

C'est ce que je fis, non sans anxiété et dans une incompréhension la plus totale. Mais pourquoi voulait-elle que je descende ? Je ne comprenais pas la nécessité et l'importance de ma présence à cet instant même au rez-de chaussée alors que le médecin était toujours là. Cela me semblait tellement louche. Qu'est-ce qui m'attendait ? N'était-il pas venu simplement pour Camille ? Peut-être mon inquiétude n'avait pas lieu d'être. Je me faisais certainement du souci pour rien ? Je tentai de me rassurer. Décidément, des surprises m'attendaient.

COUPABLE D'ÊTREWhere stories live. Discover now