Chapitre 31

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— Putain, Mathias, ma main est dehors !

Elle jubilait, ses doigts s'agitaient sous la pluie fraîche au dehors. Elle pouvait même sentir le vent filer sur ses doigts, le vent !

— Calme-toi, Eli'.

Le jeune homme tentait d'insuffler du calme dans ses paroles, montrer qu'il était responsable et en contrôle - mais il était au moins aussi excité qu'elle.

— Y'a de la place pour deux là-dedans ? Est-ce que tu peux mettre plus que ta main dehors déjà ?

Il l'entendit rire et se demanda à quel point il pouvait avoir l'air ridicule, elle ne répondit pas néanmoins et bien au contraire s'agita un peu plus dans le boyau. Mathias vit des morceaux de terre dégringoler et venir s'écraser au sol autour de lui, accompagnés de pas mal de boue. Si il pleuvait dehors, la cavité devait être inondée et ils allaient encore revenir au camp dans un sacré état.

— La terre est meuble, cria-t-elle, il suffit que je la...dégage un...peu !

Une énorme motte de terre tomba sur Mathias quand elle eut fini sa phrase, il accusa le coup en ayant avaler quelques miettes au passages. Bien trop excité par cette nouvelle, il ne fit aucune remarque et se débarbouilla en quelques gestes avant de lui dire :

— Pas de panique, on va y arriver.

— Pas de panique ? Mais tu délires, c'est toi qui panique là...

Une nouvelle chute de gravats et de terre accompagna sa phrase, elle avait l'air de s'activer comme une vraie taupe là-haut.

— Fais attention, toi et les tunnels tu sais bien...

Il avait voulu faire sonner sa remarque ironiquement mais il était mort de trouille, autant qu'elle se blesse que de trouver une sortie sans issue au bout de ce tunnel.

— C'est solide ? J'ai vraiment peur que tu tombes, reprit-il d'une voix tendue.

Le silence lui répondit. Plus de frottement de grattements ou de remarques acerbes. Une vague de panique monta du fond de son estomac :

— Elisabeth ? appela-t-il.

Une fois, deux fois, trois fois... Pas de réponse. Il prit une grande inspiration et se prépara à sauter, de là où il était il lui était impossible d'avoir de la vision sur la cavité dans laquelle elle était mais en s'agrippant sur les bords il pourrait sans doute d'y hisser sans trop de difficultés.

— Elle va me tuer, murmura-t-il en remontant ses manches.

— Dégage de là-dessous, entendit-il.

— Quoi ?

Il leva la tête et chercha encore une fois de regard d'où venait la voix, il se hissa sur ses pieds pour tenter d'avoir une meilleure visibilité mais reçut aussitôt une énorme quantité de terre sur le coin de la figure.

— Ah putain, s'étouffa-t-il.

Il toussa et cracha au sol ce qu'il venait d'avaler quand Elisabeth lui répondit enfin :

— Je t'avais prévenu.

Il leva le nez et tomba sur ses jambes qui se balançaient dans le vide, elle était assise sur un rebord et avait visiblement tapé du pied pour se débarrasser tout simplement du reste de la cavité où elle avait grimpé un peu plus tôt.

— Tu es dehors ? réalisa-t-il soudainement.

Elle lui sourit, un sourire des plus satisfaits, et Mathias se fit la réflexion que c'était la première fois qu'il voyait ce sourire à la lumière du jour. Comme si elle répondait à sa pensée, elle lui dit :

— Bon il fait plutôt gris mais...

Elisabeth leva la tête en l'air, de là où il était il ne pouvait que voir ses cheveux qui cascadaient sur ses épaules et les gouttes d'eau de pluie qui ruisselaient sur son visage. Il avait l'impression de voir avec plus de clarté qu'il n'avait vu depuis des années, le paysage qu'il entr'apercevait dehors lui paraissait tellement clair et dessiné par rapport aux paysages sombres dans lesquels ils vivaient sous terre. Les jambes disparurent de son champ de vision et Elisabeth sembla s'affairer en surface, Mathias ne savait tout simplement plus quoi dire il se contenta d'attendre avant qu'une corde ne fasse son apparition dans l'ouverture :

— Je te préviens, j'ai fait de la musculation mais je vais pas pouvoir te porter très longtemps.

Il soupira mais se prépara à grimper tout de même, ramassa son sac et l'attacha avant de tester la corde en y mettant une partie de son poids. Il n'entendit pas hurler et le tout sembla tenir, il grimpa sérieusement cette fois-ci en tentant d'être le moins violent possible et en quelques tractions il put hisser ses coudes en surface à son tour pour y prendre appui et se hisser hors du sous-sol. Il ne prit même pas le temps de regarder autour de lui mais préférer savourer tout simplement la sensation mordante de la pluie sur sa peau : il était dehors.

Sans crier gare, Elisabeth sauta dans ses bras et l'enlaça en riant, le nez fourré dans sa veste il l'entendit jubiler :

— Dehors, on est dehors !

Il lui rendit son étreinte sans réserve souriant de toutes ses dents et redécouvrant des sensations qu'ils n'avaient pas pu savourer depuis des jours : le vent glacial, la pluie qui commençait à inonder leurs vêtements et la lumière presque aveuglante autour d'eux. Libres.

Ils finirent par se lâcher pour étudier le paysage autour d'eux : un champ de ruines. La guerre était visiblement passée par là, détruisant bâtiments et routes autour d'eux. En voyant le paysages qui les entourait, ils ne se posaient plus la question de ce qui avait causé tant d'éboulement en bas et se demandaient plutôt comment ils n'avaient pas pu entendre tout ça.

— Quand est-ce que tout ça est arrivé ? se demanda à voix haute Elisabeth.

Elle donna un coup de pied dans un débris au sol et afficha un sourire triste, ils étaient dehors oui mais ce paysage ne ressemblait en rien à ce qu'ils avaient laissé derrière eux. Attristé lui aussi, Mathias jeta un œil à se tenue, remarquant à quel point ils étaient tous les deux recouverts de crasse :

— On est dégueulasses, lui dit-il.

Elle se retourna pour lui adresser un sourire interrogateur :

— C'est vraiment ce qui te choque, là tout de suite ? Le fait qu'on est l'air d'avoir passé la journée à se rouler dans la boue ?

Il haussa les épaules comme pour se dédouaner mais ne parvint pas à cacher son propre sourire. Ils étaient tous deux recouverts de boue des pieds à la tête, sans compter que maintenant ils étaient même trempés jusqu'aux os. C'était étrange mais il n'avait même pas envie de se trouver un abri, quelque part il avait presque envie de profiter de toute cette flotte bien fraîche. De l'eau qui ne sortait pas d'une bouteille ! Il avait même un peu de mal à traiter cette information. Ils échangeaient toujours un rire lorsqu'un bruit que Mathias connaissait trop bien le sortit aussitôt de bonne humeur : le cliquetis de la sécurité dune arme venait de retentir derrière lui.

— On ne bouge plus, entendit-il.

Il vit toute joie quitter le visage d'Elisabeth, aussitôt remplacée par une terreur indescriptible. Rodé par des années dans la police, il précéda la prochaine demande et leva aussitôt les mains en l'air sans demander son reste.

Juste après la Fin du MondeWhere stories live. Discover now