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Nathan me suivait en silence. Il pleuvait et nous marchions vite. Habitant près de la librairie, elle-même située dans le centre-ville piéton de Mende, je venais toujours travailler à pied. La plupart du temps je considérais ça comme un luxe, mais aujourd'hui, sous la pluie et accompagnée d'un adolescent en fugue parfumé au loup-garou, j'avais vraiment hâte d'arriver chez moi.

Je ne savais pas trop comment amener le sujet des loups avec le petit. Il était évidemment impossible de lui dire « Hey au fait, le loup imaginaire qui vit dans mes rêves vient de me dire que tu sentais le loup, alors j'me demandais si, par hasard, c'était de la meute du Mont Lozère que tu avais fugué ? ». D'un autre côté, il était certain que ce sujet serait à aborder assez rapidement. Héberger un fugueur c'était déjà un peu discutable, mais si ce gamin fuyait des loups-garous, ça devenait probablement une activité carrément dangereuse.

Perdue dans mes pensées, je sursautai lorsque Nathan m'attrapa le bras. À bout de souffle, il peinait à me suivre.
« Pu... rée ! Tu avances vite !
– Oh désolée, c'est qu'il pleut, je suis pressée de rentrer. Mais on est presque arrivés ! »

Je ralentis tout de même un peu le pas en l'observant avec plus d'attention. Il était plus grand que moi, comme à peu près tout le monde puisque j'étais vraiment petite, n'ayant jamais réussi à atteindre le mètre soixante. À vue de nez, il frôlait le mètre soixante-quinze, pas plus. Il était tout maigrichon, un vrai sac d'os comme certains adolescents qui grandissent d'un coup, sauf qu'il n'était pas si grand. Et surtout, j'étais dynamique mais pas vraiment sportive. Je veux dire que j'étais habituée à de longues promenades, pas à faire un triathlon tous les samedis après-midi. Et pourtant, il peinait. C'était surprenant, surtout si ce jeune homme vivait vraiment parmi une meute de loups-garous. Ces derniers étaient en effet réputés pour leur bonne condition physique.
Mais... Peut-être que tout cela était faux. Peut-être que le loup des rêves ne m'avait pas parlé, que j'avais juste eu un petit moment de délire.

Pas du tout. Il empeste le loup à trois kilomètres. Et la maladie. Méfie-toi, tout cela est bizarre.

« Alors quand je disais que tu allais vite, je ne te demandais pas non plus de t'arrêter. »

Je lançai un regard totalement halluciné au gamin. Je m'étais arrêtée tant la surprise avait été violente.

« Est-ce que ça va... ? »

J'essayai de me reprendre et me remis à marcher en secouant la tête.

« Olala oui pardon, c'est seulement que j'ai subitement pensé à un truc et que ça m'a fait disjoncter le cerveau. »

Le maniement de l'euphémisme est une forme d'art, j'y excellai.

Il me regarda un peu bizarrement mais ne releva pas. Fort heureusement, nous étions enfin arrivés en bas de chez moi.
J'habitais un appartement sous les toits d'un immeuble de trois étages. Évidemment, pas d'ascenseur, mais trois étages, ça se faisait bien et ici, on sait apprécier le fait d'habiter là où toute la chaleur de l'immeuble s'accumule.

Je composai le code de l'immeuble, récupérai mon courrier et entrepris l'ascension. Là encore, je l'entendis souffler plus que ce qu'il aurait dû. Je m'obligeai à ralentir et j'eus une idée. Profitant qu'il était momentanément occupé à souffrir dans les escaliers, j'essayai un truc, en parlant dans ma tête.

Loup des Rêves, tu m'entends ? Tu es là ?

Oui.

Wow. Je ne suis pas en train d'halluciner alors ?

Non, les choses suivent leur cours.

Je dois consulter un psy ?

Tant que je ne te demande pas d'aller délivrer Orléans des Anglais ça ne devrait pas être nécessaire.

Le Chant de la LuneWhere stories live. Discover now