Chapitre 11

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Sans nouvelles de l'extérieur, une sorte de routine s'était installée dans le camp.

La plupart des habitants n'avaient pas grand chose à faire, techniquement ce n'était pas un petit village qu'ils étaient en train de construire mais plutôt un écosystème qui devait fonctionner pendant quelques temps, juste le temps qu'ils soient sauvés. En théorie. Non, ils ne devaient pas vraiment travailler, ce qu'ils devaient faire c'était s'occuper pour ne pas devenir agités, déprimés ou fous.

Très vite, Martha avait approché les deux policiers alors qu'ils discutaient entre deux explorations :

— Il faut absolument occuper tous ses gens, avait-elle dit. Si on ne les occupe pas, certains vont se trouver des occupations pas très éthiques et responsables.

Elle faisait en particulier référence à Jean et sa toute nouvelle clique qui se faisait un plaisir de mener une sorte de campagne politique en sous-marin, toujours obsédé par l'idée qu'il lui fallait devenir le « chef » déclaré de tous ici. Depuis son premier esclandre, il avait été décidé que toutes les décisions se prenaient en groupe afin de respecter l'opinion de tout le monde et éviter que des heurts ne naissent pour des broutilles. Il avait été obligé de s'y plier et de suivre le mouvement mais il trépignait dès qu'il voyait quelqu'un d'autre que lui prendre le devant de la scène et se faire louer pour son idée. Et comme c'était souvent Mitsu et Mathias qui avaient des bonnes idées... Le fait qu'il apprenne qu'ils étaient membres de la police là-haut n'avait fait qu'empirer les choses et il s'agissait quasiment d'une vendetta personnelle désormais.

Martha avait tenté plusieurs fois de les prévenir mais ils n'avaient de cesse de lui dire que ce n'était rien et qu'il ne fallait pas s'inquiéter. En l'occurrence, toute l'attention des jeunes hommes et de leur deux acolytes - Elisabeth et Émile - était tournée vers leur chance de rejoindre la surface. Ils avaient convenus de garder leur secret et de ne pas en parler, allaient creuser à tour de rôle par groupe de trois en laissant quelqu'un au camp pour ne pas se couper trop du reste du groupe et se reposer, et continuaient à dire qu'ils cherchaient sans trouver. Ils espéraient que leur système tienne assez longtemps pour qu'ils puissent avoir une bonne nouvelle à annoncer, et pas une vague de panique à gérer, avant que le secret ne s'évente.

Martha, quant à elle, avait décidé de mener sa propre politique interne : elle continuait à mettre son nez l'air de rien dans les affaires de Jean en lui poussant les bonnes idées devant les yeux pour qu'il ne fasse pas trop n'importe quoi dans le camp. Il n'était pas bête, fort heureusement, et avait surtout un immense besoin de contrôle ce qui rendait les choses moins dangereuses. Mais elle ne devait pas s'occuper que de Jean, non, elle devait aussi aller exposer les bonnes idées à Mitsu et Mathias :

— Les gens ont peur, je pense qu'il faut leur donner de quoi faire, s'occuper les mains.

« De quoi faire, Martha, très bien mais quoi ? » lui avait répondu Mathias. Les deux policiers étaient en train de remplir de nouveau leur sac à dos avant de repartir en exploration. Cela faisait trois jours qu'ils partaient tous les jours pendant des heures et revenaient épuisés et sales comme des mineurs. De fait, ils n'avaient ni l'envie ni le temps de vraiment prendre la température dans le camp.

— Julie m'a parlé d'une salle remplie de lit dont il fallait dégager l'accès, par exemple.

Mitsu se frappa le front du plat de la main, Elisabeth lui en avait pourtant parlé :

— Les matelas ! - il se tourna vers son compagnon - On peut pas perdre du temps à aller dégager ce passage...

— Vous n'êtes pas les seuls à pouvoir déblayer des morceaux de pierres vous savez, fit remarquer Martha un brin ironique.

Juste après la Fin du MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant