CHAPITRE 19 - PARTIE 1 : "Un rien me suffisait"

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Oui, un rien me suffisait, le moindre regard involontaire qui m'était adressé était, pour moi, le fruit d'un sentiment de bien-être inégalé. Son numéro, je l'espérais, allait me permettre de passer d'un rien à beaucoup plus de choses que mon cœur souhaitait sans jamais avoir le courage de l'exprimer et d'extérioriser ses propres désirs. La journée passa lentement, très lentement, elle fut plate, monotone avec pour seule source de réjouissance et de satisfaction, le regard d'Annah que je ne croisai qu'une fois, seulement une bête et idiote fois involontaire. Cela me faisait souffrir de voir qu'elle ne savait même pas que j'existais, de voir que ces regards n'étaient pas le fruit d'une envie ou d'un besoin particulier mais plutôt celui d'un malheureux hasard. Je détestais cette impression d'être transparente, cette sensation d'accorder autant d'importance à quelqu'un qui ne connaissait rien de ma personne, pas même mon existence et qui ne voyait pas en moi ce que j'étais capable de lui apporter si elle m'en laissait l'opportunité. Lorsque je rentrai chez moi le soir après les cours, je m'empressai de réfléchir à ce que j'allais bien pouvoir lui envoyer pour créer le premier contact. Finalement je trouvai uniquement l'excuse ridicule de sa coupe de cheveux. Mes doigts se mirent alors à écrire assez mécaniquement et intuitivement :

"Salut Annah! Je sais que tu ne me connais pas mais je m'appelle Alice Reynaud et on est dans le même lycée, je ne sais pas si tu vois qui je suis? Je voulais simplement te dire que j'adore ta coupe de cheveux. Je voulais me les couper aussi il y a quelques temps mais je ne savais pas trop quelle coupe faire. Je voulais te demander, c'est dur à coiffer ? Tu mets du temps?"

Voici, à peu près, ce que je pus lui envoyer. Arriva alors le moment le plus dur que chacun d'entre nous connaît: l'attente. L'attente d'une quelconque réponse, une réponse qui ne viendrait peut-être jamais, car rien ne me garantissait qu'elle m'accorderait assez d'importance pour me répondre. Malgré mon espoir, je cessai d'y croire au fur et à mesure que les minutes et les heures s'écoulaient. J'allai aider ma mère à mettre la table pour faire passer le temps qui devenait insoutenable. D'ailleurs, en parallèle à tout cela, ma mère commençait peu à peu à me faire comprendre qu'elle se doutait de quelque chose avec des expressions comme "tu es bien dans la lune", "tu n'entends pas quand je te parle", "tu as l'esprit ailleurs quand je te dis quelque chose". Elle me connaissait à la perfection, ce n'est pas pour rien que c'est elle qui m'a mise au monde, ce n'est pas pour rien que c'est ma maman. Elle savait pertinemment que j'étais amoureuse. Tant pis, je ne saurais lui cacher davantage même avec toute la bonne volonté du monde dont je faisais preuve, je devais faire avec tant qu'elle ne découvrait pas qu'il s'agissait d'une fille. Oh non, il ne fallait pas, certainement pas.

Soudain, mon portable vibra. C'était Annah.

COUPABLE D'ÊTREWhere stories live. Discover now