« Oui, mais pas sur le trottoir. Il est tard et il caille. »

Je tendis le bras, lui offrant ma main. Il la prit, souriant, et je le guidai jusqu'à mon appartement.

J'avais abandonné Grès dans le salon, le temps de me passer sous l'eau et de passer des habits plus confortables. Démaquillée, rafraîchie et vêtue d'un jogging, je le rejoignis. J'eus un petit choc en voyant Grès en t-shirt, jean et chaussettes, installé à la table de la cuisine avec un café fumant devant lui. Une partie de moi avait rêvé de cette vision durant des années. Et il était là, souriant légèrement, me couvant de ses yeux gris.

Je me servis une tasse et m'assis face à lui.

« Je me suis dit qu'il serait bienvenu de te préparer un café.

— Merci Grès, c'était une bonne idée.

— J'aime bien ton appartement.

— Merci ! Je l'adore ! »

Le café était bon. Il avait la voix douce et basse.

« Alors, tu voulais que l'on discute de quoi Grès ?

— De nous.

— ... Nous qui ?

— Toi et moi.

— Explique-toi. Il me semblait qu'il n'y avait jamais vraiment eu de nous et, qu'en tout état de cause, il n'y en avait plus depuis... hum... huit ans. »

Il mima avoir été touché en plein cœur par un projectile.

« Tu es dure ! »

Je haussai les sourcils.

« Et j'ai été nul de disparaître comme ça Myriam. J'aurais dû avoir le courage de te quitter. »

Je ne riais plus.

« Oui, tu aurais dû faire ça. J'ai passé des années à me demander pourquoi je ne valais même pas l'effort d'une rupture en face à face. Je me suis dite que j'étais tellement insignifiante pour toi que je ne méritais même pas ce qui est de l'ordre du respect basique. Tu as disparu comme ces connards qui partent acheter des clopes et finissent au Belize. »

Il me regardait, ahuri, la bouche ouverte, les yeux écarquillés.

« Mais... Quoi ?

— Qu'est-ce que tu n'as pas compris ?

— Tu as cru que tu ne valais pas la peine que je te dise que je voulais te quitter ?

— Durant des années, mais maintenant, je sais que tu es seulement inhumain. Tu n'as probablement pas réalisé que je ressentirais ça.

— A vrai dire, je n'avais effectivement pas envisagé ça... »

Il avait l'air d'avoir percuté un TGV lancé à pleine vitesse. Je me sentis coupable, il avait l'air si désemparé et tout ceci était loin pour moi.

Même un être comme lui doit apprendre à ne pas se croire au-dessus d'une erreur. Et lorsqu'ils en commettent, ils doivent les assumer, comme tout le monde. Ne lui épargne pas ça.

« Je suis désolé Myriam. J'avais cru faire ce qui était le mieux pour toi en prenant soin de m'assurer que tu avais un plan de secours, et te quittant avant que quelqu'un apprenne notre situation et que tu sois en danger. De toute évidence, j'avais mal évalué ce que tu ressentirais. »

Je haussai les épaules.

« Je m'en suis remise. Du coup, tu m'as quitté pour me dissimuler à tes ennemies ? »

Le Chant de la LuneWhere stories live. Discover now