Chapitre 5 - Les caves du château

1.9K 279 12
                                    

Maurice m'entraîna dans un tunnel mal éclairé et humide. J'avais fini par remettre mes chaussures et elles faisaient le bruit caractéristique du caoutchouc sur un sol inégal et mouillé.

L'ascenseur me semblait maintenant à des kilomètres de distance. Nous nous arrêtâmes enfin devant une porte. Armand, qui jusqu'alors s'était tenu en retrait, passa devant nous et posa la main sur la poignée. Il me regarda longuement, le visage inexpressif.

Finalement, il ouvrit la porte. Je lâchai la main de Maurice lorsqu'il entra. Je ne bougeai pas, le loup-garou s'arrêta et se retourna vers moi.

Une brûlure familière avait envahi ma gorge et le goût de la bile éclata dans ma bouche avant que ce que je percevais ait été traité par mon cerveau.
Je vomis violemment, secouée de hauts le cœur qui venaient comme autant de vagues à chaque inspiration que je prenais.

Respire avec ta bouche.

Je voudrais bien t'y voir, la gueule pleine de bile, loup malin.

Armand se tenait sur le pas de la porte, le visage crispé. Maurice me soutenait.

« Tu veux remonter  ? »

Je secouai la tête de droite à gauche. Je n'avais même pas vu Nathan. Mon corps avait seulement réagi à l'odeur de la pièce. Une odeur insupportable de déjection, de sang caillé, de souffrance et de vomi.

« Tu devrais adopter une respiration buccale, ça aide. « Me conseilla Armand.

Je lui lançai un regard pitoyable et soupirai. Ces loups devaient tout de même savoir de quoi ils parlaient. Ce faisant, je me coupai du sens sur lequel je m'étais le plus appuyé depuis ma sortie de l'infirmerie. J'eus l'impression de me retrouver aveugle et sourde. Le couloir, l'entrée de la pièce étaient plus sombre, les bruits plus étouffés, mes compagnons moins réels. Incroyable comme je m'étais rapidement faite à cet odorat sur-développé que me prêtait Loup des Rêves.

Faiblarde, je me redressai, m'aidant sans honte du bras que m'offrait Maurice. J'avais l'estomac trop fragile pour ces conneries.

Je me laissai guider dans la pièce. C'était, comme le couloir, une grotte artificielle qui avait été arrachée au granite à coup de dynamite et de burin. Le sol était tout de même recouvert d'un plancher brut qui avait le mérite de tenir l'humidité à distance de nos pieds. Dans un des coins, il y avait une sorte de bureau minimaliste. Une petite table en fer avec sa chaise, de quoi prendre des notes, un ordinateur portable. Au plafond courraient des gaines électriques desquelles pendaient quelques prises le long des murs.

Quelques seaux se trouvaient alignés contre le mur au fond de la salle, près de deux armoires métalliques de type casier. Un balai y était appuyé.

Au centre, une table d'examen, surmontée d'un minuscule matelas recouvert de plastique bleu clair sur lequel était allongé Nathan. De lourdes chaînes en métal le maintenaient immobile. Il était entièrement nu. Il n'était pas bien gros lors de notre rencontre, seulement quelques jours auparavant, mais là, il était famélique. Je pouvais compter tous ses os. Même dans la lumière faiblarde dans laquelle nous baignions, sa pâleur était inquiétante. L'adolescent était régulièrement parcouru par de longs frissons. J'entendais sa respiration difficile et le crissement de ses dents qu'il frottait les unes contre les autres. Les traces sur ses joues trahissait les larmes qu'il avait versées.

J'étais horrifiée.

Je lançai un regard mauvais à Armand.

« Pourquoi n'a-t-il rien pour se couvrir ? ! »

Au son de ma voix, Nathan ouvrit ses yeux. Il avait toujours l'air d'avoir la pire conjonctivite de l'histoire, mais son regard était humain. Il était revenu.

Le Chant de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant