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Armand me souhaita bonne nuit en s'inclinant légèrement, et me laissa devant la porte de ma chambre. Je me sentais si fatiguée... Je pris à peine le temps de me brosser les dents avant de me glisser sous la couette.

Je m'endormis immédiatement.

Perdue dans l'obscurité et plus que troublée, fouettée par des rafales de sentiments violents et contradictoire, je marchais. Il faisait nuit et la ville dormait profondément. Une lune pleine et vibrante me surveillait sans répondre à mes appels désemparés.

Ils étaient deux, je les voulais tous les deux. C'était impossible, c'était absurde. Et puis, au fond, là, au milieu des ombres, était-ce réellement pour l'un d'entre eux que mon cœur chantait ?

Je n'en savais rien, j'avais tellement mal. Alors je marchais. Pour n'aller nulle part, poser seulement un pied après l'autre sur l'asphalte gelé. Au cœur de la nuit, veillée par les ombres, j'appelais mes fantômes en pleurant.

Un pas se régla d'ailleurs lentement sur le mien, quelques mètres derrière moi. Le poing fermé, je séchai mes larmes et je me retournai, prête à laisser ma rage exploser sur un apprenti prédateur mal tombé.

Il s'arrêta aussitôt, le visage légèrement incliné sur le côté, ses cheveux noirs mal coiffés lui donnaient un aspect sauvage, il me couvait de ses yeux gris. Il avait un léger sourire en coin lorsque il ouvrit des bras dans lesquels je me jetai.

Grès...

Ses bras refermés autour de moi, il chuchotait des mots doux dans mon cou. Son étreinte se resserra et il me souleva. Loin du sol, loin de mes démons.

« Aller princesse, sèche tes larmes... Je t'emmène avec moi... »

J'étais assise, affalée, sur un canapé. Distraite, ma main caressait le velours pourpre d'un coussin alors que Grès fumait une cigarette d'un air absent. Devant moi, sur la table basse, un café brûlant attendait d'être bu. Il m'avait amené chez lui, me portant tout le long du chemin, malgré le ridicule, malgré mon poids, malgré tout. Je m'étais laissée faire avec reconnaissance, là, au creux de son torse, je me sentais plus apaisée que partout ailleurs.

« L'amour, ah... l'amour.»

Je levai un œil interloqué vers lui. Pas de doute, il se moquait de moi. Je me raclai la gorge d'un air renfrogné. Personnellement je ne voyais rien de drôle à ma situation. En un sens, de toute façon, tout était de sa faute. S'il n'avait pas disparu quelques mois plus tôt, j'aurais continué à l'aimer de temps en temps, depuis le nid d'aigle qu'était mon studio. Je n'aurais pas cédé à la facilité des soirées, des bars, des verres partagés. Et je ne me serais pas retrouvée dans cette situation si délicate.

Un sourire amusé flottant sur ses lèvres, il se leva de sa chaise et vint me rejoindre sur le canapé après avoir abandonné son mégot à un cendrier gourmand.

Je sentais son souffle dans mon cou, un menton rugueux sur mon épaule, sa voix comme une caresse... Je m'abandonnai contre lui à nouveau.

« Alors Myriam... Raconte-moi... Tu as enfin rencontré un gentil garçon ? »

Sa remarque m'arracha un douloureux sourire. Je tournai, difficilement, ma tête vers lui et déposai un baiser à la commissure des lèvres. C'est sûr que lui, ce n'était pas un gentil garçon.

« Un gentil garçon oui, il me semble... Mais certainement pas au bon moment. »

Il resserra son étreinte, je me soûlais de son odeur. N'était-ce pas un relent de sang derrière le poivre ?

« Le gentil garçon évincé par une jolie fille, qui l'aurait cru ? »

Je souris et chuchotai.

Le Chant de la LuneWhere stories live. Discover now