Chapitre 28

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Le soleil d'automne éclairait froidement les livres éparpillés devant Elisabeth. Sa tête reposait sur ses avant-bras tandis qu'elle laissait son regard se perdre sur les feuilles des arbres au dehors qui tentait de rester accrochées à leurs branches, le camaïeu de rouges qu'offrait la vue de la fenêtre de cette bibliothèque était reposant pour elle. Entre deux cours, elle s'escrimait à retenir le contenu de ses satanés livres sur lesquelles elle était couché pour passer les examens finaux qui arrivaient bien trop vite à son goût.

La vibration de son téléphone la tira de sa douce torpeur, elle tendit la main en avant pour aller chercher l'objet sans même le regarder. Elle tâtonna quelques instants et finit par mettre la main dessus en se fiant aux vibrations de la table puis le colla aussitôt à son oreille sans jamais détacher ses yeux des arbres dehors. La personne à l'autre bout du fil resta silencieuse, un long moment, avant de parler d'une voix qui sonnait si lointaine aux oreilles d'Elisabeth :

— C'est Sarah, lui dit Abigaëlle.

Autre membre de leur inséparable groupe d'amies, Abigaëlle passait beaucoup plus de temps avec Sarah depuis qu'elle était revenu d'entre les morts.

— Quoi, Sarah ? demanda-t-elle d'une voix morne.

Dehors, les feuilles tombaient lentement une à une, portées par le vent et ballottées dans tous les sens avant d'enfin atteindre le sol. Elisabeth n'entendit pas la réponse de son amie, elle n'entendit qu'un son étouffé comme si elle s'était soudainement éloignée si loin du combiné qu'elle ne pouvait plus parler de manière intelligible.

— Quoi ? demanda-t-elle de nouveau, un peu plus alerte.

Elle n'entendait pas, ne comprenait pas et pourtant une vague de panique montait du fin fond de son estomac. Elle porta la main à sa joue pour y trouver une larme et anxieuse, elle questionna encore une fois son amie. L'impression oppressante de revivre une scène déjà vécue mille fois grattait à l'arrière de son crâne.

— C'est Sarah, dit Abigaëlle en pleurant. Elle...

Elisabeth se réveilla en sursaut dans son clapier souterrain. Plus de feuilles d'automne, plus de signe de ces examens de communication ou du coup de téléphone le plus désagréable de sa vie. Il n'y avait plus que ce magasin remplis de matelas, les lumières artificielles des lampes de secours et des larmes encore chaudes sur ses joues. Elle se redressa le plus doucement possible pour ne pas réveiller Julie qui dormait profondément à ses côtés et ressuya ses larmes d'un geste rageur.

Dans le silence profond qui régnait dans la pièce, elle entendait son propre cœur cogner violemment dans sa poitrine, bien incapable de le calmer pour le moment. Déménager à des kilomètres du théâtre d'événements qu'avait été la Bastille dans sa vie ne suffisait manifestement pas à apaiser la douleur que les Eugénistes avaient creusé en elle.

— Hey.

Sur sa droite, Mathias s'était retourné pour l'appeler à voix basse :

— Ça va ?

Elle se rallongea aussitôt, répondant à sa question par un hochement de tête qu'il n'avait peut-être même pas vu. Elle retrouverait peut-être le sommeil cette nuit mais elle était certaine que des fantômes viendraient lui rendre visite.



Quitte à se faire repérer par les forces ennemies, ils avaient décidé de se séparer en groupes de deux pour couvrir un maximum de terrain et trouver le plus vite possible une issue – qui potentiellement pourrait les sauver. Faire quelque chose dans tous les cas, leur donnait au moins l'impression d'être actif et de ne pas attendre que la mort vienne les cueillir au détour d'un couloir sombre. On avait tiré les paires au hasard pour ne pas avoir à réfléchir à la meilleure combinaison possible et Mathias se retrouvait par un heureux hasard avec Elisabeth. Mais elle ne croyait pas à ce hasard une seconde :

Juste après la Fin du MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant